Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 18-OCI-221

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si, à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (« LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :
  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire. 

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
  • le nom de tout agent impliqué;
  • le nom de tout agent témoin;
  • le nom de tout témoin civil;
  • les renseignements sur le lieu de l’incident; 
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête; 
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel lié à la santé de personnes identifiables. 

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave (y compris une allégation d’agression sexuelle).

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Ce rapport porte sur l’enquête menée par l’UES concernant les blessures graves subies par une femme de 16 ans.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 juillet 2018, à 14 h 39, le Service de police d’Ottawa (SPO) a communiqué avec l’UES et l’a informée de ce qui suit :

Le SPO a signalé que le 21 juillet 2018, à 18 h 57, des agents du SPO sont intervenus à la suite d’une dispute familiale dans le quartier d’Orléans, à Ottawa. Une femme (la TC no 1) avait appelé la police pour signaler que sa fille, la plaignante, était rentrée chez elle en état d’ébriété et une dispute avait suivi.

Lorsque les policiers sont arrivés, la plaignante était furieuse contre sa mère. La plaignante a par la suite été immobilisée au sol après s’être précipitée vers un agent. Plusieurs chefs d’accusation ont été portés contre la plaignante et ont été abandonnés par la suite.

Lors de son transport vers le poste de police, la plaignante s’est plainte d’une blessure. Elle a été emmenée au Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario et on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule gauche.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 2
 

Plaignants :

Femme de 16 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés


Témoins civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue
TC no 1 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 A participé à une entrevue
AT no 3 A participé à une entrevue
AT no 4 A participé à une entrevue
AT no 5 A participé à une entrevue


Agents impliqués (AI)

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.


Éléments de preuve

Les lieux

Le lieu de l’incident était l’intérieur de la résidence d’Orléans, à Ottawa. L’interaction entre les policiers et la plaignante s’est déroulée au rez de chaussée d’une maison à deux étages. L’interaction s’est produite entre le salon et la cuisine, dans un couloir. On croyait que le plancher était en bois franc ou en stratifié.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou photographiques

Le fichier audio comprenait les communications téléphoniques entre la TC no 1 et le répartiteur du SPO.

La TC no 1 a composé le 9-1-1 afin de demander de l’aide à la police pour contrôler sa fille combative, la plaignante. La TC no 1 a informé le répartiteur du SPO que sa fille était violente et ivre, et qu’elle détruisait des plantes dans la cour arrière. Pendant toute la durée de la conversation, il semble y avoir eu une vive altercation entre la TC no 1 et la plaignante.

La TC no 1 a dit : « Elle veut s’en prendre à moi. » [traduction]. Dans l’enregistrement audio, on a entendu la plaignante, qui avait du mal à articuler correctement, crier des mots inaudibles en arrière plan. Elle a souvent essayé de prendre le téléphone des mains de la TC no 1 et a crié : « Dites à ma mère de poser le téléphone. J’essaie de parler gentiment depuis 18 h. Elle est devenue folle. » [traduction]. La TC no 1 a mentionné au répartiteur : « Elle n’arrête pas de me frapper. » [traduction].

Le répartiteur a tenté de parler à la plaignante de ce qui s’était passé plus tôt dans la journée. La TC no 1 a déclaré : « Demandez aux policiers d’entrer par la porte de devant parce qu’elle a peut être des couteaux. Elle a des problèmes de santé mentale. Quand elle se saoule, elle devient très violente. » [traduction]. La TC no 1 a appris peu de temps après que la plaignante avait un couteau de boucher et se trouvait à l’intérieur de la demi salle de bains au rez de chaussée. Elle a réitéré l’information au répartiteur. Le répartiteur du SPO a répondu : « Un des agents est à l’étage dans la maison. Le voyez vous? Restez dehors jusqu’à ce qu’un policier vienne vous chercher. » [traduction].

Éléments obtenus auprès du Service de police

L’UES a demandé les documents et éléments suivants au SPO, qu’elle a obtenus et examinés :
  • copie papier des appels liés à l’incident;
  • rapport d’incident général;
  • enquête interne – AT no 5;
  • liste des agents concernés;
  • notes de tous les AT;
  • politique – arrestation;
  • politique – usage de la force;
  • dates de formation sur l’usage de la force;
  • liste des témoins.

