Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-116

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu à une allégation d’agression sexuelle.

Les « blessures graves » englobent celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant que la gravité de la blessure puisse être évaluée, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider de l’envergure de son intervention.

Ce rapport décrit l’enquête de l’UES sur la blessure grave d’un homme de 27 ans, qu’il aurait subie le 19 février 2016 lors de son arrestation.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été informée de l’incident par le Service de police d’Ottawa (SPO) le 9 mai 2016 à 14 h.

Le SPO a déclaré que des agents de police enquêtaient sur une infraction au Code de la route commise par le plaignant, qui par la suite a été arrêté dans une résidence dans laquelle il allègue avoir été agressé par les agents de police.

Le SPO a pris connaissance de cette allégation après que le plaignant a déposé une plainte auprès du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police (BDIEP). Après avoir appris la nature de la blessure du plaignant, l’UES a été informée.

Le plaignant a signalé au BDIEP qu’il avait subi une fracture à une côte durant son arrestation.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Plaignant

Entretien avec l’homme âgé de 27 ans, obtention et examen des dossiers médicaux

Témoin civil (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue, et ses notes ont été reçues et examinées.

AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

Preuve

Les lieux de l’incident

Le plaignant a été arrêté à l’intérieur d’une résidence à Ottawa. La résidence était une maison en rangée inoccupée appartenant au père du plaignant au moment de l’incident. La scène n’a pas été bouclée aux fins de son examen par l’UES, car l’incident s’est produit le 19 février 2016, et le SPO n’a pris connaissance de la blessure du plaignant que le 9 mai 2016.

Preuve vidéo/photographique

Le plaignant a indiqué qu’il n’y avait pas de vidéo de surveillance qui aurait été enregistrée par une télévision en circuit fermé (TVCF) pour faire avancer l’enquête sur cet incident.

Le plaignant a fourni à l’UES des photographies de ses blessures et des dommages à la porte avant de la résidence et ses documents judiciaires.

Enregistrements des communications

Il n’y a pas eu d’appels au numéro 9 1 1.

Les transmissions enregistrées entre l’AI no 2 et le répartiteur du SPO étaient quelconques.

éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au SPO et a obtenu et examiné le matériel, les documents et les renseignements suivants :

  • Enregistrements des communications
  • Résumé détaillé des appels
  • Déclaration préparée – AI no 1
  • Contravention remise au plaignant en vertu de la Loi sur les infractions provinciales, et
  • Politique du SPO – Recours à la force

Description de l’incident

Le 19 février 2016, juste avant 1 h, les AI no 1 et 2 ont vu le plaignant se diriger vers l’ouest sur la rue Queen Mary vers la promenade Vanier à Ottawa. à un moment donné, le plaignant est passé par un panneau d’arrêt sans s’arrêter en roulant à environ 25 km/heure. Peu après, le plaignant a tourné dans l’entrée de la résidence de son père, a stationné le véhicule et s’est rendu à pied vers l’entrée de la maison.

L’AI no 1 a placé sa voiture de patrouille non identifiée derrière le véhicule du plaignant, s’est identifié comme policier et a demandé à parler au plaignant.

Sans parler à l’AI no 1, le plaignant est entré dans la résidence et a verrouillé la porte.

L’AI no 2 a donné un coup de pied dans la porte pour l’ouvrir, et les deux agents de police sont entrés dans la résidence. Les agents ont tenté d’arrêter le plaignant, qui a résisté. Les deux agents ont frappé le plaignant à la tête, et l’AI no 1 lui a donné deux coups de genou à la cuisse droite. Le plaignant a finalement été menotté, fouillé et placé à l’arrière de la voiture de patrouille, pendant qu’on fouillait la résidence. Le plaignant avait des blessures visibles au visage.

Les agents ont remis un avis d’infraction provinciale (AIP) (contravention) au plaignant pour avoir omis de s’arrêter à un panneau d’arrêt, et le plaignant a été remis en liberté.

Le plaignant s’est rendu à l’hôpital plus tard ce soir là, où il a été informé de la possibilité de côtes fracturées.

Le 15 juin 2016, le plaignant est retourné à l’hôpital où une radiographie de sa côte bilatérale révélait une guérison ou une fracture cicatrisée à l’aspect postérieur de la 10e côte droite.

Dispositions législatives petinentes

Paragraphe 33 (3), Code de la route – Identité en cas de non-présentation du permis

33 (3) Quiconque n’est pas en mesure de présenter son permis ou refuse de le faire conformément au paragraphe (1) ou (2) est tenu, lorsqu’un agent de police ou un agent chargé de l’application de la présente loi le lui demande, de s’identifier de façon suffisante. Pour l’application du présent paragraphe, le nom et l’adresse exacts de cette personne sont réputés constituer une identification suffisante.

