Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 25-OCD-056

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur le décès d’un homme de 33 ans (le « plaignant »).

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 12 février 2025, à 1 h 55, la Police régionale de York (PRY) a informé l’UES du décès du plaignant.

Selon la PRY, le plaignant s’est présenté au poste de la PRY à Richmond Hill et s’est rendu en vertu d’un mandat d’arrestation pour manquement aux conditions de sa probation. L’arrestation du plaignant a été prise en charge par l’AT no 1, l’AT no 2 et l’AT no 3. Le plaignant a été escorté jusqu’à la zone de détention, et la mise en détention s’est déroulée sans incident; le plaignant a ensuite été placé dans une cellule. Le 12 février 2025, vers 1 h, le TES a vu, à son écran, que le plaignant était en crise d’épilepsie. L’AI et l’AT no 7 ont immédiatement pris des mesures pour tenter de sauver la vie du plaignant et on a appelé les services médicaux d’urgence de York au poste de police. Le plaignant a été transporté au centre Mackenzie Health, où son décès a été constaté à 1 h 48.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 12 février 2025 à 2 h 20

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 12 février 2025 à 3 h 50

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 1

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 33 ans; décédé

Agents impliqués

AI A participé à une entrevue, mais n’a pas consenti à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué.

L’agent impliqué a participé à une entrevue le 4 mars 2025.

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 A participé à une entrevue

AT no 3 A participé à une entrevue

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

AT no 7 N’a pas participé à une entrevue; notes examinées; entrevue jugée non nécessaire

Les agents témoins ont participé à des entrevues entre le 14 et le 21 février 2025.

Témoins employés du service

TES A participé à une entrevue

Le témoin employé du service a participé à une entrevue le 21 février 2025.

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés à l’intérieur et près d’une cellule du poste du 2e district de la PRY, situé au 177, promenade Major MacKenzie, à Richmond Hill.

Éléments de preuve matériels

Le 12 février 2025, à 5 h 16, un enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES s’est rendu au poste du 2e district de la PRY. La cellule en question avait été délimitée par un ruban de police. À l’intérieur de la cellule se trouvaient une paire de jeans, un t-shirt noir ainsi que des emballages et restes de nourriture McDonald’s. Il y avait également un défibrillateur externe automatisé (DEA) et deux emballages de Narcan vides sur les lieux. La cellule a été photographiée. Elle a également été mesurée – elle mesurait 1,55 mètre de large et 1,85 mètre de profondeur.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéo de la réception et des aires de mise en détention et de détention du poste de la PRY

Le 11 février 2025, à 14 h 58, le plaignant entre dans le hall d’entrée du poste du 2e district de la PRY. Il traverse le hall d’entrée en diagonale et entre dans les toilettes situées à droite de l’écran.

Vers 15 h 2 min 30 s, le plaignant sort des toilettes et s’approche d’un comptoir situé dans le haut de l’écran.

Vers 15 h 13, le plaignant s’assied et plonge sa main gauche dans la poche gauche de son manteau.

Vers 15 h 18, le plaignant sort de la poche gauche de son manteau ou de son sac à dos un petit récipient noir avec sa main gauche. Il ouvre le récipient et, en deux fois, il étale sur le sol une couche de poudre rouge en forme de « V ». Puis il se lève et s’approche du comptoir, dos à la caméra.

Vers 15 h 24, un agent – l’AT no 1 – s’approche depuis le comptoir. Le plaignant sort par la porte d’entrée, suivi par l’AT no 1 [on sait maintenant qu’il fumait une cigarette], et ils reviennent à 15 h 28.

Vers 15 h 41, un agent entre dans le hall d’entrée avec un aspirateur et aspire la poudre rouge. L’AT no 1 et un autre agent en uniforme, l’AT no 2, s’approchent du plaignant.

Vers 15 h 42, l’AT no 1 menotte le plaignant, les mains devant lui, tandis que le plaignant est assis sur un banc.

Vers 15 h 43, on fait lever le plaignant et on l’emmène par la porte de laquelle les agents sont arrivés.

