Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 25-TCI-316

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’exécution de la loi qui enquête sur les incidents mettant en cause un agent et impliquant un décès, une blessure grave, la décharge d’une arme à feu contre une personne ou une allégation d’agression sexuelle. Selon la définition de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales (Loi sur l’UES), « agents » s’entend des agents de police, des agents spéciaux employés par la Commission des parcs du Niagara et des agents de la paix en vertu de la Loi sur l’Assemblée législative. La compétence de l’UES s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux en Ontario.

En vertu de la Loi sur l’UES, le directeur de l’UES doit établir, d’après les preuves recueillies dans le cadre d’une enquête, s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’un agent a commis une infraction criminelle. Si de tels motifs existent, le directeur a le pouvoir de faire porter une accusation criminelle contre cet agent. Par contre, en l’absence de tels motifs, le directeur ne peut pas porter d’accusation. Dans ce cas, un rapport d’enquête est rédigé et rendu public, sauf s’il portait sur des allégations d’agression sexuelle, auquel cas le directeur de l’UES peut consulter la personne concernée et exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas publier le rapport pour protéger la vie privée de la personne concernée.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales

En vertu de l’article 34, certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • le nom d’un agent impliqué, d’un agent témoin, d’un témoin civil ou d’une personne concernée, ainsi que tout renseignement permettant d’identifier ces personnes;
  • des renseignements qui pourraient amener à ce que l’identité d’une personne ayant signalé avoir été agressée sexuellement soit révélée dans le contexte de l’agression sexuelle;
  • des renseignements qui, de l’avis du directeur de l’UES, peuvent présenter un risque de préjudice grave pour une personne;
  • des renseignements qui divulguent des techniques ou méthodes d’enquête;
  • des renseignements dont la diffusion est interdite ou restreinte par la loi;
  • des renseignements pour lesquels la protection de la vie privée d’une personne obtenue grâce à leur non-publication l’emporte clairement sur l’intérêt public de les publier.

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée

En vertu de l’article 14 (article relatif à l’exécution de la loi), certains renseignements peuvent être omis de ce rapport, notamment :

  • des renseignements qui révèlent des
  • des renseignements dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet

En vertu de l’article 21 (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • les noms de personnes, y compris des témoins civils et des agents impliqués et témoins;
  • des renseignements sur le lieu de l’incident;
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête;
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé

En vertu de cette loi, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres instances liées au même incident, par exemple des instances pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’exécution de la loi.

Exercice du mandat

En vertu de l’article 15 de la Loi sur l’UES, l’UES peut enquêter sur la conduite d’agents (agents de police, agents spéciaux de la Commission des parcs du Niagara ou agents de la paix en vertu de Loi sur l’Assemblée législative) qui pourrait avoir entraîné un décès, des blessures graves, une agression sexuelle ou la décharge d’une arme à feu contre une personne.

Une personne subit une « blessure grave » qui relève de la compétence de l’UES si, selon le cas : elle subit une blessure pour laquelle elle est admise à l’hôpital, elle souffre d’une fracture du crâne, d’un membre, d’une côte ou d’une vertèbre, elle souffre de brûlures sur une grande partie du corps, ou elle subit une perte de la vision ou de l’ouïe par suite d’une blessure.

De plus, une « blessure grave » désigne toute autre blessure subie par une personne susceptible d’avoir des répercussions sur la santé ou le confort de cette personne et qui n’est pas de nature passagère ou bénigne.

Le présent rapport porte sur l’enquête menée par l’UES sur une blessure grave subie par un homme de 32 ans.

L’enquête

Notification de l’UES[1]

Le 16 août 2025, à 8 h 45, le Service de police de Toronto (SPT) a communiqué avec l’UES pour lui transmettre l’information suivante.

Le 15 août 2025, deux inspecteurs du SPT ont vu une motocyclette sans plaque d’immatriculation roulant à grande vitesse près de l’hôtel Sandman, au 55, Reading Court, à Etobicoke. Ils ont suivi la motocyclette dans le stationnement de l’hôtel et se sont approchés du conducteur. Il a refusé de s’identifier et s’est battu avec les agents; un passant (on sait maintenant qu’il s’agit du plaignant) filmait l’interaction au moyen d’un téléphone cellulaire. Le plaignant est entré dans l’un des véhicules de police et a pris une radio portative du SPT, ce qui a conduit à son arrestation. On a emmené le plaignant à l’Hôpital général d’Etobicoke – William Osler Health System, où l’on a déterminé qu’il avait subi une fracture du bras.