Paragraphe 136 (1), Code de la route – Arrêt à une route à priorité

136 (1) Le conducteur d’un véhicule ou d’un tramway qui s’approche d’un panneau d’arrêt à une intersection doit :

  1. d’une part, immobiliser complètement le véhicule ou le tramway à la ligne d’arrêt indiquée ou, s’il n’y en a pas, immédiatement avant de s’engager dans le passage protégé le plus proche ou, s’il n’y en a pas, immédiatement avant de s’engager dans l’intersection […]

Paragraphe 217 (2), Code de la route – Arrestation sans mandat

217 (2) L’agent de police qui a des motifs raisonnables et probables de croire qu’il a été contrevenu aux dispositions du paragraphe 9 (1), 12 (1), 13 (1), 33 (3), 47 (5), (6), (7) ou (8), de l’article 51 ou 53, du paragraphe 106 (8.2), de l’article 130, 172 ou 184, du paragraphe 185 (3), de l’alinéa 200 (1) a) ou du paragraphe 216 (1), peut procéder sans mandat à l’arrestation de la personne dont il croit qu’elle est l’auteur de la contravention.

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier;
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Alinéa 129 a), Code criminel – Infractions relatives aux agents de la paix

129 Quiconque, selon le cas :

  1. volontairement entrave un fonctionnaire public ou un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions ou toute personne prêtant légalement main-forte à un tel fonctionnaire ou agent, ou lui résiste en pareil cas;

est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Paragraphe 495 (1) du Code criminel – Arrestation sans mandat par un agent de la paix

495. (1) Un agent de la paix peut arrêter sans mandat :

  1. une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel;
  2. une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle; ou
  3. une personne contre laquelle, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, un mandat d’arrestation ou un mandat de dépôt, rédigé selon une formule relative aux mandats et reproduite à la partie XXVIII, est exécutoire dans les limites de la juridiction territoriale dans laquelle est trouvée cette personne.

Analyse et décision du directeur

Le 19 février 2016, vers 1 h, le plaignant conduisait dans la direction ouest sur la rue Queen Mary vers la promenade Vanier à Ottawa. à un moment donné sur la rue Queen Mary, le plaignant a fait demi tour et a conduit dans la direction est sur la rue Queen Mary jusqu’à la résidence de son père, qui se trouvait à un peu plus d’un pâté de maisons. Le plaignant est sorti de sa voiture et a marché vers la porte d’entrée de la maison, qui était inoccupée à l’époque. L’AI no 1 et l’AI no 2 ont tourné dans l’entrée et se sont garés derrière la voiture du plaignant. L’AI no 1 a tenté d’avoir un échange verbal avec le plaignant avant qu’il entre dans la maison. Le plaignant a toutefois dit [traduction] « fuck ça » ou « fuck you » et est entré dans la résidence et a verrouillé la porte avant. Les AI nos 1 et 2 ont forcé la porte et, après une échauffourée, ont arrêté et ont menotté le plaignant. Ensuite, le plaignant a été accusé d’avoir omis de s’être arrêté à un panneau d’arrêt comme l’exigence le Code de la route et a reçu une contravention. à l’époque, il était évident aux agents que le plaignant avait subi une blessure à la tête, mais il a refusé de recevoir des soins médicaux.

Le lendemain, le plaignant s’est présenté à l’hôpital, où il s’est plaint d’avoir reçu plusieurs coups de poing à la tête et plusieurs coups de pied à l’abdomen de la part des agents de police. Le médecin à l’urgence a constaté que le front du plaignant était enflé du côté gauche, où il y avait aussi des ecchymoses, et que le plaignant avait une petite entaille au côté droit du front et une contusion derrière l’oreille gauche. Sa cage thoracique n’était pas enflée et ne comportait pas de marques, de contusions ou d’endroits sensibles. Néanmoins, le médecin traitant a informé le plaignant de la possibilité de côtes fracturées, mais n’a pas fait prendre des radiographies et n’a pas pu poser de diagnostic définitif. Près de quatre mois plus tard, soit le 15 juin 2016, le plaignant est retourné à l’hôpital et a subi des radiographies de sa poitrine et de ses côtes. La radiographie de sa cavité thoracique n’a révélé aucune fracture de côtes, mais sa radiographie bilatérale a révélé une guérison ou une fracture cicatrisée à l’aspect postérieur de la 10e côte droite. Le plaignant allègue que l’AI no 1 et l’AI no 2 ont fracturé sa côte lorsqu’ils l’ont arrêté à l’intérieur de sa maison.

