Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 21-OCD-090

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales


En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes; 
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle; 
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne; 
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête; 
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi; 
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment : 
  •  des renseignements qui révèlent des techniques ou méthodes d’enquête confidentielles utilisées par des organismes chargés de l’exécution de la loi; 
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment : 
  •  les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins; 
  • des renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête. 

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’une femme de 53 ans (plaignante).

L’enquête

Notification de l’UES

Le 19 mars 2021, à 18 h 28, le Service de police du Grand Sudbury a avisé l’UES du décès d’une femme [maintenant identifiée comme la plaignante]. Selon le service de police, le 19 mars 2021, un piéton lui aurait signalé que la plaignante se trouvait sur la glissière de sécurité du viaduc de la rue Paris [maintenant identifié comme le pont des Nations à Sudbury].

Vers 17 h 10, au moins 15 agents [dont faisaient partie les agents impliqués nos 1 et 2, selon les renseignements dont on dispose maintenant] se sont rendus sur place et ont entamé des négociations avec la plaignante. À un certain stade, celle-ci a enjambé la glissière de sécurité et ne se tenait que d’une main. Elle a fini par glisser ou tomber sur les voies ferrées, qui se trouvaient environ 15 mètres (50 pieds) plus bas. La plaignante est décédée des suites de ses blessures.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : Le 19 mars 2021, à 18 h 47
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : Le 20 mars 2021, à 0 h 5
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Les entrevues avec les agents témoins et les témoins civils ont été retardées, à cause de la pandémie de coronavirus (COVID-19) et des protocoles d’emploi et de disponibilité connexes durant l’enquête.

L’AT no 2 n’a pas été interrogé. En examinant ses notes, on a constaté que celui-ci n’avait aucun renseignement utile pour l’enquête qui n’avait pas déjà été obtenu auprès des témoins civils et des agents témoins ou au moyen des données de sources civiles ou de la police, y compris des enregistrements de caméra de surveillance et de téléphone cellulaire reçus dans le cadre de l’enquête.

Les enquêteurs de l’UES ont interrogé des témoins civils et des agents témoins, ils ont ratissé le secteur à la recherche d’autres témoins et ont cherché et obtenu des enregistrements de caméra de sécurité et de téléphone cellulaire dans le secteur où l’incident était survenu et auprès de témoins et d’agents. Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont pris des photos et des mesures numériques utiles des lieux et ont recueilli des éléments de preuve matériels sur les lieux.

Personne concernée (« plaignante ») :

Femme de 53 ans, décédée


Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à une entrevue entre le 20 mars 2021 et le 31 mars 2021.

Agents impliqués

AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.
AI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
AT no 7 A participé à une entrevue

Les agents témoins ont participé à une entrevue le 21 mars 2021. 


Éléments de preuve

Les lieux

L’incident est survenu du côté ouest du viaduc servant a la circulation des véhicules et des piétons à Sudbury qui porte le nom de pont des Nations et fait partie de la rue Paris, qui est sur un axe nord-sud et enjambe les voies ferrées du Canadien Pacific et du Canadien National et des terrains de Sudbury. Dans le secteur où l’incident est survenu, la rue Paris et le pont des Nations est une route à quatre voies avec un terre-plein central.

Les lieux sur le viaduc avaient été bouclés convenablement par le Service de police du Grand Sudbury et étaient gardés par des agents du Service de police du Grand Sudbury. Le viaduc était orné de drapeaux de différents pays.

Du côté ouest du viaduc, près du drapeau des Pays Bas, il y avait un secteur entouré de ruban jaune. Il y avait là un sac contenant des effets personnels et des couvertures.


