Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 20-TFD-008
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Contenus:
Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)
En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :- de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
- de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.
En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- le nom de tout agent impliqué;
- le nom de tout agent témoin;
- le nom de tout témoin civil;
- les renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)
En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables.Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.Exercice du mandat
La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 37 ans (plaignant).
On doit englober dans les «â€‰blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de «â€‰blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.
Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 37 ans (plaignant).
L’enquête
Notification de l’UES
Le 18 janvier 2020, à 12 h 40, le Service de police de Toronto a avisé l’UES qu’un homme avait été la cible de coups de feu tirés par des membres de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu du Service de police de Toronto.Selon ce service de police, un peu après 12 h, l’Unité a trouvé le plaignant, dans le secteur de McCowan Road, à la hauteur de Town Centre Court. Celui-ci était le suspect dans une enquête sur un homicide. Des agents de l’Unité ont déchargé des armes à feu et ont atteint le plaignant. Celui-ci s’est alors rendu. Le Service de police de Toronto a rapporté que les blessures en question ne semblaient pas de nature à menacer la vie.
Au moment de la notification, le Service de police de Toronto n’était pas en possession des renseignements sur le plaignant ni sur les agents.
L’équipe
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3 Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 6
Plaignant :
Homme de 37 ans, décédéTémoins civils
TC no 1 A participé à une entrevueTC no 2 A participé à une entrevue
TC no 3 A participé à une entrevue
TC no 4 A participé à une entrevue
TC no 5 A participé à une entrevue
TC no 6 A participé à une entrevue
TC no 7 A participé à une entrevue
TC no 8 A participé à une entrevue
TC no 9 N’a pas participé à une entrevue [1]
TC no 10 A participé à une entrevue
TC no 11 A participé à une entrevue
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevueAT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue
AT no 6 A participé à une entrevue
Agents impliqués
AI no 1 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliquéAI no 2 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
AI no 3 N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué
Éléments de preuve
Les lieux
L’incident faisant l’objet de l’enquête est survenu sur McCowan Road, à l’est d’un immeuble d’habitation en copropriété sur Town Centre Court.Tout de suite après les coups de feu sur le plaignant, il s’est mis à neiger très fort, ce qui a rendu l’examen des lieux difficile.
Le plaignant conduisait une camionnette Sierra GMC rouge appartenant à son employeur. Son véhicule a été immobilisé par quatre voitures conduites par des agents de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu, et encore plus de voitures de l’Unité se trouvaient à proximité.
Une voiture de patrouille identifiée du Service de police de Toronto était stationnée à l’est de la camionnette rouge. Cette voiture de patrouille était arrivée sur les lieux avant les coups de feu.
La camionnette du plaignant avait plusieurs traces de balles sur le côté conducteur, sur le pare-brise et sur le toit.
Quatre douilles de fusil de calibre .223 et huit douilles d’arme de poing de calibre .40 ont été retrouvées sur les lieux. On y a aussi récupéré un projectile. Le Service de police de Toronto a aussi remis ultérieurement un projectile prélevé sur le plaignant durant une chirurgie à l’hôpital.
Schéma des lieux
Éléments de preuves médicolégaux
Rapport du Centre des sciences judiciaires
Le Centre a établi que cinq douilles récupérées sur les lieux provenaient du pistolet de l’AI no 1, tandis que trois autres venaient du pistolet de l’AI no 2. Il a également confirmé que les quatre douilles de fusil retrouvées sur place provenaient du fusil en possession de l’AI no 3.
Le comptage des munitions restantes dans chaque arme après les coups de feu a révélé que l’AI no 3 avait tiré entre quatre et sept coups de feu, que l’AI no 1 avait tiré cinq ou six fois et que l’AI no 2 avait quant à lui tiré cinq ou six fois.
Les trois armes à feu étaient dans un bon état de fonctionnement.
Témoignage d’expert
Rapport d’autopsie
Le médecin légiste a observé cinq traces de balle associées à des blessures à la poitrine et au bras gauche. Une trace était associée à deux blessures. D’après le médecin légiste, il y avait deux autres blessures résultant potentiellement de coups de feu mais pouvant aussi découler d’une intervention chirurgicale
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques
Les enquêteurs de l’UES ont ratissé le secteur à la recherche d’enregistrements audio ou vidéo ou de photographies et ont trouvé ce qui suit :- divers enregistrements de l’incident faits par des témoins civils.
Divers enregistrements de l’incident faits par des témoins civils
Les enregistrements montraient la camionnette du plaignant cernée par plusieurs véhicules de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu. Un véhicule Escape Ford était arrêté directement devant la camionnette du plaignant, une Civic Honda s’est immobilisée à l’arrière de la camionnette rouge et une Accord Honda noire était aussi arrêtée en position d’angle aigu par rapport à la portière du conducteur de la camionnette, tandis qu’une voiture Impala Chevrolet était placée, aussi en position d’angle aigu, par rapport à la portière avant du côté passager de la camionnette. Un peu plus loin à l’arrière de la camionnette du plaignant se trouvaient une Caravan Dodge et une Outback Subaru.
Les routes étaient enneigées et il tombait une faible neige au moment où les coups de feu ont été tirés. D’après les données d’Environnement Canada, la température était de 4 degrés Celsius à 12 h.
L’enregistrement vidéo fait par le TC no 4 commence par des images montrant la camionnette du plaignant et plusieurs agents de police à proximité avec leur arme à feu sortie. Un agent se tenait devant le coin avant du côté conducteur de la camionnette et pointait un fusil C8 en direction du plaignant. Deux autres agents en civil étaient debout du côté conducteur de l’Accord Honda noire qui s’était placée l’avant contre la portière du conducteur de la camionnette.
