Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-293

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport a trait à l’enquête de l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 54 ans le 25 novembre 2016 à la suite d’un accident de la route.

L’enquête

Notification de UES

Le 25 novembre 2016, à 13 h 45, la Police régional de York (PRY) a informé l’UES que le plaignant avait subi de graves blessures à la suite d’un accident de la route impliquant un seul véhicule qui s’était produit deux heures auparavant, à Markham.

La PRY a déclaré que vers 12 h 20, le 25 novembre 2016, le plaignant conduisait en direction sud sur Ninth Line et a été capté par un dispositif radar de la police à une vitesse de 134 km/h. L’agent impliqué (AI) était l’opérateur du radar; il a fait demi‐tour et a poursuivi le véhicule du plaignant qui, à ce moment‐là, avait tourné en direction ouest sur le chemin Elgin Mills Est. L’AI a avisé son répartiteur de la situation. Se rendant compte qu’il ne serait pas en mesure de rattraper le véhicule en excès de vitesse, l’AI s’est immobilisé sur l’accotement nord du chemin Elgin Mills Est, juste à l’est de la route 48, pendant 13 secondes. L’AI a ensuite continué de conduire sur le chemin Elgin Mills Est et est passé devant le véhicule accidenté du plaignant, qui se trouvait à l’intersection du chemin Elgin Mills Est et de la route provinciale 48.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 3

Nombre de reconstitutionistes d’accidents routiers de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié, recueilli et préservé des éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes et des photographies.

Plaignant :

Entretien avec l’homme âgé de 54 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoins civils (TC)

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

TC no 5  A participé à une entrevue

TC no 6  A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas participé à une entrevue et n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Éléments de preuve

Les lieux de l’incident

Le chemin Elgin Mills Est est une route asphaltée à deux voies permettant la circulation de véhicules dans les directions est et ouest. Les voies sont délimitées par une ligne jaune continue près du centre de la chaussée. À l’approche de la route provinciale 48, il y a une voie additionnelle pour tourner à gauche. Depuis la crête du chemin Elgin Mills Est jusqu’à un point situé à 161 mètres à l’est de la route 48, le chemin Elgin Mills Est descend d’une hauteur de 11,9 mètres.

À partir d’un point à 134,5 mètres à l’est de la bordure de la route 48 sur le chemin Elgin Mills Est, le chemin Elgin Mills Est comporte un virage vers la gauche, ou le sud, d’un rayon de 77,3 mètres. La vitesse calculée à laquelle tout véhicule circulant en direction ouest entrerait dans le lacet (vitesse de virage critique) est de 84 à 89 km/h.

La limite de vitesse signalée sur le chemin Elgin Mills Est est de 60 km/h, mais il y a un panneau de vitesse conseillée à l’approche du virage indiquant 30 km/h. Les flèches noires sur les panneaux à fond jaune sont positionnées le long de la bordure nord de l’accotement de gravier côté nord pour aider les automobilistes à négocier le virage à gauche.

La route 48 croise le chemin Elgin Mills Est dans une intersection à angle droit. La route provinciale 48 est une route asphaltée à deux voies, l’une en direction nord et l’autre en direction sud, permettant la circulation de véhicules. Les voies sont délimitées par une ligne jaune continue près du centre de la chaussée. À l’approche du chemin Elgin Mills Est, il y a une voie supplémentaire pour tourner à gauche et une voie supplémentaire de virage à droite qui sont délimitées par une flèche blanche unie peinte sur l’asphalte et une ligne blanche continue peinte sur l’asphalte. La limite de vitesse affichée est de 80 km/h.

La route provinciale et le chemin sont tous deux bordés d’un accotement recouvert de gravier et d’un fossé dans un milieu rural. Sur le côté nord du chemin Elgin Mills Est il y a un perré de pierres (les pierres sont d’un diamètre approximatif de 7 à 15 cm) au centre. Ce type de pierre est conçu pour limiter l’érosion.

L’intersection est contrôlée par des feux de circulation fonctionnels, des barres d’arrêt peintes en blanc, des passages pour piétons peints en blanc et des signaux piétonniers. Tous les angles de l’intersection possèdent un éclairage artificiel, mais il s’agit d’une question purement théorique puisque la collision s’est produite en plein jour. Les deux chaussées sont en bon état et les lignes de visibilité à l’intersection sont bonnes.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Photo satellite de la scène.