Vers 15 h 45, ils entrent dans l’aire de mise en détention. Un sergent en uniforme – l’AT no 4 – entre dans la pièce et se rend derrière le comptoir. [La caméra située juste au-dessus du comptoir de mise en détention était la seule caméra de la zone de détention dotée d’une fonction d’enregistrement audio.] L’AT no 2 demande au plaignant de placer ses mains contre un mur. Le plaignant enlève son manteau et sa ceinture. Un troisième agent, l’AT no 3, est présent. L’AT no 2 procède à une fouille par palpation du plaignant et trouve un petit sac en plastique contenant une poudre blanche. L’AT no 3 prend possession du petit sac [soupçonné par la suite de contenir une petite quantité de méthamphétamine en cristaux], qu’il place dans un sac pour éléments de preuve.

Vers 15 h 53, l’AT no 1 fouille les vêtements et le sac du plaignant et trouve une pipe à crack dans le sac. L’AT no 3 demande au plaignant de se tenir contre le mur et effectue une deuxième fouille par palpation dans la salle de mise en détention. L’AT no 4 demande au plaignant s’il est blessé et celui-ci répond qu’il est blessé à la jambe, mais qu’il s’agit d’une blessure antérieure. Il dit avoir été heurté par une voiture il y a deux ans. L’AT no 4 lui demande s’il veut aller à l’hôpital, ce à quoi il répond par la négative. On demande au plaignant s’il sait pourquoi il est là, et il répond « un mandat ». L’AT no 4 lui dit que la zone est filmée et que des enregistrements audio et vidéo sont captés. L’AT no 4 demande au plaignant s’il comprend ses droits et s’il souhaite appeler l’avocat de service, ce à quoi le plaignant répond « non ». On demande au plaignant s’il a des problèmes de santé mentale, ce à quoi il répond par la négative. On lui demande s’il prend des médicaments, et il répond qu’il en prend un et qu’il l’a pris avant de se rendre. Les médicaments sont dans son sac. On demande au plaignant s’il a faim, et il répond qu’il pourrait manger. On lui demande s’il prend des médicaments contre les maladies cardiaques ou l’hypertension, ce à quoi il répond par la négative. L’AT no 3 demande l’autorisation de procéder à une fouille à nu. L’AT no 4 rejette la demande. L’AT no 2 et l’AT no 3 conduisent le plaignant aux cellules.

Vers 15 h 58, le plaignant est placé dans une cellule située dans le couloir des cellules pour femmes. La caméra est située au plafond de la cellule, qui est construite en blocs massifs et a une porte métallique solide. Le plaignant semble agité; il ne cesse de secouer sa jambe gauche et regarde la paume de sa main droite.

Vers 16 h 25, le plaignant semble essayer de s’endormir.

Vers 16 h 51, l’AT no 1 entre dans la cellule avec un repas pour le plaignant.

Vers 17 h 9, le plaignant se place à genoux et se penche vers l’avant, la tête appuyée sur ses bras posés sur le banc, comme s’il était en position de prière.

Vers 17 h 52, l’AT no 2 et l’AT no 3 se rendent à la cellule et remettent des documents au plaignant.

Vers 18 h 58, la fenêtre de la porte de la cellule s’ouvre de l’extérieur et l’on voit le mot « police » sur une veste de police – il s’agit de l’AI qui vérifie l’état du plaignant. La même chose se produit à 19 h 49.

Vers 21 h 16, l’AI ouvre la porte et donne de la nourriture au plaignant; ce dernier mange la nourriture.

Vers 22 h 21, l’AI est devant la porte de la cellule et regarde à l’intérieur, tandis que le plaignant dort.

Vers 22 h 56, le plaignant s’assied sur le bord du banc, la tête dans les mains. Il semble agité et se balance d’avant en arrière. Il boit dans ce qui semble être un gobelet en papier contenant du café.

Vers 23 h 39, alors qu’il est assis sur le banc, le plaignant porte continuellement sa main droite à son entrejambe.

Vers 23 h 50, le plaignant s’allonge sur le côté droit, les genoux repliés vers la taille. Dos à la caméra, il semble détacher les boutons de sa chemise avec sa main gauche.

Vers 23 h 57, le plaignant ramasse quelque chose [qui semble être un récipient de nourriture] sur le sol, près du mur du fond, à côté de la toilette. Il se tourne ensuite sur son côté gauche, les genoux pliés, et récupère un objet dans son sous-vêtement, au niveau des fesses. Il se penche et forme une ligne blanche avec ce qui semble être une poudre en utilisant le bord carré de la boîte de nourriture.

Vers 23 h 59 min 25 s, le plaignant se penche et semble aspirer avec sa narine droite la ligne de poudre blanche. Il utilise le contenant pour former une autre ligne avec la poudre restante et l’aspire avec sa narine gauche. Puis il se lève avec le gobelet, le remplit d’eau à l’évier et se rassied.