Du côté passager de la camionnette, vers l’arrière du véhicule, on pouvait voir trois agents en civil. L’un d’eux a ouvert la portière arrière du côté passager de la camionnette et deux agents sont entrés dans la camionnette à l’arrière. Ils se sont rapidement fait ordonner de sortir. Les agents ont crié au plaignant de montrer ses mains. Les agents qui étaient alors dans la camionnette en sont sortis et se sont éloignés de quelques pas.
Des agents ont continué de à crier au plaignant de mettre les mains en l’air.
Une voiture de patrouille identifiée du Service de police de Toronto est arrivée et s’est stationnée dans les voies en direction nord de McCowan Road, à proximité de la camionnette du plaignant. Deux agents en uniforme, identifiés comme l’AT no 4 et l’AT no 5, sont sortis de cette voiture et se sont mis à diriger la circulation.
Les agents en civil ont continué de crier des ordres au plaignant. À 6 min 5 s à partir du début de l’enregistrement du TC no 4, les trois agents en civil le plus près de la portière du conducteur de la camionnette ont déchargé leur arme tout en s’éloignant du véhicule.
Les agents se sont ensuite mis à l’abri derrière l’un des véhicules de l’Unité. Tout en restant derrière le véhicule Outback de Subaru stationné derrière la camionnette, ils ont ordonné au plaignant de sortir ses mains par la fenêtre de sa camionnette.
À 20 min 24 s après le début de l’enregistrement, six agents ont commencé à s’approcher de la portière du conducteur de la camionnette. Le plaignant a alors été sorti de son véhicule par la fenêtre de cette portière.
Le TC no 2 a enregistré les événements à mesure qu’ils se déroulaient. À un certain stade, on entend la police crier : [Traduction] « Les mains en l’air. Ne faites pas ça. Laissez vos mains sur le volant. » Environ une seconde plus tard, la police a fait feu en direction du plaignant.
L’enregistrement vidéo du TC no 2 montre aussi que les agents sont ensuite allés se mettre à l’abri et ont alors ordonné à plusieurs reprises au plaignant de sortir ses mains de la camionnette par la fenêtre.
Au moment des coups de feu, le TC no 3 se dirigeait vers le sud sur McCowan Road. Lorsqu’il se préparait à tourner sur une rue secondaire juste au nord des lieux de l’incident, la caméra de son tableau de bord a enregistré le son de plusieurs coups de feu.
Le TC no 3 est ensuite arrivé à son logement dans l’immeuble et a enregistré la scène qui se déroulait en bas. Son enregistrement vidéo a montré plusieurs agents de police qui allaient se mettre à l’abri derrière une Outback Subaru stationnée près de la camionnette, du côté conducteur. Dans cet enregistrement, on entend les agents crier : [Traduction] « Sortez les mains par la fenêtre! Les deux mains dehors! » Les agents ont aussi crié : « Les deux mains hors du véhicule, tout de suite! Arrêtez de bouger! »
Le TC no 3 a par la suit capté des images des agents, qui sortaient le plaignant de la camionnette en le tirant par la fenêtre du côté conducteur pour l’installer sur le capot de la voiture de police immobilisée contre la portière de la camionnette, du côté conducteur. Le plaignant a ensuite été étendu sur le sol, devant le véhicule. L’un des agents qui s’occupaient du plaignant s’est secoué la main, comme pour tenter de faire tomber le sang de sa main, à 3 min 9 s après le début de la vidéo.
Un enregistrement vidéo fourni par un autre civil a commencé au stade où le plaignant se faisait sortir de la camionnette. Cet enregistrement n’a pas fourni plus d’information sur les événements.
Une vidéo FaceTime d’Apple remise par le TC no 1 a commencé à 12 h 11. Cet enregistrement montrait des images sans le son. On pouvait voir le plaignant assis sur le siège du conducteur de la camionnette. Il semblait avoir du mal à respirer. Il regardait un peu partout à l’intérieur de la camionnette et semblait quelque peu désorienté. Il s’est ensuite penché vers le plancher, du côté passager, et il a attrapé une grosse bouteille contenant un liquide jaune clair qui était, comme on le sait maintenant, de l’antigel. Il a ouvert le contenant et a avalé tout le contenu.
Le plaignant a tourné la caméra de son téléphone vers l’extérieur de la camionnette et a capté des images d’une voiture de police identifiée stationnée à proximité. Le plaignant a eu l’air de crier en s’adressant à quelqu’un. Il a ensuite repris la conversation déjà en cours avec le TC no 1. Il a semblé grimacer de douleur pendant cette conversation.
À 2 min 17 s après le début de l’enregistrement, le TC no 1 a tenté d’appeler le père du plaignant. Comme celui-ci n’a pas répondu, le TC no 1 a rappelé le plaignant.
À 4 min 48 s, le plaignant a répondu à l’appel. Il semblait souffrir, d’après le son de sa voix. Sa discussion avec le TC no 1 était entrecoupée par des paroles criées vers l’extérieur de la camionnette. Le plaignant s’est tourné vers la fenêtre du conducteur et il a semblé essayer de s’approcher de la fenêtre, ce qui peut être interprété comme des tentatives d’obéir aux ordres de la police, qui lui disait de sortir les deux mains par la fenêtre. Il est toutefois retombé sur le siège, grimaçant de douleur.
Le plaignant a échappé son téléphone cellulaire sur le plancher de la camionnette et, à partir de là, il n’y a plus d’images de ce qui s’est passé à l’intérieur du véhicule.