Figue 1 - Effets personnels et couvertures du côté ouest du pont des Nations

Sur la glissière de sécurité en métal galvanisé, on a observé des traces de doigts qui avaient décoloré la surface, ce qui donnait l’impression que des barreaux avaient été agrippés par quelqu’un à l’extérieur du viaduc. Un examen visuel des dommages a permis de conclure que les barreaux de métal étaient oxydés au point où l’utilisation de poudre dactyloscopique pour révéler les empreintes serait inutile.


Figure 2 - Barreaux de la glissière de sécurité du viaduc

La hauteur totale de la glissière a été mesurée et on a déterminé qu’elle était de 1,4 mètre [4,5 pieds]. La distance entre le haut de la glissière et le point d’impact sur les voies ferrées en-dessous a aussi été mesurée et elle était de 11,9 mètres [39 pieds].

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires ont recueilli les effets personnels de la plaignante ainsi que des couvertures et se sont rendus sous le viaduc, où les lieux avaient aussi été bouclés par des agents du Service de police du Grand Sudbury. Ils ont ramassé là des effets personnels qui, semble-t il, appartenaient à la plaignante.

Une expertise judiciaire du viaduc faite de jour, après avoir examiné les enregistrements de caméra de sécurité fournis par le Service de police du Grand Sudbury et de téléphone cellulaire faits par des témoins civils qui avaient capté des images de l’incident, a montré que la plaignante s’était tenue sur le rebord du viaduc en s’agrippant à la glissière. On peut voir sur une photo d’expertise judiciaire le rebord en question du viaduc et la base du mât du drapeau des Pays Bas, sur lesquels la plaignante s’était tenue. Le rebord était continu d’un bout à l’autre du viaduc. Le profil du côté ouest, près de l’extrémité nord du viaduc, près de la rue Van Horne, a été examiné et la meilleure description qu’on puisse en donner est qu’il s’agissait d’un rebord biseauté de 2 cm sur le plan horizontal et de 3 cm sur le plan vertical à 45 degrés vers le bas.


Figure 3 - Vue aérienne du mât et du rebord biseauté du viaduc


Figure 4 - Gros plan du rebord biseauté du viaduc

Éléments de preuve matériels

Les objets pertinents qui suivent ont été collectés :
• un pantalon d’entraînement gris;
• un manteau d’hiver brun;
• un jeans bleu;
• un chandail de sport rose;
• une tuque noire et des mitaines rouges;
• un pantalon de couleur bordeaux;
• un chandail de sport noir;
• des chaussettes;
• un chemisier gris;
• deux chandails à capuchon blancs;
• des chaussures de course;
• 20 cents;
• deux briquets;
• des comprimésTylenol.

Ces objets donnent une indication des couches de vêtement que portait la plaignante, étant sans abri, et des conditions météorologiques qui prévalaient à Sudbury en mars 2021.

Éléments de preuves médicolégaux

Des échantillons pour analyse pathologique et toxicologique ont été prélevés durant l’autopsie de la plaignante et ont été soumis au Centre des sciences judiciaires. Au moment de la rédaction du présent rapport, l’UES n’avait toujours pas les résultats de ces analyses.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies [1]

Enregistrements des appels au 911 au Service de police du Grand Sudbury et enregistrements de communications audio

Voici un résumé des communications téléphoniques et par radio pertinentes en relation avec l’incident.

Communications téléphoniques

À 17 h 8 min 17 s, le TC no 3 a appelé au 911 pour signaler un homme [on sait maintenant qu’il s’agissait de la plaignante] assis sur le dessus de la glissière de sécurité d’un viaduc, à l’extrémité sud. Selon la personne au bout du fil, la plaignante avait, semble-t il, une jambe de chaque côté de la glissière.

À 17 h 9 min 28 s, une femme a appelé la police pour signaler qu’un homme sans abri [on sait maintenant qu’il s’agissait de la plaignante] était assis sur la glissière de sécurité du viaduc. Dans les trois minutes qui ont suivi, le Service de police du Grand Sudbury a reçu quatre autres appels au 911, de deux hommes et deux femmes de plus, au sujet de l’endroit où se trouvait la plaignante et de son comportement.