L’AI no 1 a informé les enquêteurs qu’il travaillait un quart de nuit le 19 février avec l’AI no 2, et qu’ils se déplaçaient dans une Ford Taurus noire, plus précisément une voiture de patrouille non identifiée du SPO. Vers 12 h 39, alors qu’ils se déplaçaient vers l’ouest sur la rue Queen Mary, l’AI no 1 a vu le plaignant au volant d’une Toyota avec des plaques d’immatriculation d’une autre province, qui roulait dans la même direction sur la rue Queen Mary. Le plaignant a fait demi tour dans l’intersection de la rue Quill et de la rue Queen Mary et puis a continué vers l’est sur la rue Queen Mary. L’AI no 1 a fait demi tour au même endroit et a suivi le plaignant vers l’est sur la rue Queen Mary. L’AI no 1 a déclaré qu’il avait vu le plaignant omettre de s’arrêter à un panneau d’arrêt à l’intersection de la rue Queen Mary et de l’avenue Edith et qu’il l’avait franchi à environ 25 km/h. Plutôt que d’essayer d’immobiliser le véhicule du plaignant à ce moment là, l’AI no 1 a continué de le suivre jusqu’à la résidence. Le plaignant a stationné son véhicule et en est sorti immédiatement pour se rendre à l’entrée sur le côté de la maison. L’AI no 1 a tourné dans l’entrée et a placé sa voiture de police derrière la Toyota du plaignant, a allumé les feux d’urgence arrière de sa voiture de patrouille et est sorti du côté du conducteur et s’est approché du plaignant avec une lampe de poche à la main. L’AI no 1 a précisé qu’il s’était identifié comme policier et avait demandé au plaignant de venir vers lui et de lui parler. Lorsque l’AI no 1 était à 20 pieds (6,1 mètres) du plaignant, celui ci a déverrouillé et ouvert la porte de la résidence et a marmonné « fuck you » et est entré dans la résidence. Le plaignant a verrouillé la porte derrière lui. L’AI no 1 a dit au plaignant en criant d’ouvrir la porte, mais le plaignant a refusé. Estimant qu’il avait le pouvoir de le faire aux termes de l’article 33 du Code de la route, l’AI no 1 a essayé de forcer la porte en lui donnant plusieurs coups d’épaule, mais en vain. L’AI no 2 s’est joint à l’AI no 1 et a donné un coup de pied dans la porte pour l’ouvrir, et les deux agents de police sont entrés dans la résidence. Le plaignant se trouvait debout dans la salle de séjour. L’AI no 1 a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation pour avoir refusé de s’identifier à la police. Le plaignant a commencé à s’éloigner, de sorte que l’AI no 1 a pris le contrôle de son bras droit. Le plaignant s’est immédiatement raidi et a refusé de placer ses mains derrière le dos pour que les agents le menottent. L’AI no 1 a dit plusieurs fois au plaignant de se coucher par terre. Puisque le plaignant continuait de résister, l’AI no 1 lui a donné un seul coup au côté droit de sa tête avec son avant bras. Après avoir été frappé, le plaignant s’est légèrement affaissé, mais refusait de se mettre sur le plancher. L’AI no 1 lui a donné deux coups de genou à la cuisse droite, ce qui l’a obligé de s’agenouiller. Après une courte lutte sur le sol, l’AI no 1 a réussi à placer les mains du plaignant dans le dos et à lui menotter les poignets. L’AI ne croyait pas qu’il avait placé une quelconque partie de son corps sur le torse ou le dos du plaignant pendant l’altercation. Les agents ont fouillé le plaignant, l’ont emmené à l’extérieur et l’ont placé sur le siège arrière de la voiture de patrouille de la police. à ce moment là, le plaignant a révélé son identité verbalement à la police et a indiqué sa date de naissance. Convaincu que le plaignant avait été identifié correctement, l’AI no 1 l’a informé de ses droits et émis les avertissements habituels. Le plaignant a demandé la raison pour laquelle il avait été arrêté, et l’AI no 1 lui a expliqué qu’il avait omis de s’arrêter à un panneau d’arrêt et qu’il avait refusé de s’identifier lorsque la police lui avait demandé de le faire[1]. Le plaignant a dit aux agents de police qu’il pensait qu’on l’arrêtait en raison d’un mandat en souffrance émis dans une autre province[2]. L’AI no 1 a remarqué que le plaignant avait une petite bosse au-dessus de l’œil gauche et une égratignure au front. Il a demandé au plaignant s’il souhaitait recevoir des soins médicaux ou qu’on fasse venir une ambulance, et le plaignant a répondu qu’il était correct. L’AI no 1 a remis au plaignant un avis d’infraction provinciale (AIP) pour omission de s’arrêter à un panneau d’arrêt, et puis le plaignant a été libéré de la garde de la police.

