Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 25-PCI-068

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant la blessure grave subie par un homme de 22 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 19 février 2025, à 14 h 17[2], la Police provinciale de l’Ontario (la Police provinciale) a communiqué avec l’UES pour lui faire part des renseignements suivants.

Le 19 février 2025, tôt le matin, une femme a communiqué avec la Police provinciale pour demander à ce qu’on sorte son partenaire – le plaignant – de sa résidence. Celui-ci n’avait pas respecté les conditions de sa mise en liberté sous caution en lien avec la violence conjugale. À 7 h 35 (heure du Centre), des agents de police se sont rendus à la résidence en question, à Pikangikum, où le plaignant a été arrêté sans incident et menotté, les mains devant lui. Une fois arrivé aux installations du détachement, le plaignant a réussi à s’enfuir. Peu de temps après, il a été retrouvé et porté au sol. Lorsque le plaignant s’est levé, il s’est plaint d’une douleur à l’épaule droite. Le plaignant a été ramené aux installations du détachement. À 8 h 15 (heure du Centre), les services médicaux d’urgence (SMU) sont intervenus et ont transporté le plaignant au poste de soins infirmiers de Pikangikum. On a constaté qu’il avait une fracture de la clavicule droite et on lui a mis une écharpe au bras; ensuite, le plaignant a été ramené aux installations du détachement.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 19 février 2025, à 14 h 47

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 20 février 2025, à 11 h 30[3]

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 22 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 23 février 2025.

Témoin civil (TC)

TC A participé à une entrevue

Le témoin civil a participé à une entrevue le 18 mars 2025.

Agent impliqué (AI)

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Les agents témoins ont participé à des entrevues le 4 mars 2025.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés sur le terrain de l’usine de traitement de l’eau de Pikangikum et dans les environs.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[4]

Enregistrements des communications de la Police provinciale

Le 19 février 2025, à 8 h 29 min 47 s, les agents qui se sont rendus à la résidence en question, à Pikangikum, indiquent que le plaignant et une femme sont sous garde.

À 8 h 46 min 5 s, on appelle à l’unité chargée des communications, depuis le détachement, afin de demander l’intervention des SMU.

Enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention d’un agent de la Police provinciale – l’AI

Le 19 février 2025, vers 8 h 23 min 9 s, les agents se présentent à la porte d’entrée de la résidence.

Vers 8 h 24 min 13 s, les agents entrent dans la résidence.

Vers 8 h 28 min 40 s, les agents escortent le plaignant hors de la résidence. Le plaignant se tient debout, à l’extérieur, et fume une cigarette. Il ne veut pas être menotté.

Vers 8 h 29 min 45 s, un agent menotte le plaignant, les mains devant lui, alors que ce dernier fume une cigarette.

Vers 8 h 33 min 24 s, le plaignant se dirige vers un véhicule de police aux couleurs de la Police provinciale, lequel est stationné dans la rue, à proximité de la résidence.

Vers 8 h 34 min 35 s, on place le plaignant sur le siège arrière du véhicule de police.

Vers 8 h 35 min 20 s, on transporte le plaignant jusqu’aux installations du détachement.

Vers 8 h 38 min 21 s, le véhicule de police arrive aux installations du détachement, puis recule vers celles-ci.

Vers 8 h 38 min 45 s, le plaignant descend du véhicule de police et se dirige vers la porte d’entrée des installations du détachement. Un agent est devant lui, et un autre est derrière lui.

Vers 8 h 38 min 57 s, un agent ouvre la porte des installations du détachement. Au lieu d’entrer, le plaignant s’enfuit. Les deux agents se lancent à la poursuite du plaignant.

Vers 8 h 39 min 3 s, le plaignant traverse la rue en courant et remonte l’allée d’une usine de traitement de l’eau.

Vers 8 h 39 min 10 s, le plaignant est saisi par-derrière par l’AI, puis tiré vers l’arrière.

Vers 8 h 39 min 20 s, le plaignant et l’AI tombent au sol; le plaignant atterrit sur le dos.

Vers 8 h 39 min 44 s, le plaignant est mis à genoux par les agents. Le plaignant dit : « Attendez, attendez, j’ai mal à l’épaule ».

Vers 8 h 40 min 25 s, on dit au plaignant : « Nous la ferons examiner après. Il faut vous lever ».

Vers 8 h 40 min 33 s, les agents tirent le plaignant par les bras et lui disent de « se servir de ses jambes ». Un agent dit : « Je vais vous tenir par la taille ».