Le 12 février 2025 vers 0 h 6, le plaignant est debout, face à la porte, le genou gauche sur le banc et la tête contre la porte de la cellule. Il reste dans la même position pendant un certain temps et semble bouger les bras; cependant, la vue de ses bras est obstruée par son corps.

Vers 0 h 11, le plaignant porte sa main gauche à sa bouche. Il met ensuite quelque chose d’autre dans sa bouche et boit dans le gobelet.

Vers 0 h 13, le plaignant détache les boutons de sa chemise et se promène dans la cellule.

Vers 0 h 16, le plaignant urine, puis se lave les mains.

Vers 0 h 22, le plaignant enlève sa chemise et s’allonge sur le dos.

Vers 0 h 25, le plaignant enlève ses jeans et met sa main droite dans son sous-vêtement.

Vers 0 h 35, le plaignant se lève et s’approche de la porte de la cellule; il ne porte que son sous-vêtement. Il s’allonge et se tient la tête. Ses jambes tremblent de façon incontrôlable; il se tient la tête puis agrippe son entrejambe.

Vers 0 h 48, un agent en uniforme – l’AT no 6 – entre dans la cellule.

Vers 0 h 49, un deuxième agent en uniforme – l’AT no 7 – et l’AI arrivent à la porte de la cellule. L’AI quitte ensuite les lieux.

Vers 0 h 54, la main du plaignant tremble et il semble faire une crise d’épilepsie.

Vers 0 h 56 min 47 s, l’AT no 7 et l’AT no 6 ont placé le plaignant sur le côté droit en position de récupération.

Vers 0 h 57 min 30 s, l’AT no 6 commence les manœuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR). Le plaignant semble inconscient.

Vers 0 h 59, l’AI place un DEA sur le sol et un agent en uniforme place les électrodes sur la poitrine du plaignant. Les agents reculent, puis la RCR reprend.

Vers 0 h 59 min 43 s, on voit un ambulancier dans l’embrasure de la porte.

Vers 1 h 1, quatre agents sortent le plaignant de la cellule.

Enregistrements de communications

Le 12 février 2025 à 0 h 48, le centre des communications de la PRY reçoit un appel de la zone de détention du 2e district de la PRY concernant un détenu, le plaignant, qui a fait une crise d’épilepsie. On demande à ce qu’une ambulance se rende dans l’entrée des véhicules.

Vers 0 h 54, l’AT no 6 et un autre agent sont dépêchés sur les lieux.

Vers 0 h 56, les services médicaux d’urgence reçoivent un appel de service et, à 0 h 57, sont dépêchés sur les lieux.

Vers 0 h 59, l’AT no 5 est sur place, de même que les services médicaux d’urgence.

Vers 1 h 0 min 42 s, quelqu’un annonce que du Narcan a été administré et qu’un DEA a été utilisé trois minutes auparavant.

Vers 1 h 6, on pratique toujours la RCR sur le plaignant dans l’ambulance, qui se trouve dans l’entrée des véhicules.

Vers 1 h 15, un agent indique que l’on continue les manœuvres de RCR dans l’entrée des véhicules.

Vers 1 h 23, on transporte le plaignant au centre Mackenzie Health tout en poursuivant la RCR.

Vers 1 h 50, un agent déclare que le décès du plaignant a été constaté à 1 h 48.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part de la PRY entre le 12 février 2025 et le 19 février 2025 :

  • vidéo de la mise en détention;
  • enregistrements des communications
  • registres de cellulaires;
  • historique des appels;
  • casier judiciaire – le plaignant;
  • mandat d’arrestation – le plaignant;
  • antécédents avec la PRY – le plaignant
  • renseignements sur les plus proches parents;
  • notes du TES;
  • notes des AT;
  • registre des contrôles physiques – le plaignant
  • information concernant la vidéo captée au comptoir avant du poste de la PRY
  • dossiers du Centre d’information de la police canadienne (CIPC);
  • rapport d’arrestation pour manquement aux conditions de la probation;
  • rapport de décès;
  • politiques – traitement du délinquant, fouille de personnes et garde et contrôle des détenus

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 13 février 2025 et le 2 avril 2025 :

  • dossiers médicaux du plaignant provenant du centre Mackenzie Health;
  • rapport sur les conclusions préliminaires de l’autopsie du Service de médecine légale de l’Ontario (SMLO);
  • rapports d’appels d’ambulance des services médicaux d’urgence de York

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées avec l’AI et les témoins de la police ainsi que les séquences vidéo qui ont capté la majeure partie de l’incident, permettent d’établir le scénario suivant.