Enregistrements de communications
À 12 h 5, un membre de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu du Service de police de Toronto a demandé de faire venir une voiture de patrouille à l’intersection de McCowan Road avec Town Centre Court. Cet agent a signalé qu’ils tentaient d’arrêter un homme qui était assis dans un véhicule et qui refusait de sortir et d’obtempérer. Il a aussi demandé que des véhicules de patrouille bloquent l’accès des piétons aux intersections. Deux voitures identifiées ont alors été dépêchées.À 12 h 8, les membres de l’Unité ont demandé une ambulance. Un autre membre de l’Unité a rapporté qu’ils avaient un homme de 35 ans qui venait d’être blessé par balle.
L’Équipe d’intervention en cas d’urgence a été chargée de surveiller la situation.
À 12 h 17, un microphone était allumé et on a entendu des agents crier : [Traduction] « Les mains en l’air! »
À 12 h 21, un agent a signalé que le suspect avait sorti une seule main du véhicule, et à 12 h 22, l’AT no 6 a mentionné que le plaignant avait placé les deux mains hors du véhicule.
Le nécessaire a été fait par la suite pour transporter les six membres de l’Unité à l’hôpital afin qu’ils soient vus en relation avec le stress associé à un incident critique.
Éléments obtenus auprès du Service de police
Sur demande, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants du Service de police de Toronto :- une copie de l’enregistrement des communications ayant trait à l’incident;
- le rapport du système de répartition assisté par ordinateur;
- le casier judiciaire du plaignant;
- le rapport d’incident général – rapport complet;
- les empreintes du plaignant décédé déjà au dossier;
- les notes des agents témoins désignés;
- la procédure relative à l’utilisation de la force du Service de police de Toronto;
- la procédure relative aux armes à feu de service du Service de police de Toronto;
- la procédure relative aux fusils C8 du Service de police de Toronto;
- le mandat de perquisition du Service de police de Toronto relatif au véhicule du plaignant;
- les renseignements et le mandat en première instance du Service de police de Toronto.
Éléments obtenus d’autres sources
En plus des éléments reçus du Service de police de Toronto, l’UES a obtenu et examiné les documents et éléments suivants d’autres sources :- des copies des rapports d’appel d’ambulance des services ambulanciers de Toronto;
- une copie des dossiers médicaux du Centre Sunnybrook des sciences de la santé;
- plusieurs enregistrements vidéo faits par des témoins civils;
- l’enregistrement vidéo d’un appel téléphonique fait à l’aide de FaceTime d’Apple entre le plaignant et sa conjointe de fait, le TC no 1, fourni par le TC no 1;
- le rapport d’autopsie du 15 septembre 2020 du Bureau du coroner;
- le rapport d’examen des armes à feu du 2 avril 2020 établi par le Centre des sciences judiciaires.
Description de l’incident
Le déroulement des événements pertinents est relativement clair, d’après le poids des éléments de preuve réunis par l’UES, c’est à-dire les entrevues réalisées avec le plaignant, plusieurs agents du Service de police de Toronto présents au moment des coups de feu et plusieurs témoins civils qui avaient entendu et vu des parties de l’incident. Les agents impliqués ont refusé de participer à une entrevue de l’UES et de fournir leurs notes, comme la loi les y autorise. Les enregistrements vidéo sur les coups de feu faits à l’aide d’un téléphone cellulaire par des témoins civils, les résultats d’autopsie et l’expertise judiciaire des lieux et des objets qui y ont été récupérés comme éléments de preuve ont également été utiles pour l’enquête.
Le plaignant était recherché par le Service de police de Toronto à titre de suspect pour le meurtre d’une femme commis le 13 janvier 2020. La femme, une prostituée, avait été retrouvée avec des blessures graves dans la baignoire d’un logement sur le boulevard Bay Mills par des policiers et des pompiers qui répondaient à une alerte d’incendie. Le 16 janvier 2020, un mandat d’arrêt avait été délivré compte tenu de renseignements accusant le plaignant du meurtre au premier degré de cette femme.
À bord de véhicules non identifiés, une équipe de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu a entrepris la surveillance du plaignant le 18 janvier 2020, dans l’intention de procéder à son arrestation une fois son identité confirmée. L’AT no 3 était responsable de cette équipe, composée des AI nos 1, 2 et 3 ainsi que des AT nos 1 et 2. On avait fait appel à cette équipe parce que le plaignant avait déjà été trouvé coupable par le passé d’infractions relatives à des armes à feu et on craignait qu’il soit armé.
Le plaignant a été aperçu à son lieu de travail, où on l’a vu sortir et partir dans une camionnette rouge. L’équipe de l’Unité a alors suivi la camionnette, qui a tourné sur McCowan Road et s’est dirigée vers le sud. Lorsque le convoi a approché de Town Centre Court, l’AI no 1 a donné l’ordre d’intercepter la camionnette une fois qu’elle aurait traversé l’intersection au feu vert.
L’opération s’est déroulée comme suit : les agents ont utilisé leur véhicule pour faire arrêter la camionnette dans la voie du centre en direction sud, à environ 30 mètres au nord de l’intersection suivante dotée d’un dispositif de contrôle de la circulation. Les AI nos 2 et 3 ont placé leur véhicule respectif dans la voie du centre en direction sud, juste devant et derrière la camionnette. L’AI no 1 a arrêté avec l’avant de son véhicule, du côté passager, placé en position d’angle aigu vis à-vis de la portière avant du côté conducteur de la camionnette. L’AT no 2 a quant à lui procédé à une manœuvre semblable, en plaçant le coin avant de son véhicule, du côté conducteur, sur le bord de la portière avant du côté passager de la camionnette. L’AT no 1 a pour sa part immobilisé son véhicule juste derrière celui de l’AI no 3, et l’AT no 3 a arrêté le sien le long du côté conducteur du véhicule de l’AT no 1.