L’équipe

Date et heure de l’envoi de l’équipe : 26 août 2025, à 10 h 44

Date et heure d’arrivée de l’UES sur les lieux : 26 août 2025, à 11 h 24

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 3

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0

Personne concernée (« plaignant ») :

Homme de 32 ans; a participé à une entrevue et ses dossiers médicaux ont été obtenus et examinés

Le plaignant a participé à une entrevue le 16 août 2025.

Témoins civils

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

Les témoins civils ont participé à des entrevues le 16 août 2025.

Agents impliqués

AI N’a pas consenti à se soumettre à une entrevue ni à remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Agents témoins

AT no 1 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

AT no 2 A participé à une entrevue; notes reçues et examinées

Éléments de preuve

Les lieux

Les événements en question se sont déroulés dans le stationnement devant l’entrée principale de l’hôtel Sandman Signature Toronto Airport, au 55, Reading Court, Toronto.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio ou de photographies[2]

Vidéo captée par le téléphone cellulaire d’un témoin

On voit l’AI debout à la droite du plaignant, tenant l’avant-bras droit de celui-ci avec ses deux mains. Le plaignant se retourne pour faire face à l’AI et saisit les bras de ce dernier. L’AI et le plaignant se tiennent mutuellement par les bras, chacun essayant d’exercer un plus grand contrôle sur l’autre. L’AI tient l’avant-bras droit du plaignant avec ses deux mains et fait plusieurs pas en avant, plaçant le bras droit du plaignant derrière son dos. Le plaignant place son bras gauche derrière son dos. Il tire vers l’avant et pivote dans le sens horaire, et l’AI relâche ses deux bras. Le plaignant fait face à l’AI. L’AI tente de saisir les bras du plaignant, et celui-ci résiste. Le plaignant tient le biceps gauche de l’AI avec sa main gauche et la main et le bras droits de celui-ci avec sa main droite. Les deux luttent dans un mouvement de va-et-vient. Le plaignant relâche le biceps gauche de l’AI tandis que ce dernier le pousse vers l’arrière. L’AI fait face au plaignant et lui tient le bras gauche avec sa main droite. L’AI, une main sur chacun des bras du plaignant, fait reculer celui-ci contre un pilier en béton. Il le tient pendant que l’AT no 2 place le bras gauche du plaignant derrière son dos et le menotte.

Images captées par la caméra d’intervention du SPT

Le 15 août 2025, à 19 h 48, l’AI, debout face au plaignant, fait reculer celui-ci contre un pilier. L’AI place le bras droit du plaignant derrière son dos, tandis que l’AT no 2 saisit son bras gauche et le menotte. L’AT no 2 fait monter le plaignant dans un véhicule de police et lui dit qu’il est en état d’arrestation pour entrave au travail d’un agent de la paix et vol de moins de 5 000 $.

Enregistrements des communications du SPT

Le 15 août 2025, vers 19 h 48, un agent informe par radio le répartiteur du centre des communications que deux personnes [le TC no 1 et le plaignant] sont sous garde à l’hôtel Sandman. On demande une ambulance.

Documents obtenus du service de police

L’UES a obtenu les éléments suivants de la part du SPT entre le 16 août 2025 et le 15 octobre 2025 :

  • nom et rôle des agents ayant participé à l’intervention;
  • liste des témoins civils;
  • rapport d’incident général;
  • photographies des lieux;
  • enregistrements des caméras d’intervention;
  • images captées par la caméra à bord du véhicule de police;
  • vidéo captée par un témoin civil au moyen de son téléphone cellulaire;
  • notes sur l’extraction de données préliminaires de l’Unité de la lutte contre la criminalité technologique
  • notes de l’AT no 1 et de l’AT no 2;
  • politiques – arrestation; personnes détenues; intervention en cas d’incident.

Éléments obtenus auprès d’autres sources

L’UES a obtenu les éléments suivants auprès d’autres sources entre le 19 août 2025 et le 29 août 2025 :

  • enregistrement vidéo de l’hôtel Sandman Signature Toronto Airport;
  • dossiers médicaux du plaignant de l’Hôpital général d’Etobicoke.

Description de l’incident

Les éléments de preuve recueillis par l’UES, notamment les entrevues menées auprès du plaignant et des témoins civils et de la police, ainsi que les enregistrements vidéo qui montrent l’incident en partie, permettent d’établir le scénario suivant. Comme la loi l’y autorise, l’AI a choisi de ne pas participer à une entrevue avec l’UES et de refuser que l’on communique ses notes concernant l’incident.

Dans la soirée du 15 août 2025, l’AT no 1 a vu une motocyclette circulant sans plaque d’immatriculation. Il a suivi le véhicule jusqu’à l’hôtel Sandman Signature Toronto Airport. Il était stationné devant les portes principales de l’hôtel. Le motocycliste – le TC no 1 – était entré dans l’hôtel pour aller aux toilettes. L’AT no 1 a appelé l’AI pour qu’il vienne l’aider, décidant d’attendre que le TC no 1 sorte de l’hôtel. L’AI est arrivé sur les lieux et a stationné son VUS Kia banalisé devant l’entrée de l’hôtel. Les deux agents étaient en civil.