Vers 8 h 40 min 55 s, le plaignant lance un cri et jure à cause de sa douleur.

Vers 8 h 41 min 52 s, les agents raccompagnent le plaignant jusqu’aux installations du détachement.

Vers 8 h 42 min 13 s, un agent dit au plaignant qu’on fera examiner son épaule, mais qu’il doit se rendre au tribunal de libération sous caution aujourd’hui même.

Vers 8 h 43 min 12 s, le plaignant est examiné dans l’aire de mise en détention des installations du détachement.

Vers 8 h 43 min 50 s, on retire les menottes au plaignant.

Vers 8 h 44 min 7 s, un agent dit au plaignant qu’un membre des SMU examinera son épaule.

Vers 8 h 45 min 30 s, un agent examine l’épaule droite du plaignant et indique qu’il pense qu’elle est disloquée.

Vers 8 h 48 min 25 s, le plaignant est placé dans une cellule.

Vers 9 h 15 min 0 s, on guide des ambulanciers jusqu’à la cellule du plaignant.

Vers 9 h 20 min 24 s, un ambulancier place une écharpe autour de l’épaule droite du plaignant alors qu’il se trouve encore dans la cellule.

Vers 9 h 22 min 24 s, on sort le plaignant de la cellule pour l’emmener à l’aire de mise en détention.

Vers 9 h 25 min 25 s, on donne au plaignant ses bottes.

Vers 9 h 26 min 45 s, le plaignant monte dans l’ambulance, accompagné d’un agent, pour être conduit au poste de soins infirmiers de Pikangikum.

Documents obtenus du service de police

Sur demande, l’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la Police provinciale entre le 24 février 2025 et le 3 mars 2025 :

le rapport du système de répartition assistée par ordinateur;

les enregistrements des communications;

le rapport d’incident général, le rapport supplémentaire et le rapport d’arrestation;

les enregistrements vidéo captés par la caméra d’intervention – AI;

la vidéo de la mise en détention;

les rapports sur la mise en détention et l’hébergement;

les notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les dossiers médicaux du plaignant auprès du poste de soins infirmiers de Pikangikum le 26 février 2025.

Description de l’incident

Le plaignant a été arrêté à Pikangikum dans la matinée du 19 février 2025. En violation de sa mise en liberté sous caution, il se trouvait avec sa petite amie à une résidence, à Pikangikum. Le plaignant a été placé sous garde sans incident, menotté, puis mis à bord d’un véhicule de police pour être transporté aux installations du détachement de Pikangikum de la Police provinciale.

Le véhicule de police s’est arrêté devant les installations du détachement, et le plaignant en est descendu par l’arrière. Alors qu’il était escorté vers les installations, le plaignant s’est soudain enfui des agents. L’AI a rattrapé le plaignant et l’a porté au sol. Le plaignant a été remis sur pied et ramené aux installations du détachement.

Le plaignant a indiqué qu’il avait été blessé, et l’on a demandé la présence d’une ambulance aux installations du détachement. Le plaignant a été transporté au poste de soins infirmiers, où le personnel a constaté qu’il avait une fracture de la clavicule droite.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a subi une blessure grave à la suite de son arrestation par des agents de la Police provinciale le 19 février 2025. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, au cours de laquelle l’AI a été désigné à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

La légitimité de l’arrestation du plaignant n’est pas remise en cause. Les éléments de preuve indiquent que les agents étaient en droit de procéder à l’arrestation du plaignant pour avoir enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution.

Je suis également convaincu que la force utilisée contre le plaignant, à savoir une mise au sol, était légitime. Lorsque le plaignant s’est enfui de l’AI et de l’AT no 2, les agents étaient en droit de le remettre en état d’arrestation. Comme le plaignant était en train de s’enfuir, il était évident qu’une certaine intervention physique serait nécessaire pour mettre fin à sa fuite. Une mise au sol était logique dans ces circonstances, car elle allait mettre fin immédiatement à la tentative d’évasion du plaignant, tout en permettant aux agents de mieux gérer toute résistance supplémentaire à laquelle ils pouvaient raisonnablement s’attendre de la part d’une personne sous garde qui s’enfuyait.

En conclusion, même si je reconnais que le plaignant a subi sa fracture lors de la mise au sol, j’estime qu’il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que cette blessure est attribuable à une conduite contraire à la loi de la part de l’AI. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 13 juin 2025

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Sauf en cas d’indication contraire, toutes les heures sont indiquées selon l’heure de l’Est. [Retour au texte]
  • 3) Heure du Centre. [Retour au texte]
  • 4) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci‑dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.