Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCI-264

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur les blessures graves subies par un homme de 24 ans lors de son interaction avec des policiers le 19 octobre 2016.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 19 octobre 2016, à 18 h 03, la Police régionale de Peel (PRP) a avisé l’UES de la blessure subie par le plaignant.

La PRP a donné le rapport suivant : le 19 octobre 2016, vers 15 h 09, des agents de police en civil de la PRP se sont rendus à la station-service Petro Canada, au 2150 Burnhamthorpe Road West, en réponse au signalement d’un homme en possession d’un couteau. Alors que les agents de police se dirigeaient vers la station-service, l’homme [que l’on sait maintenant être le plaignant] a conduit sa voiture en sens inverse de la circulation, puis a franchi la rue jusqu’au 2155 Burnhamthorpe Road West. Dans le stationnement du Walmart, le plaignant est sorti de sa voiture et a dit à un passant qu’il allait se tuer, puis il a commencé à se faire des entailles aux bras. Des agents de la PRP sont arrivés sur les lieux et l’AI a déployé son pistolet à impulsion électrique (PIE) et a touché le plaignant. Le plaignant est tombé par terre et s’est cogné la tête sur la chaussée.

Le plaignant a ensuite été menotté et conduit à l’hôpital. À l’hôpital, on a constaté qu’il avait des coupures superficielles au bras et une hémorragie cérébrale. Du fait de son hémorragie cérébrale, le plaignant a ensuite été transféré dans un autre hôpital, où il a été soigné pour ses blessures.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre de spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 2

Les enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont identifié des éléments de preuve qu’ils ont préservés. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident par des notes et des photographies.

Plaignant

Homme de 24 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été reçus et examinés

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

TC no 4  A participé à une entrevue

TC no 5  A participé à une entrevue

TC no 6  A participé à une entrevue

TC no 7  A participé à une entrevue

TC no 8  A participé à une entrevue

TC no 9  A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1  A participé à une entrevue

AT no 2  A participé à une entrevue

AT no 3  A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A participé à une entrevue et ses notes ont été reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident s’est déroulé dans un stationnement du Walmart, au 2150 Burnhamthorpe Road West, à Mississauga. Le périmètre du lieu de l’incident était sécurisé par un ruban et surveillé par des agents de la PRP.

Dans la zone sécurisée, il y avait sur le sol, près d’un petit muret, des tâches de ce qui semblait être du sang. À proximité immédiate, l’UES a saisi des emballages et de la gaze avec ce qui semblait des traces de sang. Plusieurs effets personnels étaient à proximité. Il y avait aussi dans la zone sécurisée un véhicule utilitaire sport (VUS) Hyundai appartenant au plaignant. Ce véhicule était stationné près d’un abri à chariots d’achat, du petit muret, des effets personnels et des taches de sang. Il n’y avait pas de taches visibles sur les surfaces extérieures du VUS, à l’exception de quelques taches de transfert sur la poignée de la portière du conducteur. Ces taches étaient vraisemblablement du sang. Les quatre fenêtres du VUS étaient entrouvertes, il était déverrouillé et le contact était coupé. Les enquêteurs ont examiné l’intérieur du VUS et ont repéré des tâches de transfert sur le panneau intérieur de la portière du conducteur ainsi que quelques traces de gouttes sur le bas de caisse. Le volant était recouvert d’une housse en laine et portait des taches de transfert.

Sur le siège du passager avant et par terre, il y avait l’emballage en carton et en plastique d’un couteau. On n’a trouvé aucun couteau dans cet emballage ou ailleurs dans le VUS. On a photographié tout ce qui présentait un intérêt pour l’enquête.

Éléments de preuve matériels

Voici une photo du couteau utilisé par le plaignant et récupéré sur les lieux :

Couteau.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Vidéos de caméras de surveillance

Le 19 octobre 2016, les enquêteurs de l’UES ont fait le tour des commerces des environs à la recherche de vidéos de caméras de surveillance. Ils ont obtenu des vidéos de Petro Canada et de Walmart.

Walmart

Le Walmart situé au 2160 Burnhamthorpe Road a remis des enregistrements de vidéosurveillance pour le 19 octobre 2016, de 14 h 50 à 15 h 10. On y voit ce qui suit :

De 14 h 56 min 37 s à 14 h 57 min 01 s, un véhicule identifié de la PRP, qui se dirigeait vers le nord, fait un virage pour entrer dans la dernière allée du stationnement, à l’extrémité nord du terrain de stationnement. Le véhicule de police s’arrête face à l’est et un agent de police en uniforme [que l’on sait maintenant être l’AT no 2] sort du véhicule. Il contourne le devant du véhicule jusqu’au côté conducteur. À ce moment-là, un agent en uniforme [que l’on sait maintenant être l’AT no 3] sort du côté du conducteur et marche sur le même côté.