Les agents sont sortis de leur véhicule et, à l’exception de l’AI no 3, ils se sont précipités en direction de la camionnette avec leur arme courte à la main. L’AI no 3 était quant à lui armé d’un fusil C8. Positionné du côté conducteur de la camionnette, avec leur arme à feu pointée sur le plaignant, l’AT no 3 ainsi que les AI nos 2, 3 et 1 ont crié au plaignant de rester immobile, mais de montrer ses mains. Pendant les dix à quinze minutes qui ont suivi, les agents ont répété ces ordres au plaignant, qui a levé et redescendu ses mains à de multiples reprises, tout en se balançant de l’avant à l’arrière et de droite à gauche sur son siège. Le plaignant a demandé le motif de son arrestation. On lui a répondu que tous les détails lui seraient divulgués une fois qu’il se serait rendu à la police en toute sécurité. Les agents craignaient que de révéler au plaignant qu’il était arrêté pour une accusation de meurtre aurait pour effet de le rendre encore plus agité et c’est pourquoi ils ont décidé de ne pas lui communiquer cette information.
À un certain stade durant la confrontation, l’AI no 2 et l’AT no 1 sont entrés dans la camionnette en passant par la portière arrière du côté passager, pour tenter de mettre le plaignant sous garde. Celui-ci a aperçu les agents et a baissé les mains. Il s’est ensuivi une lutte de courte durée, durant laquelle le plaignant a réussi à dégager son bras droit de la prise de l’AT no 1. Les agents sont sortis du véhicule par la même portière, dès que le plaignant a donné un coup de poing à l’AT no 1.
Une fois hors du véhicule, l’AI no 2 a rejoint les AI nos 3 et 1 du côté conducteur de la camionnette. À une distance d’au plus deux à trois mètres de la fenêtre ouverte du plaignant, ils ont continué de lui ordonner de garder les mains en l’air ou sur le volant, tout en lui disant ceci sur un ton implorant : [Traduction] « Ne faites pas ça. » À environ 12 h 8, les AI nos 2, 3 et 1 ont tous tiré sur le plaignant avec leur arme à feu, tout en s’éloignant de la camionnette.
Le plaignant a reçu cinq coups de feu. Il est demeuré conscient par la suite et a réussi à téléphoner à sa conjointe, soit le TC no 1. Une partie de la conversation s’est déroulée sur l’application FaceTime et a été enregistrée, mais sans le son. À un moment donné, le plaignant a attrapé une bouteille de plastique transparente et en a bu le contenu liquide. Il s’agissait d’antigel.
Toujours à l’abri derrière leurs véhicules, les agents ont ordonné au plaignant de montrer ses deux mains. Celui-ci a crié qu’il avait été atteint par les coups de feu et qu’il était incapable de lever un bras. Les échanges ont commencé à 12 h 22 et ont duré environ 14 minutes après les coups de feu, jusqu’à ce que le plaignant réussisse enfin à mettre les deux mains en dehors de la fenêtre du conducteur. Il n’était pas possible d’ouvrir la portière du côté conducteur, qui était bloquée par le véhicule de l’AI no 1 immobilisé contre elle, et le plaignant a donc été sorti par les agents par la fenêtre ouverte, puis il a été menotté et étendu au sol.
Peu après l’arrestation, les ambulanciers, qui étaient en attente à proximité des lieux, sont venus évaluer l’état du plaignant et l’ont conduit à l’hôpital. Celui-ci a subi plusieurs interventions chirurgicales à cause de ses blessures, en plus d’être traité pour une insuffisance rénale provoquée par l’ingestion d’antigel. Des caillots ont fini par se former dans sa jambe gauche et il est décédé le 3 février 2020.
Le nombre de douilles récupérées sur les lieux de l’incident, ainsi que l’examen des armes à feu des agents impliqués, ont révélé que les AI nos 3, 2 et 1 avaient respectivement déchargé leur arme à feu quatre (ou cinq) fois, cinq (ou six) fois et cinq (ou six) fois.
Aucune arme à feu n’a été trouvée dans le véhicule du plaignant.
Cause du décès
Le médecin légiste ayant procédé à l’autopsie a indiqué que le décès du plaignant était attribuable à des complications résultant de blessures par balle à la poitrine et au bras gauche.
Le plaignant était recherché par le Service de police de Toronto à titre de suspect pour le meurtre d’une femme commis le 13 janvier 2020. La femme, une prostituée, avait été retrouvée avec des blessures graves dans la baignoire d’un logement sur le boulevard Bay Mills par des policiers et des pompiers qui répondaient à une alerte d’incendie. Le 16 janvier 2020, un mandat d’arrêt avait été délivré compte tenu de renseignements accusant le plaignant du meurtre au premier degré de cette femme.
À bord de véhicules non identifiés, une équipe de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu a entrepris la surveillance du plaignant le 18 janvier 2020, dans l’intention de procéder à son arrestation une fois son identité confirmée. L’AT no 3 était responsable de cette équipe, composée des AI nos 1, 2 et 3 ainsi que des AT nos 1 et 2. On avait fait appel à cette équipe parce que le plaignant avait déjà été trouvé coupable par le passé d’infractions relatives à des armes à feu et on craignait qu’il soit armé.
