Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 17-OCI-033

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 54 ans a subie lors de son arrestation survenue le 8 octobre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 février 2017, à 10 h 35, le Service de police de London (SPL) a informé l’UES de la blessure que le plaignant avait subie lors de sa mise sous garde.

Le SPL a déclaré que, le 8 octobre 2016, à 19 h 25, le plaignant a été arrêté par l’AI no 1 et l’AI no 2 à une résidence dont lui‐même et le témoin civil (TC) no 1 sont propriétaires. Il a été mis à terre et menotté dans le dos. Le plaignant s’est plaint de douleurs et a été emmené à l’hôpital le même jour, mais le personnel médical a estimé qu’on pouvait lui donner son congé de l’hôpital et il a ultérieurement été remis en liberté.

Le 10 octobre 2016, un membre du personnel de l’hôpital a appelé le plaignant pour lui dire qu’il avait un poumon affaissé. Bien que le plaignant ne se soit pas initialement plaint d’une blessure, le SPL a été informé de la blessure à la suite d’une plainte que le plaignant avait déposée auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP).

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés :

Plaignant :

Homme âgé de 54 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

Aucun

Agents impliqués (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées.

Description de l’incident

Le 8 octobre 2016, en début de soirée, le plaignant avait stationné son bateau sur l’entrée de la résidence vacante dont lui‐même et le TC no 1 étaient propriétaires, empêchant ainsi tout accès à la porte d’en avant. Lorsque le TC no 1 et la TC no 2 sont arrivés à la résidence et ont essayé d’y entrer, ils en ont été empêchés en raison de la présence du bateau.

Le plaignant, qui se trouvait alors dans son camion de l’autre côté de la rue, a appelé le 9‐1‐1 car il croyait que le TC no 1 allait endommager le bateau. Le TC no 1 a lui aussi appelé le 9‐1‐1. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont répondu à l’appel.

Lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés sur les lieux, ils ont parlé au plaignant ainsi qu’au TC no 1. Les agents ont informé les deux hommes que du fait qu’ils étaient tous deux propriétaires de la maison, il n’y a rien que les agents pouvaient faire au sujet du bateau qui bloquait l’accès à la maison. Le plaignant a eu une attitude belliqueuse envers l’AI no 1 et l’AI no 2 et il est allé à son camion et a consommé deux boissons alcoolisées à la vodka. L’AI no 2 a mis le plaignant en garde contre l’alcool au volant. Le plaignant a continué de vociférer contre l’AI no 1 et l’AI no 2.

Pendant que le TC no 1 essayait de déplacer le bateau en présence des agents, le plaignant s’est fâché et a rapidement roulé avec son camion jusqu’à l’attelage de la remorque, manquant de peu de heurter le TC no 1. L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont approchés du camion du plaignant côté conducteur et ont demandé au plaignant d’en sortir. Le plaignant a refusé de sortir. Les agents ont tiré le plaignant hors du camion et l’ont mis au sol. Le plaignant a été menotté mains dans le dos puis placé à l’intérieur de l’autopatrouille de l’AI no 1 et emmené au poste de police.

Alors qu’il était dans une cellule au poste de police, le plaignant s’est plaint de douleurs au dos et a été emmené à l’hôpital. Une radiographie du thorax du plaignant a été prise et le personnel médical a estimé qu’on pouvait lui donner son congé de l’hôpital; il a ensuite été remis en liberté.

Peu de temps après, un autre médecin de l’hôpital a appelé le plaignant et lui a dit que le rapport radiographique de son thorax avait été mal lu et qu’il avait le poumon gauche affaissé. Le 12 octobre 2016, le plaignant s’est rendu au poste de police et a déposé une plainte auprès du BDIEP.

Preuve

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPL les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • sommaire de la poursuite – le plaignant
  • enregistrements des communications
  • vidéo de l’aire de mise en détention et de la cellule
  • entrevue du SPL avec le plaignant (enregistrement audio et transcription)
  • déclarations préparées de l’AI no1 et de l’AI no 2
  • déclarations préparées des deux agents non désignés
  • notes d’un agent non désigné
  • procédure du SPL – Emploi de la force

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 249(1) du Code criminel – Conduite dangereuse

(1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas :

  1. un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu; [...]

