Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-188

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave qu’un homme âgé de 48 ans a subie lors de son arrestation survenue le 18 juillet 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 18 juillet 2016, à 19 h 35, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant lors de sa mise sous garde.

La PRP a indiqué que le lundi 18 juillet 2016, à 1 h 50, des agents de la PRP se sont présentés à une résidence à Brampton pour intervenir dans un incident familial. Le plaignant a été arrêté pour diverses infractions de violence conjugale. Une lutte s’en est suivie pendant l’arrestation du plaignant. Le plaignant a été retourné à la division de la PRP, où il a été traité, a été placé en cellule à 02 h 54 et a été détenu aux fins de l’enquête sur cautionnement.

Le plaignant a ultérieurement été transporté au palais de justice Davis, à Brampton, puis placé dans une cellule de détention. Le plaignant s’est plaint d’une douleur à la poitrine. Il a alors été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une côte fracturée à gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 1

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux de l’incident et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents de l’incident au moyen de notes et de photographies.

Plaignant :

Homme âgé de 48 ans; a participé à une entrevue; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils (TC)

Aucun

Employés de la police témoins (EPT)

EPT n° 1 A participé à une entrevue

EPT n° 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT n° 1 A participé à une entrevue

AT n° 2 N’a pas participé à une entrevue, mas ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 3 N’a pas participé à une entrevue, mas ses notes ont été reçues et examinées

AT n° 2 A participé à une entrevue

AT n° 3 A participé à une entrevue

Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Description de l’incident

Le 17 juillet 2016, tard en soirée, l’ancienne conjointe du plaignant (l’« ex‐conjointe ») était chez elle en compagnie d’un visiteur de sexe masculin. Le plaignant, qui s’était rendu à la résidence pour ramasser quelques effets personnels, était en colère et a confronté le visiteur. Ce dernier a fui la maison et le plaignant a agressé l’ex‐conjointe. Le service 9‐1‐1 a été appelé et le plaignant a fui la scène avant l’arrivée de la police.

L’AT no 1 a répondu à l’appel 9‐1‐1 et a transporté l’ex‐conjointe au poste de la PRP afin qu’elle fasse une déposition enregistrée sur vidéo. À la suite de cela, aux petites heures du matin, le lendemain, l’AT no 1 a raccompagné l’ex‐conjointe à son domicile afin d’élaborer un plan de sécurité. L’AI a suivi l’AT no 1 dans une autre autopatrouille. Tandis que l’AT no 1 s’engageait dans l’entrée de cour de la résidence de l’ex‐conjointe, cette dernière a crié qu’elle pouvait voir le plaignant à la fenêtre de la chambre à l’étage. L’AT no 1 et l’AI sont entrés dans la maison. L’AT no 1 a trouvé le plaignant dans le grenier, caché sous l’isolation. L’AT no 1 a tenté de faire sortir le plaignant du grenier, et une lutte s’en est suivie. L’AI, qui était resté sur le sol de l’étage, a saisi le pied du plaignant à travers l’ouverture du grenier, et le plaignant est tombé au sol en passant à travers l’ouverture. Une fois sur le plancher, le plaignant a continué de résister aux agents, mais il a fini par être menotté.

Le plaignant a été amené à la division de la PRP et gardé en détention pour une audience sur cautionnement. Plus tard ce matin‐là, alors qu’il se trouvait au palais de justice, le plaignant s’est plaint d’une douleur au côté gauche. Il a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture à la neuvième côte gauche.

Preuve

Enregistrement des communications

Les enregistrements de communications concernant les événements des 17 et 18 juillet 2016 ayant mené à la blessure du plaignant sont conformes aux historiques imprimés provenant du système de répartition assistée par ordinateur d’Intergraph (I/CAD) et aux enregistrements des communications radio. Ces données corroborent les déclarations des agents de police en cause et du plaignant ainsi que les documents justificatifs de la PRP.

Preuve vidéo/audio/photographique

L’UES a examiné les alentours à la recherche d’éventuels enregistrements vidéo ou audio et preuves photographiques, mais n’en a pas trouvé.

Éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé à la PRP les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements de communications
  • vidéo de la détention en cellule
  • rapport des communications audio – appels au 9‐1‐1
  • rapport des communications audio – transmissions radio
  • registre de divulgation – 22 juillet 2016
  • chronologies des événements
  • résumé de l’historique des contacts – le plaignant
  • notes de l’AT no1, de l’AT no 2, de l’AT no 3, de l’AT no 4 et de l’AT no 5
  • notes de l’EPT no1 et de l’EPT no 2
  • rapport sur les détails de l’incident
  • rapport détaillé sur le prisonnier
  • procédure – Emploi de la force
  • dossier de formation sur le recours à la force – l’AI

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 265(1) du Code criminel – Voies de fait

265 (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

  1. d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement
  2. tente ou menace, par un acte ou un geste, d’employer la force contre une autre personne, s’il est en mesure actuelle, ou s’il porte cette personne à croire, pour des motifs raisonnables, qu’il est alors en mesure actuelle d’accomplir son dessein
  3. en portant ostensiblement une arme ou une imitation, aborde ou importune une autre personne ou mendie

Article 349 du Code criminel – Présence illégale dans une maison d’habitation

349 (1) Est coupable soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, soit d’une infraction punissable sur déclaration sommaire de culpabilité quiconque, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, s’introduit ou se trouve dans une maison d’habitation avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

(2) Aux fins des poursuites engagées en vertu du présent article, la preuve qu’un prévenu, sans excuse légitime, s’est introduit ou s’est trouvé dans une maison d’habitation fait preuve, en l’absence de toute preuve contraire, qu’il s’y est introduit ou s’y est trouvé avec l’intention d’y commettre un acte criminel.

Paragraphe 25(1) du Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le 17 juillet 2016, un préposé au numéro 9‐1‐1 de la PRP a reçu un appel signalant un cas de violence conjugale et demandant l’aide de la police à une résidence dans la ville de Brampton. L’AT no 1 s’est rendu à la résidence et a parlé à l’ex‐conjointe, qui lui a dit qu’elle avait été agressée par le plaignant, lequel avait fui avant l’arrivée des policiers. L’ex‐conjointe a alors été transportée au poste de police pour y faire une déposition enregistrée sur vidéo concernant l’incident, puis a été raccompagnée chez elle en compagnie de l’AI, de l’AT no 1 et de l’AT no 3. En arrivant à la maison, l’ex‐conjointe a aperçu le plaignant chez elle et a alerté les policiers, qui sont allés à l’intérieur arrêter le plaignant. Le lendemain, le plaignant a été transporté à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture à la neuvième côte gauche.

Il n’est pas contesté que le plaignant s’est introduit sans invitation dans le domicile de l’ex‐conjointe et a agressé cette dernière ni que, après s’être enfui, le plaignant est revenu, une fois encore sans y être invité, au domicile de l’ex‐conjointe plus tard ce soir‐là et s’est caché dans le grenier.

Le plaignant allègue que lorsque l’AI et l’AT no 1 sont entrés dans la maison de l’ex‐conjointe, l’AI a saisi le plaignant, l’a projeté durement sur le plancher puis lui a donné plusieurs coups de genou sur le côté gauche des côtes et lui a donné des coups de poing à l’œil gauche à plusieurs reprises.

Au cours de cette enquête, un seul témoin civil a été interrogé, en l’occurrence le plaignant, car ni l’ex‐conjointe ni l’homme qui était chez elle plus tôt ce soir‐là n’a observé l’arrestation du plaignant; de plus, quatre agents de police et deux employés de la police témoins ont fourni des déclarations, y compris l’AI. Les enquêteurs ont également eu accès aux calepins de notes de sept témoins de la police ainsi qu’aux enregistrements de communications. Malheureusement, aucune partie de l’incident n’a été captée sur vidéo.

L’AT no 1 a indiqué que le 17 juillet 2016, vers 22 h 19, il a reçu un appel radio concernant une querelle familiale à la résidence à Brampton dans lequel l’opérateur 9‐1‐1 a déclaré qu’il entendait une femme crier en arrière‐plan. L’AT no 1 s’est alors rendu seul à l’adresse, car aucun autre agent n’était disponible à ce moment‐là pour l’assister. Lorsque l’AT no 1 est arrivé sur les lieux, l’ex‐conjointe et son visiteur de sexe masculin lui ont fait signe. L’AT no 1 a constaté que l’ex‐conjointe criait, qu’elle avait le visage ensanglanté et que son nez était tuméfié. Lorsque l’AT no 1 l’a questionnée, l’ex‐conjointe a indiqué qu’elle avait été agressée par son ex‐conjoint de fait, le plaignant, mais qu’il s’était déjà enfui à bicyclette. L’ex‐conjointe a ensuite été transportée au poste de police pour y faire une déposition sur vidéo.

