Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 25-TCI-027
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Mandat de l’UES
L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.
En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.
Restrictions concernant la divulgation de renseignements
Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales
En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
- des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
- des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
- des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
- des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
- des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.
Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée
En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :
- des renseignements qui révèlent des
- des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet
En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :
- les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
- des renseignements sur le lieu de l’incident;
- les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
- d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.
Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé
En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.
Autres instances, processus et enquêtes
Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.
Exercice du mandat
En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.
Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.
De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.
Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur la blessure grave subie par un homme de 56 ans (le « plaignant »).
L’enquête
Notification de l’UES[1]
Le 24 janvier 2025, à 7 h 21, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.
Le 24 janvier 2025, à 0 h 43, le SPT a reçu un appel concernant un homme – le plaignant – qui était sur un toit et essayait d’entrer par la porte de l’appelante à une adresse située dans le secteur de l’avenue St. Clair Ouest et du chemin Old Weston. Les agents du SPT ont accédé au toit, ont poursuivi le plaignant et l’ont attrapé alors qu’il s’apprêtait à sauter. Ils l’ont porté au sol et menotté. Le plaignant s’est plaint d’une douleur à la cheville et a été transporté en ambulance à l’Hôpital Toronto Western. À 6 h 8, il a reçu un diagnostic de fracture de la malléole médiale droite.
L’équipe
Date et heure de l’envoi de l’équipe : 24 janvier 2025 à 7 h 33
Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 24 janvier 2025 à 8 h 59
Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3
Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1
Personne concernée (« plaignant ») :
Homme de 56 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés
Le plaignant a participé à une entrevue le 24 janvier 2025.
Agents impliqués
AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué; ses notes ont été reçues et examinées
Agents témoins
AT no 1 A participé à une entrevue etses notes ont été reçues et examinées
AT no 2 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
AT no 3 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire
L’agent témoin a participé à une entrevue le 11 février 2025.
Éléments de preuve
Les lieux
Les événements en question se sont déroulés sur le toit d’un immeuble situé dans le secteur de l’avenue St. Clair Ouest et du chemin Old Weston, à Toronto.
Éléments de preuve matériels
Le 29 janvier 2025, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu sur les lieux pour prendre des photos et des mesures.
Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]
Enregistrements vidéo captés par les caméras d’intervention – l’AI, l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3
Le 24 janvier 2025, vers 0 h 49 min 7 s, on voit l’AI monter un escalier et se rendre sur un toit. Alors qu’il s’approche du sommet de l’escalier, il pointe une lampe de poche sur le toit et crie au plaignant de venir vers lui. Le plaignant est debout sur un rebord élevé du toit. Il se tient au coin d’un autre immeuble. L’AI s’approche du plaignant et lui demande de descendre. Le plaignant marmonne de manière incohérente. L’AI recule pour laisser de l’espace au plaignant. L’AI indique par la radio que le plaignant a fait des remarques sur le fait de sauter du toit. L’AI continue d’essayer de parler avec le plaignant. Le plaignant dit « Vous ne m’emmènerez pas en prison » et « Je vais tomber ».
Vers 0 h 54 min 34 s, le plaignant tente de s’agripper à un toit plus élevé. L’AI dit que le plaignant semble vouloir grimper.
Vers 0 h 54 min 46 s, les deux pieds du plaignant quittent le rebord sur lequel il se tenait tandis qu’il se hisse vers le toit le plus élevé. L’AI se précipite sur le plaignant, l’agrippe et le tire vers le bas. Le plaignant tombe sur ses pieds. Une lutte s’ensuit, et l’AI ordonne au plaignant de mettre ses mains derrière son dos. L’AT no 1 arrive pour aider l’AI. Les agents parviennent à menotter le plaignant, les mains derrière le dos. Il crie de douleur et dit qu’il a mal à la cheville.
L’AT no 3 et l’AT no 2 restent au niveau de la route pendant toute la durée de l’interaction.
Enregistrements des communications du SPT
Le 23 janvier 2025, à 23 h 51 min 33 s, une femme appelle le 9-1-1 et signale que le plaignant a tenté de défoncer sa porte et l’a agressée. Elle déclare que le plaignant est une personne recherchée et qu’il est sous l’influence de drogues. Elle donne son adresse.
Le 24 janvier 2025 à 0 h 11 min 47 s, des agents du SPT se rendent sur les lieux et ne parviennent pas à trouver le plaignant. Il y a une femme blessée au bras.
À 0 h 41 min 54 s, un homme non identifié appelle le 9-1-1 et signale la présence d’un homme suspect [le plaignant] sur un toit. Il dit que le plaignant a tenté d’ouvrir une porte sur le toit.