L’AI no 2 a dit aux enquêteurs qu’il travaillait cette nuit là avec l’AI no 1 et qu’ils se trouvaient dans une Ford Taurus bleu ou noir comportant des marques discrètes. Les deux agents portaient l’uniforme et le gilet de protection avec le mot « police » estampé sur la poche avant à la poitrine et sur le panneau arrière. L’AI no 2 a déclaré que lui et l’AI no 1 conduisaient vers l’ouest sur la rue Queen Mary, lorsque l’AI no 2 a constaté que le plaignant faisait demi tour et s’est dirigé vers l’est sur la rue Queen Mary. Puis, à l’intersection de la rue Quill et de la rue Queen Mary, l’AI no 2 a vu le plaignant franchir un panneau d’arrêt sans s’arrêter en roulant à environ 15 km/h et se diriger vers le sud sur la rue Quill. Dès que le plaignant avait omis de s’arrêter, l’AI no 1 a fait demi tour et a suivi le plaignant sur une distance d’environ deux pâtés de maisons. Le plaignant a tourné dans une entrée et a garé sa voiture. L’AI no 1 a placé le véhicule de patrouille derrière la voiture du plaignant et s’est également arrêté. Le plaignant a quitté sa voiture et s’est rendu directement à la résidence. L’AI no 1 s’est approché du plaignant et lui a dit [traduction] « je veux vous parler, venez ici, nous devons parler ». Le plaignant a regardé l’AI no 1 et puis a disparu à l’intérieur de la résidence. Dès que le plaignant est entré dans la résidence, l’AI no 2 est sorti de la voiture de patrouille et s’est joint à l’AI no 1, qui essayait de forcer la porte avec son épaule. L’AI no 2 a donné un coup de pied dans la porte pour l’ouvrir de force et puis, lui et l’AI no 1 sont entrés dans le domicile. L’AI no 2 était convaincu qu’il était autorisé à pénétrer dans la résidence sans mandat, car le plaignant était passible d’arrestation pour avoir contrevenu à des dispositions du Code de la route. Une fois que l’AI no 2 se trouvait dans la maison, il a dit au plaignant qu’il était en état d’arrestation et lui a ordonné de se coucher sur le sol. Lorsque le plaignant a refusé de coopérer, l’AI no 2 a pris le contrôle de son bras gauche et l’AI no 1 a pris le contrôle de son bras droit. Le plaignant a immédiatement commencé à résister aux policiers alors qu’ils essayaient de l’amener au sol. Les AI nos 2 et 1 ont eu une interaction physique avec le plaignant pendant environ une minute avant de réussir à le mettre par terre. Le plaignant a continué de résister lorsque les agents ont tenté de lui passer les menottes. L’AI no 2 a donné un ou deux coups au visage du plaignant et puis a réussi à le menotter, les mains derrière le dos. Les agents ont remis le plaignant debout et l’ont fouillé et l’ont placé ensuite sur le siège arrière de la voiture de patrouille. L’AI no 2 n’était pas en mesure de se rappeler si l’AI no 1 avait également frappé le plaignant. L’AI no 2 a précisé que, hormis les coups de poing au visage, il n’avait pas donné de coups de poing ou de pied au plaignant nulle part ailleurs sur son corps, ni a t il vu l’AI no 1 donner des coups de poing ou de pied au plaignant. Peu après avoir sorti le plaignant de sa résidence, l’AI no 2 a pénétré de nouveau dans la maison, apparemment pour fouiller l’endroit où l’arrestation avait eu lieu (bien qu’on ne sache pas ce qu’il cherchait). D’autres agents de police sont arrivés sur les lieux, et l’AI no 2 a quitté la maison et a informé les agents de police nouvellement arrivés que tout allait bien. L’AI no 2 est retourné à la voiture de patrouille, et le plaignant a expliqué qu’il pensait qu’il y avait un mandat d’arrestation en suspens à son égard. L’AI no 2 a remarqué que le plaignant avait une petite coupure à l’œil droit et une bosse au-dessus de son sourcil gauche près du front et a demandé s’il voulait que des ambulanciers paramédicaux viennent, mais le plaignant a rejeté son offre. Le plaignant a reçu une contravention pour n’avoir pas respecté un panneau d’arrêt et a été relâché.