De 14 h 57 min 01 s à 14 h 57 min 18 s, l’AT no 3 s’éloigne à reculons de sa voiture de police et atteint le bord de l’allée, à la sortie du centre commercial. L’AT no 2 recule et s’approche de l’allée, puis les deux agents, l’AT no 2 et l’AT no 3, s’éloignent dans l’allée. Une personne [que l’on sait maintenant être le plaignant] vêtue de blanc apparaît, marchant vers l’ouest et passant juste devant le véhicule de police.

De 14 h 57 min 18 s à 14 h 57 min 26 s, le plaignant continue de marcher vers les policiers. À ce moment-là, un deuxième véhicule de police apparaît, ses feux d’urgence activés. Il s’arrête dans l’allée du stationnement, juste derrière le véhicule de police de l’AT no 3. L’AT no 2 et l’AT no 3 s’approchent du deuxième véhicule de police, dans l’allée du stationnement. L’AI sort du deuxième véhicule de police et les trois policiers sont debout, côté conducteur du véhicule de police de l’AI. Le plaignant cesse de marcher et s’immobilise devant la voiture de police de l’AT no 3.

De 14 h 57 min 26 s à 14 h 57 min 34 s, l’AI avance, les bras tendus en avant, en position de tireur, puis s’arrête à la hauteur de la portière de la voiture de police de l’AT no 3, côté conducteur. L’AT no 3 avance aussi, les bras tendus en avant, puis s’arrête devant le véhicule de l’AI. L’AI 2 avance et s’arrête près d’un lampadaire, du côté nord de l’allée du stationnement. Le plaignant n’a pas bougé; il est toujours debout devant la voiture de police de l’AT no 3. Soudain, le plaignant se raidit et commence à tomber en arrière. Au total, deux secondes se sont écoulées entre le moment où l’AI a cessé de marcher et celui où le plaignant a commencé à tomber.

De 14 h 57 min 34 s à 14 h 57 min 42 s, le plaignant, le corps raidi, tombe directement à la renverse et disparait du champ de vision de la caméra. Les trois agents de la PRP se précipitent alors vers le plaignant. Il semble que l’AT no 2 et l’AT no 3 arrivent en premier à sa hauteur, puis que l’AI avance un peu, mais en se tenant toujours à une certaine distance sur le côté du plaignant Ensuite, de 14 h 57 min 42 s à 14 h 58 min 05 s, les trois policiers se penchent au-dessus du plaignant.

De 14 h 58 min 05 s à 15 h 00 min 36 s, un troisième véhicule de police, dont les feux d’urgence sont activés, entre dans le champ de vision de la caméra, sur le côté nord du centre de jardinage de Walmart. Le véhicule de police, conduit par l’AT no 1, s’arrête dans l’allée du stationnement au nord du véhicule de police de l’AI. Peu après, d’autres véhicules de police, avec leurs feux d’urgence activés, arrivent sur les lieux. Entre-temps, plusieurs civils se sont attroupés.

Enregistrements des communications

Les transmissions enregistrées corroboraient la chronologie des événements et les renseignements obtenus à partir de toutes les autres sources

Preuves médicolégales

Rapport téléchargé à partir du pistolet à impulsion électrique

Le 19 octobre 2016, à 15 h 13 min 43 s, l’AI a placé l’interrupteur de sécurité de son PIE en position armée. À 15 h 13 min 50 s, l’AI a appuyé sur la gâchette de son PIE qui a déchargé la cartouche sélectionnée et déployé les sondes en direction du plaignant, provoquant chez ce dernier une paralysie neuromusculaire pendant six secondes. À 15 h 13 min 56 s, l’AI a déchargé une deuxième fois son PIE, causant chez le plaignant une deuxième paralysie neuromusculaire pendant six autres secondes.[1]

Les dossiers de formation de l’AI ont révélé qu’il avait obtenu sa qualification d’utilisateur de PIE le 15 juin 2016.