Preuves médicolégales

Un test de dépistage sanguin effectué à l’hôpital une heure et quart après la collision a révélé la présence de médicaments non prescrits dans le sang du plaignant, et son taux d’alcoolémie était bien supérieur à la limite légale pour conduire.

Témoignage d’expert

Rapport du reconstitutioniste d’accidents routiers de l’UES

Vers 12 h 32, le 25 novembre 2016, l’AI conduisait une voiture de patrouille de la PRY, un Ford Explorer 2017, sur Ninth Line. Sur le dispositif radar que l’AI utilisait, la voiture du plaignant, une Ford Focus, a été enregistrée à une vitesse de 134 km/h. L’AI a fait demi‐tour et est parti à la poursuite de la Ford Focus. Le temps était frais, le ciel était clair et les chaussées étaient sèches.

Au sommet d’une pente, à l’approche de la route 48, la Ford focus circulait en direction ouest sur la voie de direction est du chemin Elgin Mill Est. À un intervalle minimal de vitesse de 109 à 123 km/h, le conducteur de la Focus a appliqué les freins, laissant des traces de pneus sur la voie de circulation vers l’est en traversant les deux voies de circulation vers l’ouest, puis continuant de rouler sur l’accotement de gravier côté nord du chemin Elgin Mill Est.

La Ford Focus a continué sa course en direction ouest sur le talus recouvert d’herbes du fossé côté nord puis en direction sud au centre du fossé. Sans que les freins aient été appliqués, l’avant et le châssis du véhicule sont entrés en collision avec la pierre concassée et les débris qui se trouvaient au centre du fossé. Du gravier et des débris ont été projetés vers le sud‐ouest sur la voie de circulation vers l’ouest du chemin Elgin Mills Est et sur la voie en direction nord de la route 48.

L’avant de la Ford Focus s’est immobilisé après être entré en contact avec un poteau de service public situé à l’angle nord‐est de l’intersection. On ne sait pas avec précision à quelle distance l’autopatrouille se trouvait derrière la Ford Focus au moment de la collision. On n’a découvert aucun élément de preuve indiquant qu’il y a eu un impact entre la voiture de patrouille de la PRY et la Ford Focus.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Enregistrement vidéo provenant de la caméra installée dans l’autopatrouille

  • Le 25 novembre 2016, à 12 h 30, l’AI était stationné sur le côté est de Ninth Line, faisant face au nord. Il était en train de compiler ses notes et de faire respecter la limite de vitesse au moyen d’un dispositif de radar fixe pour la circulation en direction sud. Les coordonnées GPS à cet endroit et à cette heure étaient 43.938545 pour la latitude et 79.249548 pour la longitude
  • Le véhicule impliqué conduit par le plaignant est entré dans le faisceau du radar à une vitesse enregistrée de 134 km/h, circulant en direction sud sur Ninth Line dans une zone de 70 km/h. L’AI a immédiatement fait demi‐tour et amorcé une poursuite de la voiture du plaignant
  • Le plaignant a fait un virage à droite à la première intersection, soit le chemin Elgin Mills Est, pour continuer sa route en direction ouest. La distance à ce point est de 601 mètres. Le chemin Elgin Mills Est a une voie dans chaque direction et une limite de vitesse de 60 km/h. Un panneau indiquant de faire attention aux véhicules agricoles utilisant la chaussée se trouve sur l’accotement de la voie en direction ouest, à des coordonnées de GPS de 43.933116 et 79.249768, soit à 714 mètres du point de départ de l’AI
  • Peu après, l’AI, toujours en poursuite du véhicule, a passé une traverse de chemin de fer à une vitesse de 156 km/h. Le véhicule conduit par le plaignant a été vu à une certaine distance, mais l’AI ne réduisait pas la distance qui séparait son autopatrouille de la voiture du plaignant. La distance parcourue à ce point est de 1,24 kilomètre
  • À l’approche de l’intersection du chemin Elgin Mills et de la route 48, le marquage routier devient de couleur jaune continue en raison de l’arrivée du sommet d’une colline qui empêche les automobilistes de voir les véhicules qui s’approchent. Les dépassements sont interdits
  • À 12 h 31min 21 sec., le plaignant a dépassé un véhicule de particulier (qui était conduit par la TC no 5) ainsi que le camion de transport qui se trouvait devant ce véhicule. L’AI avait parcouru 1,74 kilomètres. Il avait très brièvement atteint la vitesse de 171 km/h, mais a commencé à ralentir lorsqu’il a perdu de vue le véhicule conduit par le plaignant tandis qu’il montait sur la colline menant à la route 48
  • Lorsque l’AI a passé un panneau indiquant qu’une colline se trouvait devant, il a réduit sa vitesse à 64 km/h. Il avait alors parcouru 2,2 kilomètres
  • L’AI a continué de ralentir puis a fait un arrêt complet au sommet de la colline. Il avait alors parcouru 2,4 kilomètres. Un panneau indiquant des feux de circulation un peu plus loin était adjacent à l’endroit où l’AI s’était arrêté. Le véhicule du plaignant n’était pas en vue
  • L’AI s’est immobilisé pendant 13 secondes puis a continué de conduire jusqu’à ce qu’il arrive sur les lieux de la collision, 230 mètres plus loin
  • La distance parcourue entre l’endroit où se trouvait le radar de l’AI et le lieu de l’accident était de 2,6 kilomètres