L’AT s’est également rendu à la résidence cette nuit là. Il a indiqué qu’il avait entendu l’AI no 2 annoncer dans la radio de la police qu’il se trouvait à la résidence et était mêlé à une altercation. L’AT était à moins d’un kilomètre et lorsqu’il est arrivé sur les lieux, il a constaté que la porte avant de la résidence semblait avoir été forcée. L’AT est entré dans la maison en rangée et a vu l’AI no 1, l’AI no 2 et le plaignant. Le plaignant était couché sur le plancher avec ses mains menottées dans le dos. L’AT a demandé à l’AI no 2 ce qui avait mené à l’arrestation du plaignant. L’AI no 2 a répondu que le plaignant ne s’était pas arrêté à un panneau d’arrêt, et que lorsque lui et l’AI no 1 avaient tenté d’immobiliser le véhicule du plaignant, celui ci avait tourné dans un stationnement. à ce moment là, le plaignant était sorti de sa voiture et avait marché vers la porte d’entrée d’une résidence. L’AI no 1 s’est approché du plaignant à pied et a eu un court échange verbal avec lui, et le plaignant est entré dans la maison et a verrouillé la porte. Les AI nos 1 et 2 sont entrés de force dans la résidence par la porte avant et ont mis le plaignant en état d’arrestation. L’AT n’était pas sûr pour quelle infraction le plaignant avait été arrêté, mais il pensait que c’était parce qu’il ne s’était pas arrêté à un panneau d’arrêt. Il a demandé aux AI nos 1 et 2 s’ils avaient besoin de son aide, et ils lui ont répondu que tout était sous contrôle. Après cela, il a quitté la résidence.

Le souvenir de l’AT de l’incident contredit les déclarations de l’AI no 1 et de l’AI no 2, puisqu’il a affirmé que les agents l’avaient informé que le plaignant avait évité leurs efforts d’immobilisation de son véhicule juste après qu’il avait franchi le panneau d’arrêt sans s’arrêter. Aucun autre témoin ne confirme cela. Toutefois, la fiabilité de ses souvenirs est quelque chose que je mets en doute puisque les événements s’étaient produits sept mois avant son entretien avec les enquêteurs et qu’il n’avait pris aucune note relativement à cet incident parce que, selon lui, l’événement était peu remarquable. Par conséquent, je doute qu’il ait un souvenir exact et indépendant des événements et je n’accorde guère de poids à ses observations.

Les deux agents ont eu un entretien avec l’UES, durant lequel ils ont consulté leurs notes. L’AI no 1 a accepté que l’UES obtienne une copie de ses notes, alors que l’AI no 2 a refusé, comme c’est son droit légal. L’UES a également obtenu et examiné le rapport d’enquête établi par l’AI no 1 environ une heure après l’incident et a constaté qu’il était conforme à sa déclaration. Il y avait quelques différences entre la version des événements fournie par l’AI no 1 et l’AI no 2. L’AI no 2 a dit qu’il avait vu le plaignant franchir un panneau d’arrêt sans s’arrêter à la rue Quill et à la rue Queen Mary et puis prendre la direction sud sur la rue Quill. Cela est contraire aux souvenirs de l’AI no 1, qui a déclaré que le plaignant avait omis de s’arrêter à un panneau d’arrêt au coin de l’avenue Edith et de la rue Queen Mary. étant donné que le souvenir du plaignant du chemin emprunté est compatible avec l’AI no 1, cette différence s’explique probablement par le fait que l’AI no 2 a fait référence par erreur à l’avenue Edith en la confondant avec la rue Quill. Fait plus important, l’AI no 1 se rappelle avoir fait demi tour après avoir vu le plaignant le faire, et puis l’avait vu ne pas s’arrêter au panneau d’arrêt avant de tourner sur l’avenue Edith. Pourtant, l’AI no 2 a expliqué que c’était l’omission de s’arrêter au panneau d’arrêt qui les avait incités à faire demi tour pour suivre le plaignant. En outre, l’AI no 2 n’a pas mentionné lors de son entretien que l’AI no 1 avait annoncé au plaignant qu’il était un policier lorsqu’il s’était approché de lui, mais seulement que l’AI no 1 avait demandé au plaignant de venir vers lui et qu’il lui avait dit qu’ils avaient besoin de parler[3].