Vers 1 h 23 du matin, le 18 juillet 2016, l’AT no 1 a reconduit l’ex‐conjointe chez elle afin d’élaborer un plan de sécurité, et l’AI les a suivis à bord de son autopatrouille, étant accompagné de l’AT no 3. Tandis que l’AT no 1 s’engageait sur l’entrée de cour de la résidence de l’ex‐conjointe, cette dernière a crié qu’elle pouvait voir le plaignant à la fenêtre de la chambre du deuxième étage. Par conséquent, l’AT no 1 et l’AI sont entrés dans la maison pendant que l’ex‐conjointe est restée dans le véhicule de police avec l’AT no 3. L’AT no 1 a indiqué que l’AI et lui ont crié au plaignant de se rendre, mais qu’il n’y a pas eu de réponse et qu’ils étaient en train de fouiller la maison lorsqu’ils ont entendu des bruits à l’étage. Les agents sont alors entrés dans la chambre à coucher du deuxième étage, continuant de crier au plaignant, mais sans réponse, lorsque l’AT no 1 a regardé à l’intérieur d’une penderie et a remarqué qu’il y avait une porte d’accès au grenier; cette porte mesurait environ deux pieds sur deux pieds [0,61 mètre sur 0,61 mètre]. Après avoir encore crié au plaignant sans obtenir de réponse, l’AT no 1 a ouvert la porte du grenier et a crié dans le grenier, en s’identifiant comme agent de police et en avertissant le plaignant de sortir du grenier, à défaut de quoi on l’en ferait sortir; une fois encore, pas de réponse. L’AT no 1 est alors monté dans le grenier et utilisait sa lampe de poche pour fouiller lorsque, soudainement, le plaignant est sorti du matériau isolant et s’est levé. Cette apparition a surpris l’AT no 1 qui, ne sachant pas si le plaignant était armé ou non, s’est éloigné du plaignant et lui a crié de montrer ses mains; mais le plaignant n’a montré que sa main gauche. L’AI a alors crié au plaignant de se mettre à terre et l’AT no 1 a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour voies de fait, et il a saisi le bras gauche du plaignant et ce dernier a résisté en ne voulant pas franchir la porte du grenier.

L’AT no 1 a déclaré que le plaignant n’obtempérait pas et opposait une vive résistance en tirant son bras à l’extérieur, ce qui faisait qu’il était difficile à l’AT no 1 de faire passer le plaignant par la porte du grenier. L’AT no 1 a alors poussé le plaignant vers l’entrée du grenier et l’a forcé à passer à travers l’ouverture, et l’AI, d’en bas, a alors attrapé les jambes du plaignant et l’a tiré vers le bas. De l’endroit où il se trouvait à l’intérieur du grenier, l’AT no 1 n’a pas pu voir ce qui se passait au‐dessous, mais il a entendu le son d’un coup et a pensé que le plaignant était tombé sur le plancher. L’AT no 1 a ensuite entendu l’AI ordonner au plaignant de mettre ses mains dans le dos et de se coucher sur le ventre et d’arrêter de résister, à la suite de quoi l’AT no 1 a entendu de l’agitation venant d’en dessous et a essayé de sortir du grenier, mais sa ceinture de service s’est coincée dans le cadre de l’ouverture du grenier et il a dû l’enlever avant de pouvoir sauter en bas pour prêter assistance à l’AI.