À 17 h 12 min 38 s, le Service de police du Grand Sudbury a appelé le service des incendies du Grand Sudbury pour signaler qu’une personne était à califourchon sur la glissière de sécurité du viaduc et demander que des pompiers se rendent sur place.

À 17 h 14 min 4 s, une femme a appelé le Service de police du Grand Sudbury pour l’aviser qu’« un homme » [on sait maintenant qu’il s’agissait de la plaignante] était à califourchon sur le viaduc et que des agents étaient avec lui.

À 17 h 14 min 9 s, l’AI no 1 a été appelé pour qu’il se rende au viaduc afin d’intervenir auprès d’une personne à califourchon sur la glissière de sécurité.

À 17 h 14 min 39 s, le Service de police du Grand Sudbury s’est adressé à la police du Canadien Pacific pour demander d’interrompre la circulation des trains sous le viaduc.

À 17 h 43 min 47 s, le Service de police du Grand Sudbury a appelé une ambulance, en rapportant que la plaignante avait sauté.

Communications par radio

À 17 h 12 min 35 s, l’AT no 5 a indiqué qu’il avait engagé la conversation avec la plaignante, qui lui avait dit de demeurer à distance. L’AT no 5 a demandé plus d’agents pour bloquer la circulation sur le viaduc.

À 17 h 13 min 57 s, l’AT no 5 a signalé que la plaignante avait annoncé son intention de sauter s’ils se rapprochaient. L’AT no 5 a indiqué que la plaignante avait traversé complètement de l’autre côté de la glissière de sécurité.

À 17 h 17 min 23 s, on a entendu un agent à la radio ordonner à toutes les voitures de police sur place de garder leurs feux d’urgence éteints et indiquer que l’AT no 5 faisait des progrès avec la plaignante.

À 17 h 18 min 16 s, l’AT no 5 a mentionné que la plaignante lui avait dit qu’elle sauterait si elle voyait les pompiers arriver.

À 17 h 21 min 3 s, l’AT no 5 a dit au centre de répartition que l’AI no 1 était en train de négocier avec la plaignante et qu’il allait éteindre sa radio.

À 17 h 39 min 6 s, un agent a indiqué que l’AI no 2 approchait de la plaignante.

À 17 h 43 min 41 s, l’AI no 2 a annoncé que la plaignante était tombée.

Données de caméra de surveillance fournies par le Service de police du Grand Sudbury

Les enregistrements avaient une valeur limitée comme élément de preuve, car la plage de focales était trop éloignée pour montrer avec clarté l’intervention des agents auprès de la plaignante.

Enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI no 2

L’enregistrement était d’une durée d’une minute quarante-trois secondes et il n’indiquait pas l’heure.