À 0 h 49 min 28 s, l’AT no 2 signale qu’un homme [le plaignant] a escaladé la façade de l’immeuble.
À 0 h 50 min 57 s, l’AI indique que le plaignant a fait des remarques sur le fait de sauter.
À 0 h 54 min 41 s, l’AT no 2 signale que le plaignant a tenté de grimper au sommet d’un immeuble voisin.
À 0 h 54 min 56 s, on signale que le plaignant est sous garde.
À 0 h 56 min 23 s, on demande une ambulance pour une possible blessure à la cheville du plaignant.
Documents obtenus du service de police
Sur demande, l’UES a reçu les documents suivants du SPT entre le 28 janvier 2025 et le 17 février 2025 :
- rapport d’incident général;
- rapports du système de répartition assistée par ordinateur;
- notes de l’AI et des AT nos 1, 2 et 3;
- politique sur le recours à la force;
- enregistrements des caméras d’intervention;
- enregistrements des communications;
- photographies des lieux;
- dossiers de formation – recours à la force – l’AI
Éléments obtenus auprès d’autres sources
L’UES a obtenu le dossier médical du plaignant de l’Hôpital Toronto Western le 30 janvier 2025.
Description de l’incident
Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées auprès du plaignant et des témoins de la police ainsi que les enregistrements vidéo qui montrent l’incident, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES. Il a toutefois autorisé la divulgation de ses notes.
Tôt le matin du 24 janvier 2025, des agents du SPT, dont l’AI, se sont rendus à une résidence située dans le secteur de l’avenue St. Clair Ouest et du chemin Old Weston. Une résidente de l’adresse avait auparavant appelé la police pour signaler que son petit ami – le plaignant – avait enfoncé sa porte et l’avait agressée. Le plaignant se trouvait sur le toit du bâtiment à deux étages.
Depuis l’arrière du bâtiment, l’AI a monté un escalier extérieur et a trouvé le plaignant debout sur un rebord élevé du toit. Il a dit au plaignant de descendre du rebord pour se mettre en sécurité. Le plaignant a refusé. Quelques minutes après l’arrivée de l’agent, le plaignant a plutôt tenté de monter sur un toit adjacent, situé un étage plus haut. Alors que le plaignant tentait de se hisser, l’AI s’est précipité sur lui, l’a saisi par les jambes et l’a tiré vers le bas.
Le plaignant est retombé sur ses pieds, se fracturant l’intérieur de la cheville droite.
Avec l’aide de l’AT no 1, l’AI a menotté le plaignant et l’a mis sous garde. Le plaignant a été transporté à l’hôpital, où sa blessure a été traitée.
Dispositions législatives pertinentes
Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées
25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
Analyse et décision du directeur
Le plaignant a subi une blessure grave lors de son arrestation par les agents du SPT le 24 janvier 2025. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, désignant l’AI à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et à la blessure du plaignant.
Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.
Compte tenu de ce qu’ils savaient de l’appel au 9-1-1 de la petite amie du plaignant, il est évident que l’arrestation du plaignant pour agression était fondée.
En ce qui concerne la force employée par l’AI contre le plaignant, je suis convaincu qu’elle ne dépassait pas ce qui était raisonnablement nécessaire pour procéder à l’arrestation de ce dernier. L’AI était conscient de la position précaire dans laquelle se trouvait le plaignant, perché sur le rebord extérieur du deuxième étage d’un bâtiment à deux étages. Lorsque le plaignant n’a pas écouté l’ordre de l’agent lui demandant de se rendre et qu’il a dit qu’il allait sauter, l’AI a pris la sage décision de reculer afin de ne pas provoquer le plaignant. Il a maintenu cette position jusqu’à ce que le plaignant tente de monter sur le toit du troisième étage d’un bâtiment adjacent. L’agent a saisi cette occasion pour intervenir physiquement auprès du plaignant de la seule manière possible à ce moment-là, à savoir en le tirant vers le bas. L’agent aurait pu choisir une tactique plus passive et permettre au plaignant d’atteindre le troisième étage, où les négociations auraient pu se poursuivre. Cela dit, l’AI aurait eu raison de craindre que le plaignant n’échappe à son arrestation ou ne subisse des blessures encore plus graves s’il tombait de trois étages au lieu de deux. En raison de ces considérations contradictoires, je ne suis pas en mesure de conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, que l’AI a agi de manière déraisonnable.
Pour les raisons qui précèdent, j’estime qu’il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.
Date : 14 mai 2025
Approuvé par voie électronique par
Joseph Martino
Directeur
Unité des enquêtes spéciales
Notes
- 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
- 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci‑dessous. [Retour au texte]
Note:
La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.