Dans sa déclaration aux enquêteurs, l’AI a indiqué qu’il a entendu l’AT no 1, dans le grenier, crier plusieurs fois au plaignant de sortir et de montrer ses mains. Comme l’AI ne pouvait pas voir ce qui se passait dans l’obscurité du grenier, il a demandé à l’AT no 1 ce qui se passait et ce dernier lui a répondu qu’il avait vu le plaignant en train de se cacher sous le matériau isolant. L’AI a alors entendu des pas se dirigeant vers l’AT no 1 dans le grenier et il a observé la lumière de la lampe de poche de l’AT no 1 aller dans tous les sens; il a indiqué qu’il s’est alors inquiété pour la sécurité de l’AT no 1, pas seulement parce qu’il se tenait en équilibre sur les solives de plafond et qu’il risquait de passer à travers le plafond, mais aussi parce que le plaignant pouvait avoir une arme et pouvait devenir agressif contre l’AT no 1. L’AI a indiqué qu’il a estimé qu’il lui fallait immédiatement faire sortir le plaignant du grenier et, après avoir amplement donné au plaignant l’occasion de se rendre et que celui‐ci n’eut pas cessé de résister et eut refusé de descendre du grenier de son propre chef, l’AI a indiqué que, lorsqu’il a vu l’une des jambes du plaignant près de l’ouverture du grenier, il a saisi les jambes du plaignant ensemble et les a tirées vers le bas, à la suite de quoi le plaignant a fait une « chute libre » du grenier, ce qui a fait perdre l’équilibre à l’AI. L’AI a indiqué que, comme il avait perdu l’équilibre, il n’a pas été capable d’amortir la chute du corps du plaignant sur le sol, de sorte que le plaignant est tombé durement sur le plancher, atterrissant sur le côté et la région dorsale.

Immédiatement après avoir atterri sur le sol, le plaignant a surpris l’AI en essayant de se mettre sur ses genoux, et l’AI a réagi en repoussant le plaignant sur le sol et en utilisant le poids de son corps pour maintenir le plaignant au sol. L’AI a indiqué qu’il n’a utilisé aucune des options de recours à la force qui lui étaient disponibles, si ce n’est qu’il a physiquement maîtrisé le plaignant, et qu’il n’a pas non plus donné de coups, de coups de pied ou de coups de poing au plaignant. Pendant qu’il attendait que l’AT no 1 sorte du grenier pour venir l’aider, l’AI a maintenu le plaignant sur le sol pendant que ce dernier, que l’AI a décrit comme étant fort et musclé, essayait de se redresser; et l’AI avait toutes les difficultés à maintenir le plaignant au sol. L’AI a indiqué qu’il avait un genou sur le dos du plaignant et qu’il utilisait les deux mains pour tirer les bras du plaignant de dessous son corps afin de le menotter. L’AI n’arrêtait pas de crier au plaignant d’arrêter de résister, mais le plaignant n’obtempérait et continuait d’opposer une forte résistance.

L’AT no 1 a indiqué qu’une fois descendu du grenier il a observé le plaignant sur le sol, couché sur le ventre, avec les bras sous son torse essayant de se redresser, pendant que l’AI était sur le côté gauche du plaignant et essayait de contrôler le bras gauche du plaignant afin de l’empêcher de se remettre debout tout en lui criant d’arrêter de résister. L’AT no 1 s’est alors placé sur le côté droit du plaignant et a essayé de contrôler ses bras pour le menottage en utilisant le poids de son corps et son coude gauche pour pousser le plaignant vers le sol. L’AT no 1 a indiqué que le plaignant n’a pas arrêté de résister, si bien que l’AT no 1 a recouru à une technique de contrainte par la douleur dans laquelle il tournait le poignet droit du plaignant dans le sens horaire jusqu’à ce que le plaignant finisse par obtempérer et rende son bras gauche et soit menotté mains dans le dos. Le plaignant a ensuite été soulevé et remis sur ses pieds, escorté jusqu’à l’autopatrouille de l’AT no 1 et transporté au poste; l’AT no 1 a indiqué qu’une fois sous garde, le plaignant est devenu docile. Pendant qu’on s’occupait des formalités de la mise en détention, le plaignant ne s’est pas plaint de blessures, mais l’AT no 1 a remarqué qu’il avait une marque rouge sous le biceps droit et des marques rouges au visage. L’AT no 1 a indiqué qu’il a été étonné en apprenant, le lendemain, que le plaignant avait subi une fracture à une côte; l’AT no 1 et l’AI ont tous deux indiqué que, selon eux, le plaignant allait se blesser lorsqu’il est tombé du grenier et qu’il a atterri durement sur le plancher.