Les premières images de l’enregistrement montraient un agent en uniforme d’intervention tactique qui marchait sur le viaduc. Une voix de femme faible [maintenant identifiée comme celle de la plaignante] était à peine audible et a dit : [Traduction] « Monsieur l’agent, je ne peux pas le supporter. » Une voix d’homme a répondu en disant : [Traduction] « Nous allons reculer de quelques pas pour vous [la plaignante]. OK, seulement quelques agents restent ici. » Ensuite, un homme a dit : [Traduction] « Continuez à la faire parler. C’est tout ce que nous pouvons faire. » On pouvait voir dans l’enregistrement un sac vert avec une couverture dessus, sur le trottoir du viaduc. La plaignante était à l’extérieur de la glissière de sécurité et se tenait par les barreaux de la glissière. Un homme a dit : [Traduction] « Pas de mouvements brusques, hein? » Un autre homme a mentionné : [Traduction] « Je n’aime pas la voir se tenir ainsi. Il va faire froid. » Une voix d’homme a demandé à la plaignante : [Traduction] « Comment cela se passe-t il pour vous? », et la plaignante a répondu : [Traduction] « Je ne sais pas. » Un homme a alors demandé : [Traduction] « Y a-t il quoi que ce soit que nous puissions faire pour vous? » La plaignante a répondu : [Traduction] « Non, monsieur l’agent. Tout va bien. » Un homme a dit : [Traduction] « Nous sommes là pour vous aider, c’est tout. Nous voulons vous laisser de l’espace. » La plaignante a répondu quelque chose d’inaudible. Un homme a ensuite dit : [Traduction] « Oh non! [plaignante]. » Les paroles de la plaignante qui ont suivi étaient inaudibles. Un homme a dit : [Traduction] « Continuez à me parler. » À cet instant, la plaignante a lâché la glissière. Un homme a alors demandé : [Traduction] « Est elle tombée? », et un autre homme lui a répondu : [Traduction] « Ouais. » La caméra s’est ensuite approchée de la glissière de sécurité. Un homme a dit : [Traduction] « Une femme tombée. » Dans la vidéo, on a vu trois agents qui se tenaient à proximité d’une voiture de police identifiée, et un homme a dit : [Traduction] « Avisez les services ambulanciers de venir sur les lieux. » Au moment où l’enregistrement s’est terminé, des agents de l’escouade tactique étaient sur le bord de la glissière de sécurité et regardaient les voies ferrées en bas.

Enregistrement du TC no 5

L’engistrement montrait principalement la plaignante à l’extérieur de la glissière de sécurité du viaduc, qui se tenait à deux barreaux de la glissière de sécurité, pendant une minute vingt-cinq secondes. Aucun agent n’était à proximité de la plaignante tandis qu’elle se tenait aux barreaux.

Dans les deux autres enregistrements, on pouvait voir les ambulanciers prodiguant des soins à la plaignante, mais la vue était obstruée par un train immobile.

Photos du TC no 6

Les photos montraient la plaignante à l’extérieur de la glissière de sécurité qui se tenait aux barreaux et avait les pieds sur ou contre la base étroite du mât du drapeau des Pays Bas. Aucun agent n’était à proximité de la plaignante.

Enregistrement vidéo et photos du TC no 4

Les huit photos, dont deux étaient des doubles, et les trois enregistrements pris par le TC no 4 montraient la plaignante à l’extérieur du viaduc, qui se tenait aux barreaux et, pendant un moment, elle se tenait à un seul barreau, avec la jambe gauche tendue vers la base du mât du drapeau des Pays Bas, tandis que son pied droit demeurait sur le rebord étroit.

Le premier enregistrement, d’une durée de quatre secondes, montrait la plaignante dans la même position, comme sur les doubles de photo, mais avec un léger mouvement de balancier.

Dans le deuxième enregistrement vidéo, de 15 secondes, on voyait la plaignante toujours sur le rebord extérieur du viaduc, se tenant à deux barreaux et les deux pieds sur le rebord étroit.

Dans le troisième enregistrement, d’une durée de 28 secondes, qui était la suite du deuxième, la plaignante se tenait toujours aux barreaux, avec les deux pieds sur le rebord étroit. À 18 secondes à partir du début, le TC no 4 a tourné la caméra vers le nord pour capter des images non pas de la plaignante mais des voitures de police immobiles sur le viaduc, dans les voies en direction sud. Lorsque le TC no 4 a réorienté sa caméra vers le sud pour montrer l’endroit où était la plaignante, celle-ci avait disparu. Aucun agent ne se trouvait à proximité de l’endroit où la plaignante s’était retenue aux barreaux.