Bien qu’il y ait des incohérences entre les comptes rendus des agents, le témoignage du plaignant présente également des éléments qui nuisent à sa crédibilité et à la fiabilité de sa version des événements. Le plus important de ses éléments est qu’il prétend avoir été battu abondamment pendant son arrestation. Néanmoins, lorsque le TC no 1 a examiné le plaignant, plus de 18 heures plus tard, il n’a constaté aucune tuméfaction, aucune marque, aucune ecchymose ou aucune sensibilité à l’abdomen ou au torse. Le TC no 1 a seulement noté des ecchymoses mineures, une légère tuméfaction et de l’insensibilité du côté gauche de la tête, une petite contusion au côté droit de son front et de la sensibilité derrière l’oreille droite.

De plus, le plaignant a fourni aux enquêteurs des photographies qu’il avait dit avoir prises peu de temps après l’incident et, si ce n’est qu’une petite abrasion à son épaule droite, les seules blessures observées au torse du plaignant étaient des éraflures à son dos, apparentes dans la photo ci dessous :

torse du plaignant

Comme on peut le constater, il y a clairement une abrasion au côté gauche de la cage thoracique du plaignant. Cependant, il n’y a pratiquement aucune marque du côté droit où il a été déterminé par la suite que le plaignant avait une côte cassée. La blessure la plus grave qui est visible dans les photographies qu’il a fournies était une importante tumescence au-dessus de l’œil gauche. De nouveau, il y a de l’incohérence entre le nombre des coups portés selon le plaignant et la documentation de ses blessures.

Après que le plaignant avait signalé au BDIEP qu’il avait subi une fracture à une côte durant son arrestation, l’affaire a été renvoyée à l’UES. Bien qu’une fracture où de la sensibilité à une côte n’ait pas été notée dans les dossiers médicaux, le TC no 1 a informé le plaignant le jour de l’incident qu’il avait peut être des côtes fracturées. Après son entretien avec l’UES, le plaignant s’est présenté à l’hôpital pour des radiographies. Ces radiographies ont été prises le 15 juin 2016, près de quatre mois après l’incident et ont révélé une guérison ou fracture cicatrisée à l’aspect postérieur de la dixième côte droite.

Le plaignant n’a jamais non plus contesté l’affirmation de l’agent selon laquelle il ne s’était pas arrêté à un panneau d’arrêt, et pourtant, il ne l’a pas mentionné dans sa déclaration aux enquêteurs. Bien qu’il s’agisse peut être d’une omission, à mon avis, cela n’était pas le cas, puisque le plaignant avait reçu une contravention expressément pour cette infraction et a même fourni à l’enquêteur une copie des documents divulgués au tribunal. En ne parlant pas de l’infraction au Code de la route, le plaignant diminue son rôle dans les événements qui se sont déroulés cette nuit là, ce qui m’amène à douter de sa crédibilité. Je suis également préoccupé par la prétention du plaignant qu’il ne savait pas que les AI nos 1 et 2 étaient des agents de police et par sa description d’un véhicule beaucoup plus musclé ou menaçant que celui qui a été utilisé dans les faits. La tenue des agents, telle que décrite par le plaignant, aurait ajouté à son sentiment de danger lorsqu’ils se sont approchés de lui. J’accepte le témoignage de l’AI no 2, cependant, qu’ils portaient simplement leur uniforme, y compris des gilets portant clairement la mention « Police ». Le plaignant était également très précis quant à l’arrivée de deux agents additionnels (dont une femme). Si l’on consulte le sommaire détaillé des appels du SPO, on constate toutefois que seulement un agent, l’AT no 1, est arrivé à la résidence lorsque les AI nos 1 et 2 s’y trouvaient déjà. Bien qu’il soit possible que des agents interviennent et ne soient pas ajoutés au résumé des appels, aucun des agents n’a indiqué qu’une agente était venue sur les lieux.

La description des événements par le plaignant s’étalaient également sur une période considérable. Or, la contravention remise au plaignant montre qu’elle a été émise à 1 h 02. Le résumé détaillé des appels du SPO, qui est un document produit automatiquement et qui enregistre les heures des appels, montre que les l’AI nos 1 et 2 sont arrivés à la résidence à 12 h 42 m 56 s et que l’AT y est arrivé à 12 h 47 m 44 s. L’AT est resté sur les lieux environ 5 ou 6 minutes. Ainsi, tous les événements décrits par le plaignant ont dû se produire dans les 20 minutes entre l’arrivée des AI nos 1 et 2 et la remise de la contravention, moins les 5 ou 6 minutes pendant lesquels l’AI no 1 était sur place. Il m’est difficile d’accepter la déclaration du plaignant sur ce point, particulièrement en raison de son affirmation que la fouille des agents de la résidence avait duré longtemps. Une fois de plus, cela remet en question la fiabilité du témoignage du plaignant.