Le lendemain matin, l’EPT no 1, qui allait chercher le plaignant au tribunal, a indiqué que, lorsqu’il lui a posé la question, le plaignant a dit qu’il avait mal aux côtes, mais qu’il n’avait pas besoin de soins médicaux. L’EPT no 1 a également remarqué que le plaignant se déplaçait lentement et qu’il avait du mal à entrer dans la fourgonnette, mais, chaque fois qu’il le lui demandait, le plaignant indiquait qu’il n’avait pas besoin d’aide médicale. Une fois au palais de justice, des dispositions ont été prises pour que le plaignant soit transporté à l’hôpital. L’EPT no 2, qui faisait équipe avec l’EPT no 1, a fait les mêmes observations.

L’AT no 4 et l’AT no 5 se sont présentés au palais de justice afin de transporter le plaignant à l’hôpital. En chemin, le plaignant a dit aux agents qu’il s’était caché dans un grenier avant d’être trouvé par les policiers et qu’une lutte s’en est suivie lors de laquelle l’un des agents ayant procédé à son arrestation lui a donné des coups de genou sur le côté. Le plaignant a admis en outre qu’il était un [traduction] « connard qui se soûle la gueule » et qu’il méritait ce qu’il avait eu de la police parce qu’il était une [traduction] « enflure » pour avoir agressé sa petite amie. À l’hôpital, l’AT no 5 a entendu le plaignant dire à l’infirmière qu’il avait subi sa blessure pendant son arrestation. L’AT no 5 a remarqué que le plaignant avait des égratignures au bras gauche et une éraflure près de l’œil gauche. Les notes consignées dans le calepin de l’AT no 4 coïncident avec la déclaration de l’AT no 5.

Les dossiers médicaux des plaignants indiquent que la radiographie thoracique qu’on lui a prise à l’hôpital a révélé une fracture à la neuvième côte gauche et une fracture possible à une côte du côté droit. Le plaignant a toutefois indiqué qu’il s’était fracturé la côte du côté droit en tombant d’un escabeau et que ce n’était pas relié à cet incident.

Au vu du dossier qui m’a été présenté, bien que je conclue que la version des événements donnée par le plaignant coïncide à bien des égards avec la plupart des autres événements de preuve, il y a certains aspects de son compte rendu que je n’accepte pas. En particulier, je ne puis accepter que le plaignant n’était pas dans un état d’intoxication ni qu’il n’a pas résisté à la police le soir en question. Je tire cette conclusion à la lumière des contradictions qu’il y a entre sa déclaration aux enquêteurs et les déclarations qu’il a faites alors à plusieurs personnes. Les propres déclarations que le plaignant a faites à l’AT no 4 et à l’AT no 5, alors qu’on le transportait à l’hôpital et dans lesquelles il a confirmé qu’il s’était caché dans un grenier avant d’être trouvé par des agents de police et qu’une lutte s’en est suivie après, semblent discréditer l’affirmation selon laquelle il s’est pleinement conformé aux demandes des agents; une lutte impliquant qu’il y a eu de la résistance, par opposition à son affirmation selon laquelle il a été battu. Qui plus est, le plaignant a admis à l’AT no 4 et à l’AT no 5 qu’il était un [traduction] « connard qui se soûle la gueule » et qu’il méritait ce qu’il avait reçu de la police parce qu’il était une [traduction] « enflure » pour avoir agressé sa petite amie, ce que, de nouveau, je considère comme incompatible avec l’affirmation selon laquelle il était sobre, mais aussi qu’il n’a pas offert de résistance.