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

Article 267 du Code criminel – Agression armée ou infliction de lésions corporelles

267 Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois quiconque, en se livrant à des voies de fait, selon le cas :

  1. porte, utilise ou menace d’utiliser une arme ou une imitation d’arme
  2. inflige des lésions corporelles au plaignant

Article 430 du Code criminel – Méfait

430 (1) Commet un méfait quiconque volontairement, selon le cas :

  1. détruit ou détériore un bien
  2. rend un bien dangereux, inutile, inopérant ou inefficace
  3. empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien
  4. empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien

(3) Quiconque commet un méfait à l’égard d’un bien qui constitue un titre testamentaire ou dont la valeur dépasse cinq mille dollars est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Dans la soirée du 8 octobre 2016, le plaignant a été arrêté par des membres du SPL. À la suite de cette rencontre, on a diagnostiqué au plaignant un pneumothorax gauche (perforation du poumon). Pour les motifs exposés ci‐après, je ne puis trouver de motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 ou l’AI no 2 a commis une infraction criminelle en lien avec les blessures subies par le plaignant.

Avant le 8 octobre 2016, le plaignant avait garé son bateau long de 26 pieds [7,92 mètres] et sa remorque dans l’entrée de la résidence dont il est copropriétaire avec le TC no 1. En raison de sa longueur, le bateau bloquait l’accès à la porte d’entrée principale.

Le 8 octobre 2016, le plaignant est arrivé à l’adresse et a trouvé le TC no 1 et la TC no 2 debout dans l’entrée de la résidence. Le TC no 1 faisait osciller son bateau en va‐et‐vient pour essayer de le déplacer et d’accéder à la porte d’entrée. Voyant cela, le plaignant a appelé le 9‐1‐1 et demandé une assistance policière, déclarant que le TC no 1 et la TC no 2 essayaient d’endommager son bateau. Le TC no 1 a lui aussi appelé le 9‐1‐1, déclarant qu’il se sentait menacer par le plaignant, lequel était garé à l’extérieur de sa maison et les fixait lui et la TC no 2. Il a dit au répartiteur que le plaignant été schizophrène et que, récemment, il le harcelait et le menaçait. Des agents ont été envoyés sur place à 18 h 39.

À 18 h 45, l’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés sur les lieux et ont parlé à la fois au plaignant et au TC no 1. Les agents leur ont dit que, comme ils étaient tous deux propriétaires de la résidence, il n’y a rien que les agents pouvaient faire au sujet de l’endroit où se trouvait le bateau. Pendant près d’une heure, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont essayé d’aider le plaignant et le TC no 1 à régler leur différend. Aux dires de l’AI no 1, le plaignant se montrait querelleur et se comportait de façon puérile. Le TC no 1 a dit aux agents que le plaignant souffrait de schizophrénie. L’AI no 1 a avisé les deux hommes qu’il n’y avait rien que lui‐même ou l’AI no 2 pouvait faire du fait que cette situation était une affaire de nature civile. Le plaignant a dit à l’AI no 1 et à l’AI no 2 de quitter la propriété s’ils n’allaient pas l’arrêter.

Tandis que l’AI no 1 et l’AI no 2 retournaient à leurs autopatrouilles, le plaignant a marché jusqu’à son camion et a consommé deux bouteilles de limonade alcoolisée Mike’s[1] devant les agents. L’AI no 2 a fait au plaignant une mise en garde contre l’alcool au volant. Cependant, le plaignant a continué d’avoir une attitude belliqueuse et de crier contre les agents.