Enregistrements des communications

Enregistrement de communications

L’AI s’est identifié par le signe d’appel « Traffic One » et a dit : [traduction] « Juste pour vous avertir qu’un véhicule vient de m’échapper. Je ne suis pas à sa poursuite. » Il a ensuite commencé à préciser la direction de déplacement du véhicule recherché, mais a alors fait une pause, avant de reprendre, 23 secondes plus tard, sa radiocommunication, informant le répartiteur que le véhicule recherché avait eu un accident. Il a confirmé la collision et a déclaré qu’il se trouvait à l’intersection du chemin Elgin Mills Est et de la route 48 et qu’une intervention médicale était requise immédiatement.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRY les documents et éléments suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications
  • rapports d’accident de la route
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2
  • déposition du TC no 3
  • procédure de la PRY – poursuites pour appréhender un suspect
  • registre de divulgation de la PRY
  • enregistrement vidéo de la caméra installée à bord de l’autopatrouille de l’AI

Description de l’incident

En début d’après‐midi, le 25 novembre 2016, le plaignant conduisait une Ford Focus à une vitesse très élevée, circulant en direction sud sur Ninth Line, à Markham. Le TC no 6 était son passager.

L’AI utilisait un dispositif radar de vérification de vitesse et a enregistré la vitesse du plaignant à 134 km/h dans une zone de 70 km/h. Le plaignant a fait un virage et continué de faire de la vitesse en direction sud sur le chemin Elgin Mills Est. L’AI est parti à la poursuite du plaignant, mais a vite abandonné la poursuite en raison de la présence d’autres véhicules sur la route et de la vitesse croissante du plaignant.

Après avoir atteint le sommet de la colline sur le chemin Elgin Mills Est à haute vitesse, le plaignant a perdu le contrôle de son véhicule, lequel a quitté la chaussée et est entré en collision avec un poteau d’électricité. Les deux sacs gonflables ont été activés et le parebrise avant a été lourdement endommagé. Le plaignant a été trouvé inconscient.

Une ambulance a transporté le plaignant à l’hôpital, où il a été déterminé qu’il avait subi un traumatisme crânien fermé, des fractures de la mandibule (mâchoire) avec déplacement sévère et des lacérations au foie. Le TC no 6 n’a pas été gravement blessé.

Dispositions législatives pertinentes

Article 2 du Règl. de l’Ont. 266/10 : Poursuites visant l’appréhension de suspects – Amorce ou continuation de la poursuite

2. (1) Un agent de police peut poursuivre ou continuer de poursuivre un véhicule automobile en fuite qui ne s’immobilise pas,

  1. soit s’il a des motifs de croire qu’une infraction criminelle a été commise ou est sur le point de l’être
  2. soit afin d’identifier le véhicule ou un particulier à bord du véhicule

(2) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, un agent de police s’assure qu’il ne peut recourir à aucune des solutions de rechange prévues dans la procédure écrite, selon le cas,

  1. du corps de police de l’agent, établie en application du paragraphe 6 (1), si l’agent est membre d’un corps de police de l’Ontario au sens de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux
  2. d’un corps de police dont le commandant local a été avisé de la nomination de l’agent en vertu du paragraphe 6 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie II de cette loi
  3. du corps de police local du commandant local qui a nommé l’agent en vertu du paragraphe 15 (1) de la Loi de 2009 sur les services policiers interprovinciaux, si l’agent a été nommé en vertu de la partie III de cette loi.

(3) Avant d’amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police décide si, afin de protéger la sécurité publique, le besoin immédiat d’appréhender un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou le besoin d’identifier le véhicule ou le particulier l’emporte sur le risque que peut présenter la poursuite pour la sécurité publique.

