Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OCD-087

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers , le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS , le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le 1er avril 2016, le décès du plaignant dans cette affaire a été confirmé.

L’enquête

Notification de l’UES

Selon le rapport, le 31 mars 2016, le plaignant est allé chez son médecin pour obtenir des médicaments contre des douleur aux genoux. Il a apparemment demandé au médecin de lui donner une injection létale, afin de pouvoir mourir avec dignité. Le docteur lui a donné de la morphine. Plus tard dans la soirée, un homme a appelé, sur son téléphone cellulaire, le Service de police régional de Niagara (SPRN) depuis la promenade du canal Welland pour signaler qu’un homme âgé essayait de se noyer et qu’un autre homme l’en empêchait. Les agents se sont rendus sur les lieux et ont parlé au plaignant. Ils ont conclu qu’il ne s’agissait pas d’une tentative de suicide et qu’il n’y avait aucun motif de procéder à une appréhension en vertu de la Loi sur la santé mentale (LSM). Les policiers ont ramené le plaignant chez lui. Apparemment, il vivait seul.

Dans la matinée du 1er avril 2016, une des filles du plaignant s’est rendue dans l’appartement du plaignant, a constaté qu’il avait disparu et a contacté la police. Ce même matin, on a retrouvé le corps sans vie du plaignant dans le canal. Le SPRN a avisé l’UES du décès du plaignant.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Plaignante

Décédé

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

TC no 6 A participé à une entrevue

TC no 7 A participé à une entrevue

TC no 8 A participé à une entrevue

TC no 9 A participé à une entrevue

Agents témoins

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue[1]

AT no 3 A participé à une entrevue

Agents impliqués

AI no 1 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

AI no 2 A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

L’UES a demandé les documents suivants au SPT, qu’elle a obtenus et examinés :

  • copie papier de l’appel
  • résumé détaillé des appels
  • registre des agents de service pour la nuit du 31 mars 2016
  • rapport d’incident général
  • ordre général - personnes atteintes de troubles mentaux
  • carte GPS montrant les unités dans le secteur d’appel
  • note de service interne concernant l’enregistrement audio des communications
  • notes de l’AT no 2 et de l’AT no 3
  • enregistrement du registre central, et
  • demande d’enregistrements du registre central

Description de l’incident

Le plaignant était un homme très âgé qui avait plusieurs problèmes de santé. Il vivait seul. Dans la soirée du 31 mars 2016, le plaignant marchait le long de la promenade du canal Welland. Le TC no 5, qui se trouvait aussi à cet endroit, a appelé le 9-1-1 et expliquait qu’il appelait au nom du TC no 4, qui avait découvert le plaignant menaçant de sauter dans le canal. On a envoyé des policiers sur les lieux en réponse à cet appel pour s’assurer du bien-être de l’homme sur la rive est du canal de Welland.

Lorsque l’AI no 1 et l’AI no 2 sont arrivés sur place, le plaignant était assis sur un banc, près du TC no 4 et du TC no 5. Il semblait calme et détendu. Le TC no 4 a expliqué à l’AI no 1 qu’il traversait le parc à bicyclette, près du canal, et qu’il avait vu le plaignant debout près de la rive du canal. Le plaignant lui avait alors fait part de son intention de sauter dans le canal. Le TC no 5 a déclaré l’AI no 1 qu’il avait entendu le plaignant affirmer qu’il plaisantait quand il avait dit précédemment qu’il voulait sauter dans le canal.