Je me penche maintenant sur la légalité de l’arrestation du plaignant et sur le pouvoir d’entrer de force dans sa résidence. Les AI nos 1 et 2 ont déclaré avoir vu le plaignant ne pas s’arrêter comme il devait le faire à un panneau d’arrêt. L’enquête n’a mis en lumière aucune autre raison qui aurait incité les agents à le suivre jusqu’à sa maison. Au moment où il a tourné le véhicule de police non identifié dans l’entrée derrière la voiture du plaignant, l’AI no 1 a activé ses feux d’urgence. L’AI no 2 a indiqué que lui et l’AI no 1 portaient l’uniforme typique de couleur noire du SPO avec le mot « police » écrit à l’avant et à l’arrière de leur gilet pare balles. L’AI no 1 a été le premier à sortir du véhicule avec sa lampe de poche allumée et il s’est approché du plaignant dans l’intention de lui remettre une contravention pour omission de s’arrêter en conformité avec l’alinéa 136(1)a) du Code de la route. L’AI no 1 a demandé au plaignant de s’arrêter et de lui parler, mais le plaignant a continué de se diriger vers la porte d’entrée latérale.

L’AI no 1 s’est rappelé qu’au moment où le plaignant déverrouillait la porte, il s’était identifié comme policier et avait de nouveau demandé au plaignant de lui parler. Le plaignant avait répondu [traduction] « fuck ça » et avait couru à l’intérieur du domicile et avait verrouillé la porte derrière lui. Les agents de police ont le devoir en common law d’appliquer la loi. Lorsque le plaignant a claqué la porte au nez de l’AI no 1, le plaignant a empêché l’agent de se renseigner sur son identité. L’AI no 1 lui a ordonné en criant d’ouvrir la porte, mais le plaignant a refusé. Le 217(2) du Code de la route accorde aux agents de police le pouvoir d’arrêter une personne sans mandat si elle omet de s’identifier lorsqu’ils en font la demande conformément au paragraphe 33(3) du Code de la route. De plus, l’alinéa 129(a) du Code criminel interdit l’entrave délibérée d’un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions. Si le plaignant savait que l’AI no 1 était un agent de police, et je crois qu’il en était conscient pour les raisons exposées plus haut, ses gestes pour éviter que l’AI no 1 lui parle et puisse vérifier son identité étaient sans doute en soi un refus de s’identifier et certainement une tentative d’entraver l’exécution par l’agent de police de son devoir légal. L’article 495 du Code criminel permet aux agents d’arrêter sans mandat ceux qui ont commis une infraction criminelle, comme l’entrave d’un agent de la paix dans l’exécution de son devoir, et dont il est nécessaire d’établir l’identité. Par conséquent, l’AI no 1 avait des motifs d’arrêter le plaignant sans mandat.

Ensuite, la question est de savoir si les agents avaient le pouvoir d’entrer de force dans la résidence. Les tribunaux canadiens protègent jalousement la résidence d’une personne, et la Cour suprême du Canada (CSC) a indiqué clairement dans R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, au paragraphe 162, que les arrestations sans mandat dans une maison d’habitation sont interdites sauf en cas d’urgence, y compris les prises en chasse, ou le droit à la vie privée doit céder le pas à l’intérêt qu’a la société à garantir une protection policière suffisante. Sopinka J. affirme au paragraphe 162, que « [d]ans le cas d’une prise en chasse, l’intérêt de la société dans l’application efficace de la loi l’emporte sur le droit à la vie privée et la police peut entrer dans une maison d’habitation pour y effectuer une arrestation sans mandat ». Les deux agents de police n’ont pas perdu de vue le plaignant pendant qu’ils étaient en route vers sa résidence, et l’AI no 1 l’a immédiatement poursuivi à pied à son arrivée à la maison pour tenter de vérifier son identité, et ces différentes activités formaient un enchaînement continu. Avant l’arrêt Feeney, la CSC s’est penchée expressément sur l’exception à la règle établie pour les poursuites dans le contexte des infractions provinciales dans R. c. Macooh, [1993] 2 R.C.S. 802. Tout en reconnaissant l’inviolabilité du foyer, Lamer C. J. a déclaré ceci :