Documents obtenus du service de police

L’UES a examiné les éléments et documents suivants que lui a remis, à sa demande, le Service de police du Grand Sudbury le 30 mars 2021 :
• les enregistrements audio des appels au 911 et des communications;
• les enregistrements des caméras de surveillance;
• l’agrément pour la formation de négociateur en situation de crise de 2020;
• les certificats de formation de négociateur en situation de crise de 2017 pour l’AI no 1 et l’AI no 2;
• les certificats de cours de recyclage de négociateur en situation de crise de 2020 pour l’AI no 1 et l’AI no 2;
• la note de divulgation du Service de police du Grand Sudbury;
• le rapport des détails de l’événement;
• les empreintes digitales et le numéro de série des empreintes digitales de la plaignante;
• le registre de scène de crime du Service de police du Grand Sudbury;
• l’historique du Service de police du Grand Sudbury sur la plaignante;
• le rapport d’homicide ou mort subite;
• la politique d’intervention de la police relative aux personnes émotionnellement perturbées;
• les données du cours de négociateur en situation de crise de l’AI no 1 et de l’AI no 2;
• les registres de formation de l’AI no 1 et de l’Ai no 2.
• la liste des témoins;
• les notes des AT;
• la politique relative aux négociations en situation de crise;
• la politique relative au sauvetage des otages – personnes barricadées;
• des photographies des lieux;
• la table des matières des divulgations de l’UES;
• les rapports d’incident supplémentaires (x3);
• l’enregistrement de la caméra d’intervention de l’AI no 2.

Description de l’incident

Le déroulement des événements pertinents ressort clairement des éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues avec les agents qui se trouvaient sur les lieux et les enregistrements de la caméra d’intervention d’un agent impliqué, qui a capté des images de l’incident. Les deux agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir leurs notes relatives à l’incident, comme la loi les y autorise.

Le 19 mars 2021, vers 17 h 10, plusieurs appels au 911 ont été reçus par le Service de police du Grand Sudbury de la part de citoyens craignant pour la sécurité d’une personne assise sur la glissière de sécurité du pont des Nations à Sudbury. Des agents ont donc été dépêchés sur les lieux.

C’est la plaignante qui était sur le viaduc. Il s’agissait d’une femme sans abri découragée de vivre dans la rue qui songeait à s’enlever la vie en sautant en bas du viaduc.

L’AT no 3 et l’AT no 5 ont été les premiers agents arrivés au viaduc, à 17 h 13. Environ au même moment, la plaignante a enjambé la glissière de sécurité pour se retrouver à l’extérieur, sur le rebord étroit près du mât du drapeau des Pays Bas, du côté ouest du viaduc. Les agents ont garé leurs voitures à une certaine distance de la plaignante, ils en sont sortis et se sont approchés lentement d’elle. Ils se sont arrêtés lorsque la plaignante a menacé de sauter s’ils avançaient davantage. À une distance d’environ trois à quatre mètres, l’AT no 5 a mené les négociations avec la plaignante. L’agent a indiqué qu’ils étaient là pour l’aider et il l’a encouragée à revenir en lieu sûr. La plaignante a alors demandé qu’on la laisse seule. Dans les minutes suivant son arrivée, l’AT no 5 a demandé l’assistance de négociateurs en situation de crise spécialement formés.

Autour de 17 h 20, l’AI no 1 est arrivé sur les lieux et il a été suivi de près par l’AI no 2, tous deux étant des négociateurs spécialement formés de l’escouade tactique du Service de police du Grand Sudbury. L’AI no 1 a parlé à la plaignante, lui demandant si elle avait des parents ou amis avec qui ils pouvaient communiquer. Celle-ci n’était pas réceptive aux paroles des agents. À différents moments, elle a indiqué qu’elle pourrait sauter ou retraverser la glissière de sécurité quand elle serait prête, si la police partait. L’AI no 1 a continué d’essayer de discuter avec elle.

Vers 17 h 43, tandis que l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient tous deux à plusieurs mètres de là où elle se trouvait, la plaignante est tombée en bas du viaduc, sur les rails, à approximativement 11 mètres plus bas.

Les services ambulanciers ont prodigué des soins à la plaignante et l’ont transportée à l’hôpital. Elle a été déclarée morte à 18 h 10.