Au‐delà des propres aveux du plaignant, cependant, j’estime, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était en état d’intoxication ce soir‐là et suis enclin à croire que c’est en raison de cet état d’absence de sobriété que le plaignant a fait preuve d’un très mauvais jugement lorsqu’il est effectivement retourné au domicile de son ex‐conjointe de fait et qu’il s’est caché dans le grenier, alors qu’il aurait dû savoir que la police le rechercherait activement. De plus, j’estime que les allégations du plaignant aux enquêteurs selon lesquelles l’AI lui a donné plusieurs coups sur les côtes du côté gauche après qu’il soit tombé du grenier sur le plancher, puis que l’AI l’a plusieurs fois frappé du poing à l’œil gauche sont tout à fait incompatibles avec ses déclarations à l’AT no 4 et à l’AT no 5 selon lesquelles sa seule plainte était qu’il y a dû y avoir une lutte entre lui et la police lors de laquelle il a reçu des coups de genou sur le côté de la part de l’un des agents ayant procédé à son arrestation. Bien que son affirmation voulant qu’on lui ait donné des coups de genou sur le côté pourrait être interprétée comme le fait d’avoir reçu des coups de genou à répétition, ce n’est pas ce que je déduis de sa déclaration, car il semble laisser entendre que cela ne s’est produit qu’une fois. En outre, je considère que cette déclaration ne correspond en rien à la preuve de l’AI selon laquelle il avait son genou sur le dos du plaignant pendant qu’il essayait de le maîtriser. Dans l’ensemble, je conclus que les déclarations que le plaignant a faites à l’AT no 4 et à l’AT no 5 correspondent à la preuve fournie tant par l’AT no 1 que par l’AI, et je les accepte comme confirmation de leur preuve. Toute divergence entre les dires du plaignant, lorsqu’il allègue que l’AI l’a saisi et l’a jeté violemment sur le plancher, et la version de l’AI selon laquelle le plaignant a fait une [traduction] « chute libre » du grenier, me semble davantage tenir du point de vue que de la crédibilité; je ne doute pas que le plaignant est tombé durement sur le plancher après que l’AI l’eut saisi et que, dans ces circonstances, il aurait été difficile de faire la différence entre les deux.

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. En ce qui concerne tout d’abord la légalité de l’appréhension du plaignant, il ressort clairement de la déposition de l’ex‐conjointe que le plaignant l’avait assaillie plus tôt ce soir‐là et qu’il se trouvait illégalement dans son domicile, sans sa permission. Sur la foi de cette preuve, il est clair que la police avait des motifs raisonnables d’arrêter le plaignant à la fois pour voies de fait sur l’ex‐conjointe et pour sa violation du domicile de l’ex‐conjointe. Ainsi, l’appréhension et l’arrestation du plaignant étaient légalement justifiées dans les circonstances.

Pour ce qui est du degré de force que l’AI et l’AT no 1 ont utilisé au moment d’appréhender le plaignant, il faut tenir compte des circonstances auxquelles les agents de police étaient alors confrontés. Les agents étaient en possession de renseignements indiquant que le plaignant avait antérieurement commis des voies de fait graves sur son ancienne conjointe de fait, qu’il se cachait à présent dans un grenier sombre au domicile de l’ex‐conjointe après être entré illégalement dans sa maison, qu’il se trouvait dans un espace sombre et exigu avec l’AT no 1 et qu’il n’y avait qu’une ouverture par laquelle tous deux pouvaient sortir du grenier et que les agents étaient incapables de déterminer si le plaignant était armé ou non. Qui plus est, l’AT no 1 devait composer avec le plaignant tout en ne perdant pas son équilibre sur les solives du plafond pour éviter de passer à travers le plafond et de se retrouver sur le plancher de l’étage inférieur. Compte tenu de tous ces facteurs, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’AI et l’AT no 1 auraient été soumis à des pressions extrêmes pour faire sortir le plaignant aussi rapidement que possible et le maîtriser avant qu’il ait eu l’occasion d’infliger une quelconque blessure à l’AT no 1. Bien que l’AT no 1 se soit regrettablement trouvé dans cette situation dangereuse en raison d’un manque de jugement et, peut‐être, de l’inexpérience des deux agents, une fois qu’il s’est retrouvé dans cette situation, il incombait clairement aux deux agents d’agir rapidement pour protéger l’AT no 1 contre les blessures possibles auxquelles il s’exposait pendant qu’il demeurait dans l’obscurité et dans un espace exigu avec le plaignant, puis, par la suite, pour maîtriser et contrôler le plaignant une fois qu’ils l’auraient fait sortir du grenier.