(4) Pendant une poursuite visant l’appréhension de suspects, l’agent de police réévalue continuellement la décision prise aux termes du paragraphe (3) et interrompt la poursuite lorsque le risque que celle-ci peut présenter pour la sécurité publique l’emporte sur le risque pour la sécurité publique que peut présenter le fait de ne pas appréhender immédiatement un particulier à bord du véhicule automobile en fuite ou de ne pas identifier le véhicule ou le particulier.

(5) Nul agent de police ne doit amorcer une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle si l’identité d’un particulier à bord du véhicule automobile en fuite est connue.

(6) L’agent de police qui entreprend une poursuite visant l’appréhension de suspects pour une infraction non criminelle interrompt la poursuite une fois que le véhicule automobile en fuite ou le particulier à bord du véhicule est identifié.

Article 249 du Code criminel –Conduite dangereuse

249 (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu

Analyse et décision du directeur

Le 25 novembre 2016, vers 12 h 30, l’AI était stationné à bord de sa voiture de patrouille sur le côté est de la neuvième ligne (Ninth Line), faisant face au nord, dans la ville de Markham. L’AI avait son dispositif radar activé et était en train de compiler ses notes de précédentes interactions avec des automobilistes lorsque son dispositif a enregistré un véhicule à moteur circulant en direction sud à une vitesse de 134 km/h dans une zone de 70 km/h. L’AI a effectué un virage en U et tenté d’appréhender le conducteur du véhicule, lequel a fini par faire une sortie de route et causer une collision impliquant un seul véhicule. Le chauffeur du véhicule à moteur, ultérieurement identifié comme étant le plaignant, a été transporté à l’hôpital, où on l’a placé dans un coma médicalement provoqué; on lui a diagnostiqué un traumatisme crânien fermé, des fractures de la mandibule avec déplacement sévère et des lacérations au foie. Son passager, le TC no 6, n’a pas été gravement blessé.

À la lumière de l’ensemble des éléments de preuve, il n’est pas contesté que le plaignant ne s’est jamais rendu compte que sa vitesse avait été enregistrée par le dispositif radar de l’AI ni que l’AI essayait d’immobiliser son véhicule pour l’appréhender. Ainsi, il est évident que, du fait que le plaignant n’avait pas conscience de cela, la conduite de son véhicule n’a d’aucune façon été déclenchée, influencée ou exacerbée par les actions de l’AI et que sa conduite était plutôt le résultat direct de sa propre volonté de conduire son véhicule à une vitesse excessive, en étant sous l’effet d’une quantité illégale d’alcool et d’autres substances intoxicantes, que la collision et les graves blessures subies par le plaisant ont été le résultat direct des choix qu’il a faits quant à sa manière de conduire son véhicule et qu’il est responsable de ses malheureuses conséquences. En résumé, il n’y a aucune preuve qui puisse de quelle que façon que ce soit être interprétée comme établissant un lien causal entre la conduite de l’autopatrouille par l’AI et les blessures subies par le plaignant.

La preuve de l’AI, telle que confirmée par l’enregistrement vidéo de la caméra à bord de la voiture de patrouille, les enregistrements de communications entre l’AI et le répartiteur de la PRY et les témoins civils, corrobore entièrement le fait que l’AI n’était pas en mode de poursuite d’un véhicule au moment de la collision impliquant un seul véhicule dans laquelle le plaignant a été blessé, ni n’était à la poursuite du véhicule recherché immédiatement avant la collision, ayant abandonné ses efforts d’appréhender le plaignant peu après avoir initialement fait son demi‐tour et amorcé la poursuite du véhicule du plaignant. Sur l’ensemble de la preuve matérielle, il est clair que, bien que l’AI ait initialement tenté d’immobiliser le véhicule du plaignant, il n’a jamais pu réduire l’écart de distance entre son autopatrouille et le véhicule du plaignant et que, dès que le plaignant a dépassé deux autres véhicules à moteur circulant sur la chaussée, l’AI a commencé à ralentir, a perdu de vue le véhicule du plaignant puis s’est arrêté sur le bas‐côté. Il ressort clairement tant de l’enregistrement vidéo de la caméra à bord de l’autopatrouille que de l’enregistrement des communications que l’AI a ensuite fait le point de la situation au répartiteur et lui a dit : [traduction] « Un véhicule vient de m’échapper. Je ne suis pas à sa poursuite. » Entre le point où la vitesse du véhicule du plaignant a été enregistrée sur le radar de l’AI et le point où l’AI s’est rangé sur le bas‐côté et a arrêté son autopatrouille, une distance de 2,4 kilomètres avait été couverte. La voiture de patrouille de l’AI s’était arrêtée pendant 13 secondes avant que le véhicule du plaignant ne fasse une sortie de route, et le lieu de la collision se trouvait après une colline, à 230 mètres de l’endroit où l’AI avait momentanément arrêté son autopatrouille.