Le plaignant a été aperçu à son lieu de travail, où on l’a vu sortir et partir dans une camionnette rouge. L’équipe de l’Unité a alors suivi la camionnette, qui a tourné sur McCowan Road et s’est dirigée vers le sud. Lorsque le convoi a approché de Town Centre Court, l’AI no 1 a donné l’ordre d’intercepter la camionnette une fois qu’elle aurait traversé l’intersection au feu vert.
L’opération s’est déroulée comme suit : les agents ont utilisé leur véhicule pour faire arrêter la camionnette dans la voie du centre en direction sud, à environ 30 mètres au nord de l’intersection suivante dotée d’un dispositif de contrôle de la circulation. Les AI nos 2 et 3 ont placé leur véhicule respectif dans la voie du centre en direction sud, juste devant et derrière la camionnette. L’AI no 1 a arrêté avec l’avant de son véhicule, du côté passager, placé en position d’angle aigu vis à-vis de la portière avant du côté conducteur de la camionnette. L’AT no 2 a quant à lui procédé à une manœuvre semblable, en plaçant le coin avant de son véhicule, du côté conducteur, sur le bord de la portière avant du côté passager de la camionnette. L’AT no 1 a pour sa part immobilisé son véhicule juste derrière celui de l’AI no 3, et l’AT no 3 a arrêté le sien le long du côté conducteur du véhicule de l’AT no 1.
Les agents sont sortis de leur véhicule et, à l’exception de l’AI no 3, ils se sont précipités en direction de la camionnette avec leur arme courte à la main. L’AI no 3 était quant à lui armé d’un fusil C8. Positionné du côté conducteur de la camionnette, avec leur arme à feu pointée sur le plaignant, l’AT no 3 ainsi que les AI nos 2, 3 et 1 ont crié au plaignant de rester immobile, mais de montrer ses mains. Pendant les dix à quinze minutes qui ont suivi, les agents ont répété ces ordres au plaignant, qui a levé et redescendu ses mains à de multiples reprises, tout en se balançant de l’avant à l’arrière et de droite à gauche sur son siège. Le plaignant a demandé le motif de son arrestation. On lui a répondu que tous les détails lui seraient divulgués une fois qu’il se serait rendu à la police en toute sécurité. Les agents craignaient que de révéler au plaignant qu’il était arrêté pour une accusation de meurtre aurait pour effet de le rendre encore plus agité et c’est pourquoi ils ont décidé de ne pas lui communiquer cette information.
À un certain stade durant la confrontation, l’AI no 2 et l’AT no 1 sont entrés dans la camionnette en passant par la portière arrière du côté passager, pour tenter de mettre le plaignant sous garde. Celui-ci a aperçu les agents et a baissé les mains. Il s’est ensuivi une lutte de courte durée, durant laquelle le plaignant a réussi à dégager son bras droit de la prise de l’AT no 1. Les agents sont sortis du véhicule par la même portière, dès que le plaignant a donné un coup de poing à l’AT no 1.
Une fois hors du véhicule, l’AI no 2 a rejoint les AI nos 3 et 1 du côté conducteur de la camionnette. À une distance d’au plus deux à trois mètres de la fenêtre ouverte du plaignant, ils ont continué de lui ordonner de garder les mains en l’air ou sur le volant, tout en lui disant ceci sur un ton implorant : [Traduction] « Ne faites pas ça. » À environ 12 h 8, les AI nos 2, 3 et 1 ont tous tiré sur le plaignant avec leur arme à feu, tout en s’éloignant de la camionnette.
Le plaignant a reçu cinq coups de feu. Il est demeuré conscient par la suite et a réussi à téléphoner à sa conjointe, soit le TC no 1. Une partie de la conversation s’est déroulée sur l’application FaceTime et a été enregistrée, mais sans le son. À un moment donné, le plaignant a attrapé une bouteille de plastique transparente et en a bu le contenu liquide. Il s’agissait d’antigel.
Toujours à l’abri derrière leurs véhicules, les agents ont ordonné au plaignant de montrer ses deux mains. Celui-ci a crié qu’il avait été atteint par les coups de feu et qu’il était incapable de lever un bras. Les échanges ont commencé à 12 h 22 et ont duré environ 14 minutes après les coups de feu, jusqu’à ce que le plaignant réussisse enfin à mettre les deux mains en dehors de la fenêtre du conducteur. Il n’était pas possible d’ouvrir la portière du côté conducteur, qui était bloquée par le véhicule de l’AI no 1 immobilisé contre elle, et le plaignant a donc été sorti par les agents par la fenêtre ouverte, puis il a été menotté et étendu au sol.
Peu après l’arrestation, les ambulanciers, qui étaient en attente à proximité des lieux, sont venus évaluer l’état du plaignant et l’ont conduit à l’hôpital. Celui-ci a subi plusieurs interventions chirurgicales à cause de ses blessures, en plus d’être traité pour une insuffisance rénale provoquée par l’ingestion d’antigel. Des caillots ont fini par se former dans sa jambe gauche et il est décédé le 3 février 2020.
Le nombre de douilles récupérées sur les lieux de l’incident, ainsi que l’examen des armes à feu des agents impliqués, ont révélé que les AI nos 3, 2 et 1 avaient respectivement déchargé leur arme à feu quatre (ou cinq) fois, cinq (ou six) fois et cinq (ou six) fois.
Aucune arme à feu n’a été trouvée dans le véhicule du plaignant.
Cause du décès
Dispositions législatives pertinentes
Le paragraphe 25(1) du Code criminel : Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Le paragraphe 25(3) du Code criminel : Quand une personne n’est pas protégée
25 (3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
L’article 29 du Code criminel : Obligation de la personne qui opère une arrestation
29 (1) Quiconque exécute un acte judiciaire ou un mandat est tenu de l’avoir sur soi, si la chose est possible, et de le produire lorsque demande lui en est faite.
