Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OOD-118

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, a priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête de l’UES sur la mort d’une femme de 89 ans survenue le 15 mai 2016 à la suite d’une interaction avec la police lors d’un arrêt de la circulation le 10 mai 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

L’UES a été avisée de l’incident par le Service de police de Kawartha Lakes (SPKL) le 10 mai 2016. Les faits rapportés à l’UES étaient les suivants : le 10 mai 2016, à 1 h 00 du matin, un témoin civil s’est approché d’un agent de police pour l’aviser que la plaignante conduisait de manière dangereuse, à l’intersection de la rue Angeline et de la route Highway 7, à Lindsay. Des agents de police ont repéré la plaignante, qui leur a dit être perdue et désorientée. Les agents de police ont alors décidé d’escorter la plaignante jusqu’à sa résidence.

En faisant demi-tour avec son véhicule, la plaignante a heurté une des voitures de police. On a alors fait monter la plaignante dans une des voitures de police où, peu de temps après, elle s’est plainte qu’elle ne se sentait pas bien. On a appelé une ambulance qui l’a transportée à l’hôpital. Plus tard dans la matinée, un agent de police s’est rendu à l’hôpital pour voir comment se portait la plaignante. On l’a alors informé qu’elle souffrait peut-être d’une hémorragie cérébrale et qu’on ne croyait pas qu’elle allait survivre.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 5

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Nombre de spécialistes de la reconstitution des collisions assignés : 2

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés, incluant des renseignements balistiques. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes, des photographies, des enregistrements vidéo, des croquis et des mesures.

Plaignant :

Femme de 89 ans; décédée; dossiers médicaux obtenus et examinés

Témoins civils

TC A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise. Ses notes ont été reçues et examinées.

Éléments de preuve

Preuves d’experts

Le 31 mai 2016, l’UES a demandé au coroner régional principal d’assigner un coroner à la revue des dossiers médicaux relatifs à l’hospitalisation et au décès de la plaignante. On a demandé au coroner de donner son avis à savoir si d’avoir tardé un tant soit peu à demander une assistance médicale pour la plaignante aurait contribué à sa mort.[1] Le 14 juin 2016, le coroner chargé d’examiner la question a indiqué qu’il est probable que l’hémorragie cérébrale de la plaignante soit survenue plus tôt en soirée lorsqu’elle s’est plainte d’un grave mal de tête. La plaignante est devenue désorientée alors qu’elle conduisait sa voiture et c’est à ce moment que la police est intervenue. Le coroner a indiqué à l’UES qu’ « À mon avis, il n’y a rien qui aurait pu être fait qui aurait pu changer le cours des événements ».

Documents obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé les documents suivants au SPKL, qu’elle a obtenus et examinés :

  • Enregistrement des communications,
  • Registre du système de répartition assisté par ordinateur (RAO),
  • Registre de service du peloton pour la nuit du 9 au 10 mai,
  • Rapport d’incident général rempli par l’AT no 1,
  • Rapport de collision de véhicule automobile,
  • Notes des agents témoins no 1 et no 2, et
  • Données GPS de la voiture de police de l’AI.

Description de l’incident

Le 10 mai 2016, à environ 1 h 00 du matin, la plaignante se trouvait au volant de sa voiture sur la rue Angeline, à l’intersection de la route Highway 7, dans la ville de Lindsay, en Ontario. Elle souffrait d’un mal de tête qui persistait depuis le début de la journée. Elle venait de déposer une amie lorsqu’elle est devenue désorientée. Le témoin civil a remarqué qu’elle conduisait de manière dangereuse et en a informé l’AI. L’AI a alors effectué une intervention routière. L’AT no 2 est ensuite arrivé sur les lieux et a accepté d’escorter la plaignante jusqu’à sa résidence. La plaignante a reçu l’instruction de faire demi-tour et de suivre les agents de police en direction sud. Or, pendant qu’elle faisait demi-tour, la voiture de la plaignante a heurté le côté du conducteur de la voiture de police de l’AT no 2 avant de poursuivre sa route en direction sud sur la rue Angeline.