Pendant ce temps, le TC no 1 avait saisi l’attelage de la remorque et faisait osciller le bateau en va‐et‐vient, essayant de le déplacer vers l’avant et de l’éloigner de la porte d’entrée. Le plaignant a remarqué ce que faisait le TC no 1 et il s’est fâché. Il est retourné dans son camion, a fait vrombir son moteur et a roulé en avant jusqu’à l’attelage de la remorque, manquant de peu de heurter le TC no 1. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont vu le camion du plaignant percuter la remorque avec une force telle que l’avant du camion en a été soulevée. Les agents ne voyaient pas où le TC no 1 se trouvait et se sont inquiétés.

L’AI no 1 et l’AI no 2 ont couru jusqu’au côté conducteur du camion du plaignant et ont entendu le moteur du camion qui tournait encore. L’AI no 2 a ouvert la portière côté conducteur du camion et a sommé le plaignant de sortir du camion. Le plaignant, qui tenait encore dans la main droite une bouteille de limonade alcoolisée Mike’s, s’est enfoncé davantage à l’intérieur du camion. L’AI no 2 a étiré sa main à l’intérieur du camion et saisi l’avant‐bras gauche du plaignant puis l’a tiré hors du camion avec l’aide de l’AI no 1. Selon l’AI no 1, ils ont mis le plaignant au sol de manière contrôlée, de façon qu’il atterrisse sur la partie supérieure de son torse et qu’il ne se cogne pas la tête. L’AI no 2 s’est souvenu que, lorsque les pieds du plaignant ont touché le sol, il a tenu le plaignant au niveau du cou et l’a guidé vers le sol de manière que ses genoux fassent contact avec le sol avant son torse et que le plaignant atterrisse sur son côté gauche.

L’AI no 1 et l’AI no 2 se sont accroupi sur le plaignant. L’AI no 1 avait son genou sur le côté gauche du dos du plaignant tandis que l’AI no 2 avait son genou sur l’autre côté du dos du plaignant, le maintenant au sol pendant qu’ils tentaient de le menotter. Le plaignant a d’abord retiré ses bras, mais il a rapidement obtempéré et a été menotté mains dans le dos.

À 19 h 25, l’AI no 1 a informé le plaignant qu’il était en état d’arrestation pour conduite dangereuse d’un véhicule à moteur. Il a été placé sur le siège arrière de l’autopatrouille de l’AI no 1 et a été transporté au poste. L’AI no 2 est resté sur les lieux et a pris la déposition du TC no 1, qui a indiqué à l’AI no 2 qu’il n’avait pas été blessé. Après en avoir discuté avec le sergent chargé des mises en détention, l’AI no 1 a modifié les accusations et a de nouveau arrêté le plaignant pour agression armée et méfait de plus de 5 000 $ pour avoir interdit l’accès à la maison.

À 21 h 21, l’AI no 1 et l’AI no 2 ont appris du sergent chargé des mises en détention que le plaignant s’était plaint d’engourdissement et de douleurs dans le dos pendant qu’il était au poste de police et qu’il avait demandé une attention médicale. À 22 h 16, le plaignant a été transporté par ambulance à l’hôpital, étant accompagné par l’AI no 2, pendant que l’AI no 1 les suivait dans son autopatrouille. Lorsque le plaignant est arrivé à l’hôpital, on lui a pris des radiographies. Le 9 octobre 2016, à 1 h 05 du matin, le médecin a informé les agents que le plaignant n’avait pas d’ecchymoses ni de tuméfaction et qu’il n’avait pas subi de blessures si bien qu’il n’a pas été gardé sous observation médicale. Le plaignant a alors obtenu son congé de l’hôpital puis a été remis en liberté au même moment.

Plus tard ce matin‐là, un autre médecin de l’hôpital a appelé le plaignant pour lui dire que son rapport de radiographie thoracique avait depuis été lu par un radiologue et que le plaignant avait un pneumothorax gauche. Le médecin lui a suggéré de revenir à l’hôpital pour qu’on lui passe une autre radiographie, mais le plaignant a préféré se faire suivre par son médecin de famille.

Le 12 octobre 2016, le plaignant s’est rendu au poste de police et a rempli un formulaire de plainte déposée auprès du BDIEP. Le 2 février 2017, un sergent du SPL a questionné le plaignant au sujet des blessures dont il alléguait qu’elles avaient été causées par la police le 8 octobre 2016. L’UES n’a été avisée de cela que le 13 février 2017.