(2) Quiconque arrête une personne avec ou sans mandat est tenu de donner à cette personne, si la chose est possible, avis :
a) soit de l’acte judiciaire ou du mandat aux termes duquel il opère l’arrestation;b) soit du motif de l’arrestation.
(3) L’omission de se conformer aux paragraphes (1) ou (2) ne prive pas, d’elle-même, une personne qui exécute un acte judiciaire ou un mandat, ou une personne qui opère une arrestation, ou celles qui lui prêtent main-forte, de la protection contre la responsabilité pénale.
Analyse et décision du directeur
Le 18 janvier 2020, le plaignant a subi plusieurs blessures par balle infligées par des agents du Service de police de Toronto durant son arrestation. Il a été transporté à l’hôpital, où il est décédé le 3 février 2020. Les AI nos 1, 2 et 3 ont tous déchargé leur arme à feu durant l’incident et ont été identifiés comme les agents impliqués pour les besoins de l’enquête de l’UES. D’après mon évaluation des éléments de preuve, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les agents ont commis une infraction en relation avec les coups de feu tirés sur le plaignant.
Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Pour ce qui est de l’emploi d’une force de nature à causer la mort, le paragraphe 25(3) indique aussi qu’elle ne peut être justifiée, à moins que l’agent n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de le protéger lui-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. Au vu du dossier établi par l’UES, je n’ai pas de motifs suffisants pour conclure que les AI nos 2, 3 et 1 ont dépassé les limites d’une justification légale lorsqu’ils ont fait feu sur le plaignant.
De toute évidence, les membres de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu étaient dans l’exercice légitime de leurs fonctions lorsqu’ils ont intercepté le plaignant dans sa camionnette et qu’ils ont tenté de le mettre sous garde. Le plaignant était en effet recherché pour le meurtre d’une femme survenu le 13 janvier 2020. Il y avait en fait un mandat d’arrestation qui avait été délivré en relation avec ce crime.
Pour ce qui est de l’état d’esprit des agents au moment de l’incident, même si aucun élément de preuve ne permet de savoir avec certitude ce qu’ils pensaient, je ne peux présumer, avec un quelconque degré de certitude, qu’ils n’estimaient pas nécessaire de faire l’usage d’une force de nature à causer la mort afin de se protéger eux-mêmes contre la mort ou des lésions corporelles graves. Il faut tenir compte du fait que la filature a été faite de façon discrète et que le véhicule du plaignant a été intercepté au milieu de la route pour se faire une idée du niveau de risque évalué par les agents. Ils savaient que le plaignant était recherché pour le meurtre brutal d’une femme survenu à peine quelques jours avant et que le plaignant avait un casier judiciaire notamment pour avoir été reconnu coupable d’infractions liées à de la violence et à des armes à feu. Dans les circonstances, il était logique de juger qu’il fallait user d’une grande prudence pour approcher le plaignant en le considérant comme potentiellement armé et dangereux. Cela résumait bien l’analyse de la situation faite par les agents témoins dans leur déclaration, et il est fort probable, à mon avis, que c’était aussi le raisonnement des agents impliqués.
Le comportement adopté par le plaignant, une fois cerné par des agents de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu, n’a pas aidé à apaiser leurs craintes. Même s’il était cerné, sans issue possible, avec des armes à feu pointées sur lui à très courte distance, le plaignant a refusé d’obéir aux ordres répétés des agents lui disant de garder ses mains bien en vue. Il s’agissait là d’une demande légitime puisque les agents avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant était en possession d’une arme. Le plaignant a plutôt choisi de lever et de baisser les mains d’une manière qui, comme il devait s’en douter, risquait de faire monter la tension, sans compter qu’il s’est mis à argumenter avec les agents pour connaître les raisons de son arrestation. En vertu de l’article 29 du Code criminel, les personnes qui exécutent un mandat ont l’obligation d’aviser, dans la mesure du possible, la personne arrêtée du motif de l’arrestation. Compte tenu des circonstances et du fait que les agents craignaient, à juste titre selon moi, que de révéler au plaignant qu’il était arrêté pour une accusation de meurtre puisse rendre la situation encore plus dangereuse, je ne peux conclure que les agents ont manqué à leur devoir. Lorsque l’AI no 2 et l’AT no 1 sont entrés dans la camionnette à l’arrière et ont tenté d’attraper le bras droit du plaignant, celui-ci a réagi de façon violente en se dégageant et en donnant un coup de point à l’AT no 1. Bref, le plaignant donnait tous les signes qu’il ne se rendrait pas sans résistance.
Enfin, ce qui s’est passé dans les moments juste avant et après les coups de feu est particulièrement révélateur. L’AT no 1, qui était placé derrière la camionnette, a vu le plaignant baisser la tête vers les genoux et a entendu les autres agents lui dire : [Traduction] « Ne baissez pas les mains. Arrêtez. Ne faites pas ça. », à peu près au même moment où les coups de feu ont retenti. L’AT no 3, qui était à proximité de la banquette arrière, du côté passager de la camionnette, a indiqué avoir entendu l’AI no 3 dire : [Traduction] « Il faut éviter que quelqu’un soit blessé. Ne mettez pas la main dans votre veste. » C’était juste avant que le plaignant tire sur sa veste vers l’avant avec sa main gauche et mette la main droite à l’intérieur. L’AT no 3 a indiqué qu’à ce stade, elle a cru que le plaignant allait prendre une arme et elle a entendu plusieurs coups de feu consécutifs. La déclaration de l’AT no 3 à cet égard doit être prise avec un grain de sel. Même si je conviens, compte tenu des témoignages corroborants des autres agents, qu’elle a vu le plaignant faire un geste dans les instants qui ont précédé les coups de feu, je doute qu’elle ait pu le voir mettre la main droite dans sa veste, vu la position où elle se trouvait, soit à l’arrière, du côté gauche, par rapport au plaignant. Les trois agents impliqués ont reculé en faisant feu et ont continué de s’éloigner par après pour aller se mettre à l’abri derrière les voitures de police. Par la suite, il a fallu encore 14 minutes avant que les agents se sentent assez à l’aise pour s’approcher de la camionnette afin de mettre le plaignant sous garde. D’après ces éléments de preuve, il semblerait que les agents avaient des motifs de croire que le plaignant était en train d’attraper une arme à feu et qu’il représentait un danger immédiat pour la vie des personnes qui étaient à la portée de son arme à feu.