L’AI a immobilisé la voiture de la plaignante, a fait monter cette dernière dans sa voiture de police puis a tenté d’obtenir l’identité de proches de la plaignante. La plaignante s’est mise à vomir dans la voiture de l’AI. On a alors fait venir une ambulance et la plaignante a été transportée à l’hôpital où son état de santé s’est rapidement détérioré et un diagnostic d’hémorragie intraventriculaire (hémorragie cérébrale) a été établi. La plaignante a succombé à l’hémorragie et est décédée cinq jours plus tard.

Analyse et décision du directeur

Le 10 mai 2016, à environ 1 h 00 du matin, la plaignante se trouvait au volant de sa voiture sur la rue Angeline, à l’intersection de la route Highway 7, à Lindsay, dans la ville de Kawartha Lakes, en Ontario. Après avoir observé la conduite dangereuse de la plaignante, l’AI a fait immobiliser le véhicule de celle-ci. Au cours son interaction avec l’AI, la plaignante s’est mise à vomir. La plaignante a été transportée à l’hôpital où un diagnostic d’hémorragie intraventriculaire (hémorragie cérébrale) a été établi, et elle est décédée peu après.

L’AI n’a pas consenti à se soumettre à une entrevue avec les enquêteurs de l’UES, comme la loi l’y autorise, mais elle a cependant fournies ses notes dont est ressorti ce qui suit :

L’AI, selon ses notes, a été approchée par le TC qui l’a informé qu’elle s’inquiétait au sujet d’une conductrice âgée qui, croyait-elle, avait peut-être bu ou souffrait d’un problème d’ordre médical. L’AI a repéré la plaignante qui roulait lentement le long de l’accotement et l’a arrêtée. La plaignante a indiqué à l’AI qu’elle venait de déposer une amie chez elle et qu’elle s’était perdue. L’AT no 2 est alors arrivé sur les lieux et a accepté d’escorter la plaignante jusque chez elle. Toutefois, la plaignante a heurté le véhicule de l’AT no 2 avec son véhicule, suite à quoi l’AI a de nouveau fait stopper la plaignante. La plaignante semblait ne pas s’être rendu compte qu’elle avait heurté le véhicule de l’agent. L’AI a demandé à la plaignante de s’asseoir dans son véhicule pendant qu’elle tentait d’identifier un proche, lorsque soudainement la plaignante s’est mise à vomir. On a alors appelé une ambulance.

L’AT no 2 a indiqué aux enquêteurs qu’il a reçu un appel radio vers 00 h 50 concernant un conducteur possiblement ivre, qu’il s’est rendu sur les lieux pour prêter assistance et qu’il a alors remarqué le véhicule de l’AI ainsi qu’un autre véhicule immobilisés sur la rue Angeline. L’AT no 2 a déclaré que l’AI l’a informé que le conducteur était la plaignante. L’AT no 2, ayant reconnu le nom de celle-ci et sachant où se trouvait sa résidence, a offert d’escorter la plaignante jusque chez elle. Toutefois, lorsque la plaignante a fait demi-tour pour se placer derrière le véhicule de l’AT no 2, son véhicule est entré en collision avec le véhicule de l’AT no 2, éraflant le côté du véhicule du côté du conducteur et poussant le rétroviseur extérieur vers l’avant. La plaignante ne s’est pas arrêtée et a poursuivi son chemin sur la route Highway 7. L’AI a stoppé la plaignante à un feu rouge. L’AT no 2 a alors immobilisé son véhicule et activé ses gyrophares, puis s’est approché du véhicule de l’AI où il a constaté que la plaignante se trouvait désormais assise sur le siège passager avant pendant que l’AI tentait d’obtenir auprès d’elle les coordonnées d’un de ses proches. L’AT no 2 n’a remarqué aucune blessure chez la plaignante. L’AT no 1 est ensuite arrivée sur les lieux, suivie cinq à dix minutes plus tard d’une ambulance. L’AT no 2 a remarqué que la plaignante avait vomi à l’intérieur du véhicule de l’AI.