L’AI no 1 s’est entretenu avec le plaignant qui lui a déclaré qu’il ne savait vraiment pas pourquoi la police était là. Il a affirmé que tout allait bien. L’AI no 2 a demandé au plaignant s’il voulait se suicider. Le plaignant a nié avoir une telle intention et a prétendu n’avoir jamais dit qu’il voulait mettre fin à ses jours. Il a nié avoir dit au TC no 4 qu’il voulait se noyer dans le canal. Il était calme et coopératif, répondant à toutes les questions clairement. Il paraissait bien soigné et en bonne santé, et était habillé de manière appropriée compte tenu des conditions météorologiques. Il ne semblait pas déprimé; au contraire, il riait et plaisantait. Le service de répartition a avisé l’AI no 1 et l’AI no 2 que le plaignant s’était rendu à l’hôpital la veille, mais pas pour un problème de santé mentale. Rien n’indiquait que le plaignant avait besoin d’une assistance sur le plan émotionnel ou physique.

Des ambulanciers sont arrivés, mais le plaignant a refusé de leur donner l’autorisation de l’examiner. Il a également refusé d’aller à l’hôpital et de parler à un médecin ou à un travailleur en santé mentale. Rien n’indiquait que le plaignant puisse être sous l’influence d’alcool ou de drogue. L’AI no 2 a ramené le plaignant à son domicile dans un véhicule de police. Tout au long du trajet, il était calme et détendu. Une fois arrivé chez lui, le plaignant est sorti du véhicule de police, a serré la main de l’AI no 2 et l’a remercié de l’avoir accompagné en voiture.

Le lendemain, la fille du plaignant a signalé la disparition du plaignant. Quelques heures plus tard, le corps sans vie du plaignant a été retrouvé noyé dans le canal. La cause du décès a été établie comme étant la noyade et l’hypothermie par suite de submersion dans de l’eau froide. L’autopsie n’a décelé aucune drogue dans son corps.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215. (1)c) Toute personne est légalement tenue de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge, et ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

215. (2)b) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, dont la preuve lui incombe, de remplir cette obligation, si à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Article 220, Code criminel – Le fait de causer la mort par négligence criminelle

220. Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel […]

Analyse et décision du directeur

La cause du décès du plaignant n’est pas contestée. Le 1er avril 2016, le corps submergé du plaignant a été retrouvé dans le canal Welland, dans la ville de Welland. L’autopsie a établi que la cause du décès était la noyade et l’hypothermie par suite de submersion dans l’eau froide.

La question que je dois trancher est de savoir s’il existe des motifs raisonnables de croire que l’AI no 1 et/ou l’AI no 2 ont commis les infractions de négligence criminelle ayant causé la mort ou de manquement au devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence, en rapport avec le décès du plaignant. Les deux infractions exigent à tout le moins une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport à ce qu’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les circonstances. Je ne crois pas que la preuve se rapproche de cette norme. En fait, à mon avis, aucun élément de preuve ne suggère une responsabilité quelconque de l’AI no 1 ou de l’AI no 2 dans le décès du plaignant, que ce soit par acte ou par omission. Il est évident que le 31 mars 2016, les deux agents ont fait tout ce qu’ils pouvaient dans les circonstances pour déterminer si le plaignant était activement suicidaire. Rien dans son apparence physique ou psychologique ne suggérerait qu’il était incapable de prendre soin de lui-même. Il semblait lucide, ne présentait aucun signe d’intoxication par l’alcool ou la drogue et était convenablement habillé compte tenu des conditions météorologiques. Le plaignant, à son détriment, n’a fait part de son intention suicidaire à aucun des policiers ni des membres du personnel d’urgence présents sur les lieux, malgré les nombreuses occasions qu’on lui a offertes de se confier. Les policiers ont communiqué avec l’hôpital, qui a confirmé que le plaignant s’y était rendu la veille, mais pas pour des problèmes de santé mentale. J’en conclus que le plaignant est le seul responsable de son sort. Je ne trouve rien dans la manière dont l’AI no 1 et l’AI no 2 ont enquêté et agi qui me donnerait des motifs raisonnables de croire qu’ils ont commis une infraction criminelle. Par conséquent, aucune accusation ne sera déposée contre eux.

Date : 22 juin 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Il a été déterminé que l’AT no 1 et l’AT no 2 se trouvaient dans le même secteur, mais qu’ils n’étaient pas en cause du tout dans cette affaire. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.