Tout en reconnaissant pleinement que le plaignant a probablement subi sa blessure lorsque ses jambes ont été attrapées par l’AI et que soit on l’a tiré vers le bas soit il est tombé durement sur le sol de l’étage inférieur, je ne saurais en conclure pour autant qu’il s’agissait là de l’emploi d’une force excessive dans les circonstances. J’estime qu’il était du devoir de l’AI de venir à la rescousse de son partenaire dans l’espace sombre et exigu du grenier, où l’AT no 1 n’avait que peu ou pas de moyens de se protéger si le plaignant décidait de recourir à la force contre lui. Par conséquent, j’estime qu’il était tout à fait justifié pour l’AI de se saisir des jambes du plaignant lorsqu’il lui est apparu que l’AT no 1 tentait de faire sortir le plaignant du grenier et que le plaignant résistait. De plus, si le plaignant est tombé durement du grenier parce que l’AI l’a tiré vers le bas ou parce que l’AI a perdu l’équilibre et que la chute du plaignant a été dure, ou s’il s’agissait d’une combinaison des deux, je n’en conclurais pas pour autant que cela constituait un recours excessif à la force. Après quoi, lorsque le plaignant a continué de résister et que les agents ont eu du mal à le maintenir sur le plancher, ce que le plaignant a décrit comme l’AT no 4 et l’AT no 5 lui donnant des coups de genou sur le côté, alors que l’AI et l’AT no 1 ont tous deux déclaré qu’ils n’ont fait qu’utiliser le poids de leurs corps pour maîtriser le plaignant, à la suite de quoi, lorsque le plaignant a continué de résister, l’AT no 1 a utilisé une technique de contrainte par la douleur sur le bras droit du plaignant pour le faire obéir, je n’ai aucune hésitation à conclure que ces gestes étaient justifiés dans les circonstances. Comme l’a fait valoir la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. 206 :

Les actes des policiers ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Il ne faut pas oublier que ceux‐ci accomplissent un travail exigeant et dangereux et qu’ils doivent souvent réagir rapidement à des situations urgentes. Leurs actes doivent alors être appréciés selon ce que commande ce contexte difficile. Comme le juge Anderson l’explique dans R. c. Bottrell C.C.C. (2d) 211 (C.A.C.‐B.) :

[traduction] Pour déterminer si la force employée par le policier était nécessaire, les jurés doivent tenir compte des circonstances dans lesquelles le policier y a eu recours. Il aurait fallu leur indiquer qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelant mesure la force appliquée avec précision. [p. 218].

De plus, j’ai tenu compte de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans l’affaire R. c. Baxter (1975), 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. de l’Ont.), qui établit que l’on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention. Compte tenu des faits au dossier, il est clair que la force employée par l’AI et l’AT no 1 était directement proportionnelle à la résistance active qu’opposait le plaignant et à la situation dangereuse dans laquelle se trouvaient les agents. Comme je l’ai mentionné précédemment, bien que j’estime que les deux agents ont manqué de jugement lorsqu’ils ont envoyé un agent seul dans l’obscurité et dans un espace exigu chercher un délinquant violent connu, qui pouvait ou pas être armé, une fois dans cette situation, j’estime qu’il était nécessaire d’agir aussi rapidement et avec autant de force que nécessaire pour appréhender le délinquant et éliminer le risque qu’il posait pour l’un ou l’autre des agents jusqu’à ce qu’il soit appréhendé et contrôlé.

En dernière analyse, je suis convaincu, pour les motifs qui précèdent, que l’appréhension du plaignant et la manière dont elle a été effectuée étaient légitimes malgré la blessure subie par le plaignant. Je suis donc convaincu, pour des motifs raisonnables dans cette affaire, que les actions des agents étaient dans les limites prescrites par le droit criminel et qu’il n’y a pas lieu de porter des accusations en l’espèce.

Avant de terminer, toutefois, je recommanderais fortement au chef de la Police régionale de Peel de faire en sorte que ces agents reçoivent un surcroît de formation ainsi que des conseils sur les façons de composer avec ce genre de situations et espère qu’à l’avenir, plutôt que de faire courir un grand risque à un policier seul en l’envoyant dans un espace sombre et exigu où se trouve un délinquant potentiellement violent, ils opteront pour l’appel de renforts, ou même feront appel aux membres de l’Équipe d’intervention d’urgence pour gérer la situation, puisqu’ils sont plus qu’adéquatement formés et équipés pour le faire.

Date : 29 novembre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.