Cause du décès

À l’autopsie, le médecin légiste a indiqué que, d’après un examen préliminaire, le décès de la plaignante était attribuable à de multiples traumatismes contondants.

Dispositions législatives pertinentes

Articles 219 du Code criminel -- Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :
a) soit en faisant quelque chose;
b) soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir, montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

Articles 220 du Code criminel -- Négligence criminelle

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le 19 mars 2021, la plaignante est tombée d’un viaduc de Sudbury et a ainsi subi des blessures mortelles. Puisque des agents du Service de police du Grand Sudbury étaient présents sur le viaduc avec la plaignante au moment de sa chute, l’UES a été avisée et a entrepris une enquête. Les AI nos 1 et 2 ont été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’y a pas de motifs raisonnnables de croire que l’un ou l’autre des agents impliqués a commis une infraction criminelle ayant un lien avec le décès de la plaignante.

La seule infraction potentielle à prendre en considération est celle de négligence criminelle ayant causé la mort contraire à l’article 220 du Code criminel. Elle ne s’applique que dans les cas de grave négligence qui dénotent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. On ne peut considérer qu’un crime a été commis à moins que, notamment, la conduite représente un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation. Ce qu’il faut déterminer dans ce dossier, c’est s’il y a eu, de la part de l’un ou l’autre des AI, un manque de diligence, par rapport à la manière dont ils ont agi à l’égard de la plaignante et de ses difficultés, qui a pu causer le décès de la plaignante ou y contribuer et qui est suffisamment flagrant pour entraîner une sanction pénale. À mon avis, ce n’est pas le cas.

Les agents dépêchés sur le pont des Nations étaient dans l’exercice de leurs fonctions légitimes du début à la fin de l’incident. L’obligation première d’un policier est de protéger et de préserver la vie, et les agents avaient donc le devoir de faire tout en leur pouvoir pour éviter que la plaignante se fasse du mal.

Je considère que les agents en cause ont fait preuve de diligence pour assurer la santé et le bien être de la plaignante pendant leur interaction d’environ une demi-heure avec elle sur le viaduc. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient, notamment l’aider garder le calme, réduire le plus possible la présence de la police (les agents et leurs voitures) et demander au service des incendies de se tenir prêt à intervenir en restant à distance, étant donné que la plaignante avait indiqué clairement qu’elle sauterait s’ils venaient sur les lieux. Même si la plaignante avait mentionné qu’elle remonterait peut être sur le viaduc s’ils partaient, les agents ne pouvaient complètement quitter les lieux puisqu’elle avait aussi exprimé son intention de sauter. Ils n’étaient pas non plus forcément en position d’intervenir plus activement, notamment en se précipitant pour attraper la plaignante, sans risquer qu’elle saute, d’autant plus qu’elle les avait prévenus qu’ils devaient garder leurs distances. Dans les circonstances, je ne peux condamner la façon de procéder des agents, y compris l’utilisation de négociateurs spécialement formés pour tenter d’inciter la plaignante à revenir en lieu sûr en restant à une certaine distance d’elle. En dernière analyse, si les agents n’ont pu empêcher la plaignante de tomber, que ce soit intentionnement ou par accident, ce n’est pas faute d’avoir fait tout en leur pouvoir pour l’en empêcher.

Pour les raisons exposées ci-dessus, il n’existe pas de motifs de croire que les agents impliqués, soit l’AI no 1 et l’AI no 2, n’ont pas pas respecté les normes de diligence prescrites par le droit criminel. Par conséquent, il n’y a pas lieu de porter des accusations dans cette affaire, et le dossier est clos.

Date : 16 juillet 2021

Signature électronique

Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Les enregistrements contiennent des renseignements personnels confidentiels qui ne peuvent être divulgués, conformément au paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les renseignements utiles pour l’enquête sont résumés ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.