Dans l’après-midi du 11 février 2025, conscient qu’il était visé par un mandat d’arrestation pour manquement aux conditions de sa probation, le plaignant s’est rendu au poste du 2e district de la PRY. Les agents du poste ont confirmé le mandat, puis ont menotté le plaignant et l’ont escorté jusqu’à l’étage inférieur pour qu’il soit mis en détention.

L’AT no 4 était l’agent responsable de la mise en détention à ce moment-là.Il a posé au plaignant une série de questions sur son état de santé. Le plaignant a indiqué qu’il allait bien et a refusé de se rendre à l’hôpital. Deux fouilles de la personne, des vêtements et des effets personnels du plaignant effectuées dans l’aire de mise en détention ont révélé la présence d’une pipe à crack et d’une petite quantité d’une substance que l’on soupçonne être de la méthamphétamine en cristaux. L’un des agents responsables de la fouille – l’AT no 3 – a demandé l’autorisation d’effectuer une fouille à nu du plaignant, et l’AT no 4 a refusé.

Vers 16 h, le plaignant a été placé dans une cellule. Au cours des 8 heures suivantes, les agents ont vérifié son état par des moniteurs vidéo environ toutes les demi-heures. L’AI a également vérifié en personne l’état du plaignant à trois reprises. Il a dormi et mangé pendant une partie de cette période.

Juste avant minuit, le plaignant a sorti une certaine quantité de drogue de son sous-vêtement, a formé des lignes de poudre blanche avec la substance et les a aspirées par le nez. Le 12 février 2025, vers 0 h 11, il a mis quelque chose dans sa bouche et a bu dans un gobelet. Peu après, le plaignant a commencé à retirer ses couches extérieures de vêtements et est devenu agité. Ses jambes ont commencé à trembler de manière incontrôlée alors qu’il était allongé sur le banc de la cellule.

L’AT no 5 et le TES ont remarqué, sur les moniteurs du comptoir avant, que le plaignant tremblait. Ils ont alerté d’autres agents pour qu’ils vérifient l’état de santé du plaignant et ont contacté les services paramédicaux.

Les agents se sont rendus dans la cellule du plaignant et ont tenté de communiquer avec lui. Le plaignant n’a pu communiquer qu’en acquiesçant lorsqu’on lui a demandé s’il souffrait de crises d’épilepsie. Les agents ont placé le plaignant en position de récupération. Le plaignant a rapidement cessé de présenter des signes vitaux. Les agents ont pratiqué des manœuvres de RCR et lui ont administré une dose de Narcan par voie nasale. Un DEA branché au plaignant a indiqué qu’aucun choc ne devait être administré. Les ambulanciers sont arrivés vers 1 h et ont pris la relève.

Le plaignant a été transporté au centre Mackenzie Health, où son décès a été constaté à 1 h 48.

Cause du décès

À la lumière de l’autopsie, le médecin légiste n’a pas été en mesure d’établir une constatation préliminaire quant à la cause du décès, précisant qu’il fallait attendre les résultats de l’examen toxicologique.

Dispositions législatives pertinentes

Article 215, Code criminel – Devoir de fournir les choses nécessaires à l’existence

215 (1) Toute personne est légalement tenue :

c) de fournir les choses nécessaires à l’existence d’une personne à sa charge, si cette personne est incapable, à la fois :

(i) par suite de détention, d’âge, de maladie, de troubles mentaux, ou pour une autre cause, de se soustraire à cette charge,

(ii) de pourvoir aux choses nécessaires à sa propre existence.

(2) Commet une infraction quiconque, ayant une obligation légale au sens du paragraphe (1), omet, sans excuse légitime, de remplir cette obligation, si :

b) à l’égard d’une obligation imposée par l’alinéa (1)c), l’omission de remplir l’obligation met en danger la vie de la personne envers laquelle cette obligation doit être remplie, ou cause, ou est de nature à causer, un tort permanent à la santé de cette personne.