Description de l’incident

Les faits sont clairs en ce qui concerne les renseignements recueillis par l’UES, notamment les déclarations de l’AI et des AT, de la plaignante, ainsi que de l’ami de la plaignante (TC no 2) et de la mère (TC no 1) de celle ci, qui étaient également présents sur les lieux de l’arrestation et aux alentours. Vers 19 h, l’AI, en compagnie des AT nos 4 et 5, est arrivé à une adresse à Orléans, à Ottawa, à la suite d’un appel au 9 1 1 fait par la mère de la plaignante, la TC no 1. La TC no 1 avait appelé pour signaler que sa fille était en état d’ébriété et avait commencé à l’agresser et à endommager des biens dans la cour arrière de la maison. Pendant que les agents se rendaient sur les lieux, la TC no 1 a ajouté que la plaignante s’était enfermée dans une salle de bain avec un couteau.

L’AT no 5 a été le premier à entrer dans la maison. Il a ordonné à la plaignante, qui était agressive, de s’asseoir sur le sofa dans la salle familiale, ce qu’elle a fait. Les AT nos 4 et 5 ont essayé de lui parler pour la calmer. L’AI, qui parlait avec la TC no 1 dans la cour arrière, s’est rapidement joint aux autres agents en entrant dans la maison par une porte fenêtre arrière qui donnait sur la cuisine. Lui aussi a tenté de parler avec la plaignante, mais elle ne voulait rien entendre. À un moment donné, la plaignante s’est levée et a indiqué qu’elle allait parler à sa mère dans la cour arrière. L’AI, qui se tenait dans le couloir entre la salle familiale et la cuisine, lui a bloqué le passage et lui a demandé de s’asseoir de nouveau. Elle l’a fait, mais seulement pour un court moment. Quelques minutes plus tard, la plaignante s’est de nouveau levée et a marché rapidement vers la cuisine, les bras croisés devant sa poitrine et les mains serrées. Elle a heurté le côté droit de l’AI et a été amenée au sol par ce dernier; l’AI et l’AT no 5 lui ont ensuite menotté les mains derrière le dos.

Pendant qu’elle se trouvait dans la voiture de police de l’AI sur le chemin du poste de police, la plaignante s’est plainte que son épaule lui faisait mal. L’agent a décidé de l’emmener à l’hôpital, où on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule gauche.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1) du Code criminel -- Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public
d) soit en raison de ses fonctions
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Analyse et décision du directeur

La plaignante a été arrêtée à son domicile par des agents du SPO dans la soirée du 21 juillet 2018 à la suite d’une brève confrontation physique avec l’AI. Peu après son arrestation, la plaignante a été transportée à l’hôpital où on lui a diagnostiqué une fracture de la clavicule gauche. Pour les raisons qui suivent, je suis convaincu que l’AI n’a pas commis d’infraction criminelle relativement à l’arrestation et aux blessures de la plaignante.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, l’usage de la force par les policiers se limite à ce qui est raisonnablement nécessaire à l’exécution de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire par la loi. L’AI et les autres agents se trouvaient légalement à l’intérieur de la résidence, la TC no 1 leur ayant demandé de s’y rendre pour intervenir auprès de la plaignante. Malgré tous les efforts déployés par les agents pour désamorcer la situation, la plaignante a heurté l’AI avec l’intention de passer à côté de lui. À ce moment là, il y avait des motifs raisonnables, à mon avis, d’arrêter la plaignante pour voies de fait. L’AI a saisi le bras droit de la plaignante lorsqu’elle l’a heurté, et il l’a fait tomber au sol. Par la suite, l’AI et l’AT no 5 ont rapidement menotté la plaignante sans autre incident. Dans ce dossier, je suis convaincu que la force employée par l’AI se situait dans les limites de ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances pour répondre à la violence de la plaignante et procéder à l’arrestation de cette dernière. Par conséquent, même s’il se peut fort bien que la fracture de la clavicule de la plaignante se soit produite lorsque celle ci est tombée au sol [1], il n’y a aucun motif pour porter des accusations criminelles contre l’AI et le dossier est clos.



Date : 19 août 2019



Joseph Martino
Directeur intérimaire
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Des éléments de preuve donnent à penser que les blessures de la plaignante pourraient aussi être attribuables à l’altercation physique qu’elle a eue avec sa mère avant l’arrivée des agents à la résidence. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.