Je traiterai d’abord de la question de savoir si l’AI no 1 et l’AI no 2 étaient fondés à arrêter le plaignant. Au moment de l’incident, l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant avait commis une infraction d’agression armée causant des lésions corporelle et/ou de conduite dangereuse, en contravention de l’article 249 du Code criminel. Dans l’arrêt R. c. Beatty, [2008] 1 R.C.S. 49, la Cour suprême du Canada a statué que pour que l’article 249 puisse être invoqué il fallait établir que la personne conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu » et que cette façon de conduire constituait « un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé ». Tous les témoins, sauf le plaignant, ont relaté le comportement agressif du plaignant et déclaré qu’il avait conduit son camion à haute vitesse sur une entrée de cour en direction du TC no 1 et de la remorque du bateau. Le TC no 1 a dit qu’il a sauté pour éviter d’être heurté par le camion. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont vu le véhicule percuter la remorque avec une force telle que l’avant du camion s’est soulevé. L’AI no 1 se souvient même que les pneus avant du camion se sont soulevés du sol à un angle de 30 degrés. Qui plus est, le plaignant a admis avoir consommé deux boissons alcoolisées immédiatement avant d’avoir fait rouler son camion en avant et l’AI no 2 a décrit le plaignant comme tenant à la main l’une des boissons pendant qu’il conduisait. Le plaignant a refusé d’obéir à l’ordre de l’AI no 2 de sortir de son camion. À partir de ce moment‐là, je suis convaincu que l’AI no 1 et l’AI no 2 avaient des motifs de saisir le plaignant et de l’arrêter. En outre, j’estime, compte tenu de ces faits, qu’il était nécessaire pour les agents d’agir ainsi pour empêcher que l’infraction se produise à nouveau et pour protéger le public (en particulier le TC no 1 et la TC no 2).

Le paragraphe 25(1) du Code criminel autorise les agents de police à employer une force raisonnablement nécessaire dans l’exécution légitime de leurs fonctions. La preuve établit que la seule force que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont employée était pour faire sortir le plaignant du camion, le mettre au sol puis le menotter mains dans le dos. Il n’y a pas eu de lutte. Il est fort probable que la blessure causée au poumon gauche du plaignant se soit produite lorsqu’il a atterri sur son côté gauche ou sur le ventre, comme l’ont indiqué l’AI no 2 et le TC no 1. La jurisprudence actuelle, telle qu’elle a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206, précise que les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection et que l’on ne devrait pas non plus s’attendre à ce qu’ils mesurent avec précision la force qu’ils appliquent. De plus, la Cour d’appel de l’Ontario, dans la décision R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), a jugé que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Il est regrettable que le plaignant ait choisi, après avoir consommé de l’alcool et conduit son camion de façon agressive en direction de son bateau et du TC no 1, de ne pas écouter les agents et qu’il ne soit pas sorti de son véhicule lorsqu’ils le lui ont demandé, obligeant les agents à intervenir en employant, j’en suis convaincu, une force qui était légalement justifiée dans les circonstances.

En dernière analyse, je conclus, à la lumière de ce dossier, qu’il n’y a aucun fondement probatoire pour conclure que l’AI no 1 ou l’AI no 2 a recouru à une force excessive. Les agents sont intervenus rapidement et de façon tout à fait adéquate pour prévenir une situation qui pouvait s’avérer extrêmement dangereuse et qui a malheureusement entraîné la blessure grave du plaignant. Par conséquent, je suis convaincu que les actions des agents en cause se situaient nettement dans les limites prescrites par le droit criminel, de sorte qu’aucune accusation ne sera portée en l’espèce et que cette affaire sera classée.

Date : 12 janvier 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Il a été confirmé que cette boisson renferme 5 % d’alcool, bien que le plaignant ait allégué qu’il consommait des boissons dont la teneur en alcool était beaucoup moins élevée. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.