Articles 219 et 220, Code criminel – Négligence criminelle causant la mort

219 (1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

a) soit en faisant quelque chose;

b) soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

(a) s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

(b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant est tombé dans un état de détresse médicale aiguë alors qu’il était sous la garde de la PRY le 12 février 2025. Il est décédé peu de temps après à l’hôpital. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, désignant l’AI à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement au décès du plaignant.

Les infractions possibles à l’étude sont l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence et la négligence criminelle causant la mort, lesquelles se rapportent aux articles 215 et 220 du Code criminel, respectivement. Dans les deux cas, pour qu’il y ait infraction, un simple manque de diligence ne suffit pas. La première infraction est fondée, en partie, sur une conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances. La deuxième infraction, plus grave, est réservée aux comportements qui montrent une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cette infraction n’est établie que si la négligence constitue un écart à la fois marqué et important par rapport à la diligence dont ferait preuve une personne raisonnable dans des circonstances de même nature. Dans l’affaire qui nous concerne, la question est de savoir s’il y a eu un manque de diligence dans la manière dont les agents chargés de surveiller le plaignant pendant qu’il était sous garde, y compris l’AI, sont intervenus auprès du plaignant qui a mis la vie de ce dernier en danger ou qui a contribué à son décès et qui était suffisamment grave pour justifier des sanctions criminelles. À mon avis, ce n’est pas le cas.

En ce qui concerne l’analyse de la responsabilité, la question est de savoir comment le plaignant a pu introduire ce qui semble être des substances illicites dans une cellule du poste de police, puis les consommer. Le premier élément à examiner nécessite une évaluation des fouilles du plaignant effectuées avant qu’il ne soit placé dans la cellule. Ces fouilles, pendant lesquelles on a examiné ses vêtements et un sac qu’il avait avec lui, ont permis de découvrir une certaine quantité de drogue et d’accessoires servant à la consommation de drogue. Les fouilles semblent avoir été effectuées de manière rigoureuse. En outre, puisque la drogue à laquelle le plaignant a eu accès pendant qu’il était dans la cellule semblait cachée dans son sous-vêtement ou possiblement dans sa personne, il n’est pas surprenant que les fouilles n’aient pas permis de la découvrir. Une fouille à nu aurait très bien pu révéler les substances que le plaignant a consommées par la suite. Les agents ont effectivement envisagé de procéder à une fouille à nu, mais la demande a été rejetée par l’AT no 4. Comme l’a clairement établi la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c. Golden, [2001] 3 RCS 679, compte tenu de sa nature intrinsèquement humiliante, une fouille à nu n’est justifiable que lorsqu’il y a des motifs raisonnables et probables de conclure que cette fouille est nécessaire dans les circonstances. Compte tenu des circonstances – un détenu s’étant présenté en apparence en bonne santé et n’ayant pas les facultés affaiblies – je ne peux conclure, sur la base d’un jugement raisonnable, qu’une fouille à nu était nécessaire.

Le deuxième élément à examiner concerne le caractère adéquat de la surveillance dont a bénéficié le plaignant pendant sa détention. Là aussi, je suis convaincu que les agents responsables de la garde du plaignant n’ont pas enfreint les limites prescrites par le droit criminel. Bien que les membres du personnel de la police n’ont pas régulièrement vérifié physiquement l’état du plaignant, les éléments de preuve indiquent qu’ils ont surveillé ce dernier par moniteur vidéo environ toutes les 30 minutes lorsqu’il était dans la cellule, et qu’aucune de ces vérifications n’a suscité d’inquiétude. Encore une fois, si le plaignant avait été considéré comme un détenu à haut risque, il est concevable qu’il aurait fait l’objet de contrôles plus fréquents et que sa consommation de drogue aurait pu être détectée plus tôt, voire évitée. Cela dit, il n’y avait pas de raison particulière de penser que le plaignant présentait un risque élevé. Rappelons qu’il semblait en bonne santé et à jeun, et que de la drogue trouvée dans ses vêtements avait déjà été confisquée.

Enfin, il est important de noter que la consommation de drogue du plaignant a été détectée assez rapidement et que les agents ont agi rapidement pour prodiguer des soins médicaux en attendant l’arrivée des ambulanciers.

Par conséquent, bien que la cause du décès du plaignant reste inconnue à ce jour, je suis convaincu que ce décès n’est pas attribuable à une conduite de l’AI ou de tout autre agent qui aurait enfreint les limites de diligence prescrites par le droit pénal. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 23 mai 2025

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34(2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci‑dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.