Documents obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents suivants à la PRP, qu’elle a obtenus et examinés :

  • communications — appels au 9-1-1 et transmissions radio
  • rapport téléchargé à partir du pistolet à impulsion électrique
  • chronologie des événements
  • notes de l’AT no 1, de l’AT no 2 et de l’AT no 3
  • détails de l’événement
  • feuille de zone de patrouille
  • procédure — utilisation de la force
  • déclarations de témoins — TC no 3, TC no 4, TC no 5, TC no 6 et TC no 7
  • dossier de formation de l’AI; et
  • rapports sur l’usage de force (AT no 2 et AT no 3)

Description de l’incident

Dans l’après-midi du 19 octobre 2016, le plaignant, armé d’un couteau, est allé au Petro Canada, sur Burnhamthorpe Road West, pour s’acheter des cigarettes. Lorsqu’on a refusé de lui vendre des cigarettes, le plaignant s’est énervé et a commencé à se faire des entailles aux bras devant plusieurs témoins. Il a ensuite tenu le couteau contre sa gorge, avant de partir et de s’éloigner au volant de sa voiture.

Après avoir conduit dangereusement et de façon erratique dans le secteur, le plaignant a immobilisé son véhicule dans le stationnement d’un Walmart des environs. Il est alors sorti de son véhicule et s’est approché du TC no 3, qui l’avait suivi dans le stationnement, et lui a crié après, tout en tenant le couteau dans la main. L’AT no 2 et l’AT no 3 sont arrivés sur les lieux à ce moment-là et ont pointé leurs armes à feu en direction du plaignant. Le plaignant tenait le couteau contre sa gorge, entaillant son propre cou. Il a alors commencé à marcher vers les agents, toujours armé du couteau. L’AI est arrivé et a déchargé son pistolet à impulsion électrique (PIE) sur le plaignant. La sonde du PIE a frappé le plaignant au front et a pénétré l’os frontal gauche de son crâne. Le plaignant est tombé au sol et s’est cogné la tête sur la chaussée.

Comme le plaignant avait toujours le couteau en main, l’AI a déchargé son PIE une deuxième fois sur lui. L’AT no 2 a utilisé son pied pour écarter le couteau. Une fois le couteau saisi, le plaignant a été menotté et conduit à l’hôpital en ambulance. Le plaignant a subi des blessures importantes, dont des fractures faciales et un traumatisme cérébral.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 88 (1), Code criminel – Port d’arme dans un dessein dangereux

88 (1) Commet une infraction quiconque porte ou a en sa possession une arme, une imitation d’arme, un dispositif prohibé, des munitions ou des munitions prohibées dans un dessein dangereux pour la paix publique ou en vue de commettre une infraction..

Article 25, Code criminel – Protection des personnes chargées de l’application et de l’exécution de la loi

25  (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
  4. soit en raison de ses fonctions

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(2) Lorsqu’une personne est, par la loi, obligée ou autorisée à exécuter un acte judiciaire ou une sentence, cette personne ou toute personne qui l’assiste est, si elle agit de bonne foi, fondée à exécuter l’acte judiciaire ou la sentence, même si ceux-ci sont défectueux ou ont été délivrés sans juridiction ou au-delà de la juridiction.

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves..

(4) L’agent de la paix, ainsi que toute personne qui l’aide légalement, est fondé à employer contre une personne à arrêter une force qui est soit susceptible de causer la mort de celle-ci ou des lésions corporelles graves, soit employée dans l’intention de les causer, si les conditions suivantes sont réunies :

  1. il procède légalement à l’arrestation avec ou sans mandat
  2. l’il s’agit d’une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat
  3. cette personne s’enfuit afin d’éviter l’arrestation
  4. lui-même ou la personne qui emploie la force estiment, pour des motifs raisonnables, cette force nécessaire pour leur propre protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves — imminentes ou futures
  5. la fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d’une façon moins violente

Article 34, Code criminel – Défense — emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
     
    • f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause
  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime

Analyse et décision du directeur

Le 19 octobre 2016, vers 15 h, l’AI a déchargé son pistolet à impulsion électrique (PIE) dans le stationnement d’un Walmart, à Mississauga. La sonde du PIE a frappé le plaignant au front et pénétré le côté gauche de son crâne. Le plaignant est tombé au sol et s’est cogné la tête sur la chaussée. À la suite de cette chute, le plaignant a subi des blessures importantes, dont des fractures faciales et un traumatisme cérébral. Il ne fait aucun doute que ses blessures ont été causées par les actes de l’AI. Au moment de cet incident, le plaignant était dans un endroit public et armé d’un couteau. Il s’était déjà fait des entailles à plusieurs reprises et avançait vers le l’AI, l’AT no 2 et l’AT no 3. Compte tenu de la présence du couteau, les policiers été autorisés à le placer en état d’arrestation pour possession d’une arme dans un but dangereux. Le plaignant représentait un danger important tant pour lui-même que pour les policiers et les autres personnes qui se trouvaient à proximité.