Sur ce dossier, il est établi que le 25 novembre 2016, vers 12 h 32, le plaignant conduisait son véhicule à moteur à une vitesse excessive, qu’il était sous l’effet de l’alcool et de drogues, que son taux d’alcool dans le sang était bien supérieur à la limite légale et qu’en raison de ses actions son véhicule a fait une sortie de route dans le fossé côté nord, au‐dessus d’une berme et en bas d’une colline, pour finir sa course en percutant un poteau d’électricité. En outre, il n’y a aucune preuve que le plaignant était conscient à un moment ou un autre d’une présence ou d’une participation policière pendant qu’il conduisait son véhicule. À la lumière de cette preuve, il est clair que la collision dans laquelle le plaignant a été blessé est entièrement imputable à ses propres actes et se serait produite que l’AI ait tenté ou non d’appréhender le plaignant, vu que la présence de l’AI n’a eu aucun effet sur la conduite du plaignant.

Bien qu’il n’y ait pas de lien causal entre la conduite de l’AI et les blessures subies par le plaignant, il vaut de mentionner que l’AI s’est entièrement conformé au Règlement de l’Ontario 266/10 de la Loi sur les services policiers de l’Ontario, intitulé Poursuite visant l’appréhension de suspects, en ce que, dans les secondes qui ont suivi l’amorce de sa poursuite du véhicule du plaignant, l’AI a informé le répartiteur qu’[traduction] « un véhicule vient de m’échapper » mais qu’il n’était pas à sa poursuite; il a informé le répartiteur de l’endroit où le véhicule du plaignant avait été vu pour la dernière fois et a tenu le répartiteur au courant de la situation; l’AI a déterminé si, pour protéger la sécurité publique, il était immédiatement nécessaire d’appréhender un particulier à bord de son véhicule en fuite ou si le besoin d’identifier le véhicule à moteur en fuite ou le particulier qui fuyait à bord de ce véhicule à moteur l’emportait sur le risque que la poursuite de ce véhicule en fuite pouvait poser pour la sécurité publique. (Par. 2(4)).

La dernière question à trancher est de savoir s’il y a des motifs raisonnables de croire que l’AI, lorsqu’il s’est initialement lancé à la poursuite du plaignant, a commis une infraction criminelle, notamment si, en conduisant sa voiture de patrouille, il a élevé le niveau de danger et, par conséquent, contrevenu au paragraphe 249(1) du Code criminel.

C’est l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, qui établit le droit applicable concernant l’article 249 en ce qu’il faut que « la conduite soit dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et qu’elle doit être telle qu’elle constitue « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. »

Après avoir examiné tous les éléments de preuve, je conclus qu’il n’y a aucune preuve que l’AI, en conduisant sa voiture de patrouille, a créé un danger pour les autres usagers de la route ou a, à quelque moment que ce soit, perturbé la circulation; en fait, hormis lors de sa pointe de vitesse initiale alors qu’il tentait de rattraper le véhicule du plaignant, l’AI semble n’avoir contrevenu à aucune disposition du Code de la route; en outre, les conditions météorologiques étaient bonnes et les chaussées étaient sèches. Je conclus donc que les éléments de preuve relatifs à la conduite de l’AI ne permettent pas de conclure que le niveau de conduite requis a été haussé au point de représenter « un écart marqué par rapport à la norme » et, comme je l’ai indiqué plus haut, qu’il n’y a aucune preuve permettant d’établir l’existence d’un lien causal entre les actions de l’AI et la collision causée par le plaignant. En fait, à l’examen de la preuve dans son intégralité, il est clair que non seulement l’AI a répondu à la situation en pleine conformité avec le Code criminel, le Code de la route et la Loi sur les services policiers de l’Ontario, mais qu’il s’est aussi comporté en tout temps de façon professionnelle et prudente. Je ne vois donc absolument aucun motif, ici, de déposer des accusations au criminel.

Date : 13 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.