Il existe en vertu de la common law un droit d’entrer pour procéder à une arrestation, dans les cas de prise en chasse […] Les policiers qui arrivent peu après la perpétration de l’infraction, et voient fuir le contrevenant, devraient en effet pouvoir le suivre jusque dans des locaux privés, tant dans le contexte d’une infraction provinciale que dans celui d’un acte criminel. Ce pouvoir d’entrer devrait également être donné aux policiers qui continuent une poursuite déjà engagée […] Je conclus en résumé que même sans mandat d’arrestation, il existe, en cas de prise en chasse, un droit d’entrer dans des locaux résidentiels aux fins de procéder à une arrestation tant à l’égard des infractions provinciales que des actes criminels, dans la mesure, cependant, où les circonstances justifient par ailleurs une arrestation sans mandat[4].

Croyant qu’il avait le pouvoir, en vertu de l’article 33 du Code de la route d’arrêter le plaignant sans mandat pour refuser de s’identifier et par conséquent d’entrer dans la résidence, l’AI no 1 a ordonné à l’AI no 2 de donner un coup de pied dans la porte pour l’ouvrir, dans l’intention d’arrêter le plaignant. De l’avis de l’AI no 2, le plaignant évitait d’avoir à révéler son identité. Par conséquent, l’AI no 2 croyait qu’il avait des motifs d’arrêter l’appelant parce qu’il l’avait entravé dans l’exécution de son devoir en se dépêchant à entrer dans la maison et en ne pas permettant aux agents de vérifier son identité après qu’ils avaient constaté que le plaignant avait commis une infraction au Code la route. J’accepte que, dans les circonstances, les AI nos 1 et 2 détenaient un pouvoir d’arrestation sans mandat et qu’ils exerçaient leur devoir légal lorsque, durant une prise en chasse et en réponse à l’entrave de leurs fonctions légitimes par le plaignant, ils ont donné un coup de pied dans la porte du plaignant pour l’ouvrir et ont procédé à son arrestation.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. L’AI no 2 a signalé qu’il avait frappé le plaignant au visage une ou deux fois, et l’AI no 1, qu’il l’avait frappé au côté droit du visage une fois avec l’avant bras et lui avait donné deux coups de genou à la cuisse, parce que le plaignant opposait de la résistance à leurs efforts de le menotter. La jurisprudence est claire sur ce point : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C. A. de l’Ont.)) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluak, [2010] 1 R.C.S. (2d) 96 (Ont. C.A.)). Bien que le plaignant ait déclaré ne pas avoir résisté et avoir reçu un plus grand nombre de coups que les agents impliqués l’ont rapporté, ses blessures n’étaient pas compatibles avec la gravité de l’agression décrite par lui. De plus, il n’y a aucune preuve au delà de l’affirmation du plaignant que la fracture à sa côte droite a été causée par les AI nos 1 et 2 pendant son arrestation. Ni l’un ni l’autre des agents n’a reconnu l’avoir frappé à cet endroit, et il n’y a aucune preuve dans les dossiers médicaux d’une fracture à une côte droite avant la prise d’une radiographie quatre mois après l’incident, et aucun lien conclusif ne peut être établi entre la blessure et la date de l’incident.

Ainsi, je ne suis pas convaincu dans ce dossier que la force utilisée pour arrêter le plaignant tombait en dehors des limites prescrites par le droit criminel.

Par conséquent, je ne suis pas en mesure de trouver des motifs raisonnables m’amenant à croire que les AI nos 1 et 2 ont commis une infraction criminelle durant leurs interactions avec le plaignant le 19 février 2016. Aucune accusation ne sera donc portée, et cette affaire sera classée.

Date : 31 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Cependant, selon la version des événements donnée par l’AI no 1, il n’a jamais demandé au plaignant de s’identifier. Toutefois, la version des événements fournie par toutes les parties révèle qu’il y aurait eu très peu d’occasions de poser cette question parce que le plaignant – pour une raison ou une autre – est rapidement entré dans la maison et a claqué la porte, alors que l’AI no 1 s’approchait. [Retour au texte]
  • 2) [2] Les enquêteurs n’ont pas pu confirmer si le plaignant faisait l’objet de mandats non exécutés dans une autre province à l’époque. [Retour au texte]
  • 3) [3] L’AI no 2 a toutefois indiqué qu’il se trouvait à bord de la voiture de patrouille lorsque la discussion avait eu lieu, et il est donc possible qu’il n’était pas bien placé pour entendre les propos ou observer tout ce qui se passait. [Retour au texte]
  • 4) [4] Aux paragraphes 13, 30 et 34. [Retour au texte]

Note:

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