Au vu du dossier, j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’éléments de preuve suffisants pour croire avec le moindre degré de certitude que les AI nos 2, 3 et 1 ont agi sans justification légale en tirant sur le plaignant et en le blessant. Bien au contraire, il semble probable que chacun des trois agents ait cru en toute honnêteté qu’il était nécessaire de recourir à une force de nature à causer la mort pour protéger leur propre vie (et peut être même celle d’autres personnes) et j’estime que c’était justifié dans les circonstances. Il ne semble pas, du moins de l’avis des agents témoins, que l’utilisation d’armes à impulsions ait été considérée comme une option viable. Vu la nature de la menace que les agents ont raisonnablement cru que le plaignant représentait et compte tenu du fait qu’il portait des vêtements pour la saison hivernale, qui auraient empêché les sondes de pénétrer dans sa peau pour le neutraliser, je ne considère pas que, parce qu’ils n’ont pas utilisé d’armes à impulsions, leur conduite en était moins légitime. Chacun des agents était très près du plaignant et aurait été directement dans sa ligne de tir si ce dernier avait, comme je pense qu’ils avaient des craintes légitimes de le croire, pu accéder à une arme à feu. Pour ce qui est du nombre de coups de feu, il importe de signaler qu’ils ont été tirés au même moment et que tout s’est passé très vite, de sorte que je ne peux considérer qu’il y ait eu toute différence significative dans le degré de risque raisonnablement perçu par chacun des agents pendant la série de coups de feu tirés. Je n’estime pas non plus que la retraite des agents change quoi que ce soit à l’analyse des événements sur le plan légal. La confrontation s’est produite sur un chemin public, avec des automobilistes et des piétons à proximité. Dans les circonstances, les agents avaient d’énormes pressions pour soit abandonner la confrontation avec le plaignant soit intervenir à distance sans mettre indûment en péril la sécurité du public.
En définitive, même si je conviens que les coups de feu tirés par les agents ont contribué au décès du plaignant, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les AI nos 2, 3 et 1 ont agi de manière illégale durant le déroulement de l’incident. Par conséquent, il n’existe pas de motifs raisonnables de porter des accusations criminelles contre les agents.
Date : 9 novembre 2020
Signature électronique
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Conformément au paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents ne peuvent être reconnus coupables d’avoir fait usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, à condition que cette force ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour accomplir quelque chose que la loi les oblige ou les autorise à faire. Pour ce qui est de l’emploi d’une force de nature à causer la mort, le paragraphe 25(3) indique aussi qu’elle ne peut être justifiée, à moins que l’agent n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de le protéger lui-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves. Au vu du dossier établi par l’UES, je n’ai pas de motifs suffisants pour conclure que les AI nos 2, 3 et 1 ont dépassé les limites d’une justification légale lorsqu’ils ont fait feu sur le plaignant.
De toute évidence, les membres de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu étaient dans l’exercice légitime de leurs fonctions lorsqu’ils ont intercepté le plaignant dans sa camionnette et qu’ils ont tenté de le mettre sous garde. Le plaignant était en effet recherché pour le meurtre d’une femme survenu le 13 janvier 2020. Il y avait en fait un mandat d’arrestation qui avait été délivré en relation avec ce crime.
Pour ce qui est de l’état d’esprit des agents au moment de l’incident, même si aucun élément de preuve ne permet de savoir avec certitude ce qu’ils pensaient, je ne peux présumer, avec un quelconque degré de certitude, qu’ils n’estimaient pas nécessaire de faire l’usage d’une force de nature à causer la mort afin de se protéger eux-mêmes contre la mort ou des lésions corporelles graves. Il faut tenir compte du fait que la filature a été faite de façon discrète et que le véhicule du plaignant a été intercepté au milieu de la route pour se faire une idée du niveau de risque évalué par les agents. Ils savaient que le plaignant était recherché pour le meurtre brutal d’une femme survenu à peine quelques jours avant et que le plaignant avait un casier judiciaire notamment pour avoir été reconnu coupable d’infractions liées à de la violence et à des armes à feu. Dans les circonstances, il était logique de juger qu’il fallait user d’une grande prudence pour approcher le plaignant en le considérant comme potentiellement armé et dangereux. Cela résumait bien l’analyse de la situation faite par les agents témoins dans leur déclaration, et il est fort probable, à mon avis, que c’était aussi le raisonnement des agents impliqués.