L’AT no 1 agissait à titre de chef de veille lorsque, vers 1 h 07 du matin, le 10 mai 2016, elle a répondu à un appel radio concernant une collision impliquant un véhicule automobile ministériel près de la rue Angeline et de la route Highway 7. L’AT no 1 est arrivée sur les lieux deux à trois minutes après avoir reçu l’appel et a remarqué que le véhicule de l’AT no 2 comportait des éraflures tout le long du côté du conducteur, de l’avant à l’arrière. L’AT no 1 a discuté avec l’AI et L’AT no 2 qui l’ont informée des faits conformément à leurs notes et à la déclaration ci-dessus. L’AT no 1 a indiqué avoir pris la décision de saisir le permis de conduire de la plaignante et de lui remettre un formulaire pour lui faire passer un nouvel examen de conduite. Elle était assise dans son véhicule, affairée à remplir le formulaire lorsque l’AI s’est approchée d’elle pour lui dire que la plaignante s’était mise à vomir. L’AT no 1 a immédiatement appelé une ambulance qui est arrivée moins d’une minute plus tard et a transporté la plaignante à l’hôpital.

Le rapport de sortie de l’ambulance indique que la plaignante présentait des problèmes cognitifs pendant son transport, croyant qu’elle était en 1986, et qu’elle se plaignait d’avoir souffert d’un mal de tête pendant toute la journée. Bien que du personnel médical ait constaté que la plaignante était consciente lors de son admission à l’hôpital, la santé de celle-ci s’est peu après rapidement détériorée. La plaignante est décédée le 15 mai 2016.

Un coroner, qui est aussi médecin, a été chargé d’examiner la question afin de déterminer si d’avoir tardé un tant soit peu à demander une assistance médicale aurait contribué à la mort de la plaignante. Il est arrivé à la conclusion que la plaignante a probablement souffert d’une hémorragie cérébrale plus tôt dans la soirée du 9 mai 2016, comme en témoigne le grave mal de tête dont elle se plaignait. Le médecin a convenu que, selon son avis professionnel, « il n’y a rien qui aurait pu être fait qui aurait pu changer le cours des événements ».

Suite à l’examen de tous les éléments de preuve, il est clair que la plaignante a souffert d’une hémorragie cérébrale plus tôt dans la soirée du 9 mai 2016, après quoi elle a reconduit une amie chez elle avant de devenir désorientée. Sa conduite dangereuse a attiré l’attention du TC qui a alors contacté l’AI. L’AT no 2 s’est également présenté sur les lieux pour prêter assistance. Compte tenu tous les éléments de preuve qui m’ont été présentés, il semble que la plaignante a subi une hémorragie cérébrale avant toute intervention de la police et que les agents de police, au cours de leur interaction avec elle, n’ont fait preuve que de bonté et de patience, et ont fait tout en leur pouvoir afin d’aider la plaignante. Rien n’indiquait que la plaignante avait besoin de soins médicaux jusqu’à ce qu’elle vomisse, après quoi une ambulance a été immédiatement appelée et la plaignante a été transportée à l’hôpital. Selon le coroner ayant examiné la question, il n’y a rien que la police ou qui que ce soit d’autre a fait qui aurait pu avoir une incidence sur l’issue de la situation. La plaignante a finalement succombé à l’hémorragie cérébrale et est décédée quelques jours plus tard.

Compte tenu tous les éléments de preuve, il est clair que les agents de police, lors de leur interaction avec la plaignante, ont en tout temps fait preuve de professionnalisme, de bonté et d’obligeance. Le décès de la plaignante résulte de causes naturelles et ne préjuge en rien du traitement qu’elle a reçu des agents de police. Par conséquent, il n’y a aucune raison de croire que les agents qui sont entrés en contact avec la plaignante se sont conduits de manière inappropriée et il n’y a donc pas lieu de porter des accusations dans cette affaire.

Date : 11 août 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Cette requête a été menée en vue d’aider à déterminer si cette enquête, initialement considérée comme une enquête sur une blessure causée par un véhicule, devrait être considérée comme une enquête sur une blessure survenue pendant que la personne était sous garde (en raison du fait qu’on avait fait monter la plaignante dans un véhicule de police plutôt que d’appeler immédiatement une ambulance) ou encore une enquête sur un « décès autre ». [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.