Le 19 octobre, le plaignant est allé à une station-service pour acheter des cigarettes. Il était armé du couteau quand il est entré dans le kiosque de la station-service. Lorsque le vendeur lui a demandé de présenter une pièce d’identité, le plaignant s’est énervé et s’est fait une entaille au poignet devant le vendeur. Il a ensuite tenu le couteau contre sa gorge, mais sans l’entailler. Le plaignant est alors sorti du magasin et, au volant de son véhicule, est sorti du stationnement de la station-service. Des témoins l’ont vu conduire de façon erratique et à une vitesse élevée, roulant à contre-sens dans les voies nord de la Erin Mills Parkway. Le plaignant a ensuite fait demi-tour et est entré dans le stationnement du Walmart.

Une fois dans le stationnement du Walmart, le plaignant est sorti de son véhicule et a commencé à crier en direction du TC no 3 qui l’avait suivi dans le stationnement. Le couteau toujours en main, le plaignant s’est approché du camion du TC no 3. L’AT no 2 et l’AT no 3 sont arrivés à ce moment-là. Les deux policiers ont dégainé leurs pistolets et les ont pointés en direction du plaignant. Le plaignant a commencé à marcher vers eux, le couteau toujours en main.

Les agents ont ordonné au plaignant de laisser tomber son couteau. Le plaignant a continué d’avancer vers eux et a répondu : [traduction] « Vous vous foutez de moi ou quoi ». Le plaignant tenait le couteau contre sa gorge et a commencé à s’entailler le cou. L’AI est arrivé et a ordonné au plaignant de laisser tomber le couteau. Le plaignant a refusé. L’AI pointait son PIE en direction du plaignant. Sept secondes après avoir armé son PIE, l’AI l’a déchargé sur le plaignant. La sonde du PIE a frappé le plaignant au front. Le plaignant est tombé à terre. Comme le plaignant tenait toujours le couteau, l’AT no 2 a tenté avec son pied de l’obliger à le lâcher. Comme il n’y parvenait pas, l’AI a déchargé son PIE une deuxième fois, six secondes à peine après la première décharge. L’AT no 2 est alors parvenu à retirer le couteau des mains du plaignant en le poussant du pied. Le plaignant criait après les policiers pendant qu’ils le menottaient.

La question que je dois trancher est celle de savoir si les actes de l’AI étaient justifiables en vertu de l’article 25 (Protection des personnes autorisées) ou de l’article 34 (Légitime défense) du Code criminel. En vertu de l’article 25 du Code criminel, les agents de police ont le droit d’employer la force raisonnablement nécessaire à l’exécution de leurs fonctions légitimes. L’emploi de la force, avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, est autorisé si le policier a des motifs raisonnables de croire que c’est nécessaire pour sa propre défense, ou pour protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. L’article 34 du Code criminel permet à quiconque de faire des efforts raisonnables pour se défendre ou se protéger ou pour protéger une autre personne s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une force ou une menace de force est exercée contre lui ou contre une autre personne. Le plaignant était armé d’un couteau dans un endroit public et avait déjà manifesté son intention de l’utiliser au moins contre lui-même; il s’était avancé vers un témoin civil puis vers trois policiers en brandissant le couteau de manière agressive; il avait refusé de le lâcher lorsque l’AI le lui avait ordonné, et il paraissait avoir la ferme volonté de mourir cet après-midi-là. Dans les circonstances, je suis convaincu que le déploiement du PIE par l’AI constituait une mesure raisonnable et était justifié en vertu des articles 25 et 34 du Code criminel. En fait, si les policiers n’étaient pas intervenus, le plaignant se serait probablement blessé avec le couteau encore davantage qu’il ne l’avait déjà fait. Le plaignant a placé l’AI devant un choix difficile et, peu importe l’option choisie, le plaignant risquait d’être blessé. De plus, la jurisprudence est claire : on ne peut pas s’attendre à ce que les policiers apprécient avec exactitude le degré de force qu’ils emploient dans leur intervention (R. c. Baxter [1975], 27 C.C.C. (2d) 96 (C.A. Ont.) et on ne devrait pas leur appliquer la norme de la perfection (R. c. Nasogaluk [2010] 1 RCS 206).

Même si le plaignant a subi des blessures très graves, il est extrêmement chanceux que ce soit seulement un PIE qui ait été déchargé, et non une arme à feu. Je suis convaincu, pour des motifs raisonnables, que les actes de l’AI ne sont pas sortis des limites prescrites par le droit criminel, et aucune accusation ne sera donc déposée dans cette affaire.

Date : 5 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] La paralysie neuromusculaire entraîne une forte contraction (tétanie) des muscles squelettiques (volontaires). [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.