Le comportement adopté par le plaignant, une fois cerné par des agents de l’Unité des bandes de rue et des armes à feu, n’a pas aidé à apaiser leurs craintes. Même s’il était cerné, sans issue possible, avec des armes à feu pointées sur lui à très courte distance, le plaignant a refusé d’obéir aux ordres répétés des agents lui disant de garder ses mains bien en vue. Il s’agissait là d’une demande légitime puisque les agents avaient des motifs raisonnables de croire que le plaignant était en possession d’une arme. Le plaignant a plutôt choisi de lever et de baisser les mains d’une manière qui, comme il devait s’en douter, risquait de faire monter la tension, sans compter qu’il s’est mis à argumenter avec les agents pour connaître les raisons de son arrestation. En vertu de l’article 29 du Code criminel, les personnes qui exécutent un mandat ont l’obligation d’aviser, dans la mesure du possible, la personne arrêtée du motif de l’arrestation. Compte tenu des circonstances et du fait que les agents craignaient, à juste titre selon moi, que de révéler au plaignant qu’il était arrêté pour une accusation de meurtre puisse rendre la situation encore plus dangereuse, je ne peux conclure que les agents ont manqué à leur devoir. Lorsque l’AI no 2 et l’AT no 1 sont entrés dans la camionnette à l’arrière et ont tenté d’attraper le bras droit du plaignant, celui-ci a réagi de façon violente en se dégageant et en donnant un coup de point à l’AT no 1. Bref, le plaignant donnait tous les signes qu’il ne se rendrait pas sans résistance.
Enfin, ce qui s’est passé dans les moments juste avant et après les coups de feu est particulièrement révélateur. L’AT no 1, qui était placé derrière la camionnette, a vu le plaignant baisser la tête vers les genoux et a entendu les autres agents lui dire : [Traduction] « Ne baissez pas les mains. Arrêtez. Ne faites pas ça. », à peu près au même moment où les coups de feu ont retenti. L’AT no 3, qui était à proximité de la banquette arrière, du côté passager de la camionnette, a indiqué avoir entendu l’AI no 3 dire : [Traduction] « Il faut éviter que quelqu’un soit blessé. Ne mettez pas la main dans votre veste. » C’était juste avant que le plaignant tire sur sa veste vers l’avant avec sa main gauche et mette la main droite à l’intérieur. L’AT no 3 a indiqué qu’à ce stade, elle a cru que le plaignant allait prendre une arme et elle a entendu plusieurs coups de feu consécutifs. La déclaration de l’AT no 3 à cet égard doit être prise avec un grain de sel. Même si je conviens, compte tenu des témoignages corroborants des autres agents, qu’elle a vu le plaignant faire un geste dans les instants qui ont précédé les coups de feu, je doute qu’elle ait pu le voir mettre la main droite dans sa veste, vu la position où elle se trouvait, soit à l’arrière, du côté gauche, par rapport au plaignant. Les trois agents impliqués ont reculé en faisant feu et ont continué de s’éloigner par après pour aller se mettre à l’abri derrière les voitures de police. Par la suite, il a fallu encore 14 minutes avant que les agents se sentent assez à l’aise pour s’approcher de la camionnette afin de mettre le plaignant sous garde. D’après ces éléments de preuve, il semblerait que les agents avaient des motifs de croire que le plaignant était en train d’attraper une arme à feu et qu’il représentait un danger immédiat pour la vie des personnes qui étaient à la portée de son arme à feu.
Au vu du dossier, j’ai la conviction qu’il n’y a pas d’éléments de preuve suffisants pour croire avec le moindre degré de certitude que les AI nos 2, 3 et 1 ont agi sans justification légale en tirant sur le plaignant et en le blessant. Bien au contraire, il semble probable que chacun des trois agents ait cru en toute honnêteté qu’il était nécessaire de recourir à une force de nature à causer la mort pour protéger leur propre vie (et peut être même celle d’autres personnes) et j’estime que c’était justifié dans les circonstances. Il ne semble pas, du moins de l’avis des agents témoins, que l’utilisation d’armes à impulsions ait été considérée comme une option viable. Vu la nature de la menace que les agents ont raisonnablement cru que le plaignant représentait et compte tenu du fait qu’il portait des vêtements pour la saison hivernale, qui auraient empêché les sondes de pénétrer dans sa peau pour le neutraliser, je ne considère pas que, parce qu’ils n’ont pas utilisé d’armes à impulsions, leur conduite en était moins légitime. Chacun des agents était très près du plaignant et aurait été directement dans sa ligne de tir si ce dernier avait, comme je pense qu’ils avaient des craintes légitimes de le croire, pu accéder à une arme à feu. Pour ce qui est du nombre de coups de feu, il importe de signaler qu’ils ont été tirés au même moment et que tout s’est passé très vite, de sorte que je ne peux considérer qu’il y ait eu toute différence significative dans le degré de risque raisonnablement perçu par chacun des agents pendant la série de coups de feu tirés. Je n’estime pas non plus que la retraite des agents change quoi que ce soit à l’analyse des événements sur le plan légal. La confrontation s’est produite sur un chemin public, avec des automobilistes et des piétons à proximité. Dans les circonstances, les agents avaient d’énormes pressions pour soit abandonner la confrontation avec le plaignant soit intervenir à distance sans mettre indûment en péril la sécurité du public.
En définitive, même si je conviens que les coups de feu tirés par les agents ont contribué au décès du plaignant, il n’existe pas de motifs raisonnables de croire que les AI nos 2, 3 et 1 ont agi de manière illégale durant le déroulement de l’incident. Par conséquent, il n’existe pas de motifs raisonnables de porter des accusations criminelles contre les agents.
Date : 9 novembre 2020
Signature électronique
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) L’UES a confirmé que la vidéo enregistrée par le TC no 8 comportait uniquement des images des lieux captées après l’incident. Le TC no 8 n’a pas participé à une entrevue en bonne et due forme avec l’UES. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.