Le TC no 1 est sorti de l’hôtel et les agents l’ont interrogé. Une lutte s’en est suivie lorsque les agents ont dit au TC no 1 qu’il était en état d’arrestation.

À l’extérieur de l’entrée principale, le plaignant, un client de l’hôtel, a commencé à filmer l’arrestation du TC no 1 avec son téléphone cellulaire. Les agents ont demandé au plaignant d’appeler la police pour obtenir de l’aide et leur ont montré leurs insignes pour confirmer qu’ils étaient de la police. Le plaignant a refusé de le faire et a continué à filmer. À un moment donné, il s’est approché du véhicule de l’AI, a ouvert une portière et a regardé à l’intérieur. Il a ensuite pris une radio portative que l’AI avait placée sur le rebord d’un pilier près de l’entrée principale. L’AT no 1 s’en est aperçu et a alerté l’AI.

L’AI s’est approché du plaignant, lui a enlevé la radio des mains et a ramené le bras droit du plaignant derrière son dos. L’AI a fait trébucher le plaignant, qui est tombé au sol. Le plaignant s’est relevé, après quoi lui et l’AI ont lutté debout. Un agent en uniforme – l’AT no 2 – est arrivé sur les lieux et a aidé à menotter le plaignant, les mains derrière le dos.

Après son arrestation, le plaignant a été examiné à l’hôpital, où l’on a constaté qu’il avait une fracture du coude droit.

Dispositions législatives pertinentes

Paragraphe 25(1), Code criminel – Protection des personnes autorisées

25(1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

a) soit à titre de particulier;

b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;

c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;

d) soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

Article 334, Code criminel – Punition du vol

334 Sauf disposition contraire des lois, quiconque commet un vol :

a) si le bien volé est un acte testamentaire ou si la valeur de ce qui est volé dépasse cinq mille dollars, est coupable :

(i) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans,

(ii) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire;

b) si la valeur de ce qui est volé ne dépasse pas cinq mille dollars, est coupable :

(i) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans,

(ii) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Analyse et décision du directeur

Le plaignant a subi une blessure grave lors de son arrestation par les agents du SPT le 15 août 2025. L’UES a été avisée de l’incident et a entrepris une enquête, au cours de laquelle l’AI a été désigné à titre d’agent impliqué. L’enquête est maintenant terminée. Après avoir examiné les éléments de preuve, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire que l’AI a commis une infraction criminelle relativement à l’arrestation et à la blessure du plaignant.

Aux termes du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police sont à l’abri de toute responsabilité criminelle pour l’usage de la force dans l’exercice de leurs fonctions, pourvu que cette force soit, sur la base d’un jugement raisonnable, nécessaire à l’accomplissement de ce qu’il leur est enjoint ou permis de faire.

Je suis convaincu que l’arrestation du plaignant pour vol, aux termes de l’alinéa 334b) du Code criminel, était fondée. Qu’il ait eu ou non l’intention de voler la radio de l’AI lorsqu’il l’a prise, il est tout à fait possible que son comportement ait donné l’impression qu’il avait l’intention de s’enfuir avec celle-ci.

Je suis également convaincu que la force utilisée par l’AI pour procéder à l’arrestation du plaignant était justifiée du point de vue de la loi. Le plaignant avait, sans autorisation, ouvert la portière du véhicule de l’AI et pris la radio de l’agent. Ce sont des actes de provocation qui auraient pu amener l’AI à soupçonner, sur la base de motifs raisonnables, que le plaignant résisterait à son arrestation. En même temps, il était essentiel que l’AI s’occupe du plaignant le plus rapidement possible afin de pouvoir retourner aider l’AT no 1, qui était au sol en train de lutter avec le TC no 1. Ainsi, il était logique de porter le plaignant au sol, car cela permettrait à l’agent de mieux gérer toute résistance. Le plaignant a effectivement résisté et a réussi à se relever, puis il s’est débattu contre les efforts de l’AI visant à maîtriser ses bras. L’agent a réagi en tentant de ramener ses bras derrière son dos. Le plaignant n’a reçu aucun coup.

Par conséquent, même si je reconnais que le plaignant a subi sa fracture pendant l’altercation qui a marqué son arrestation, que ce soit en raison de la mise au sol ou du fait que son bras droit a été placé de force derrière son dos, j’estime qu’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’elle est attribuable à une conduite contraire à la loi de la part de l’AI. Ainsi, il n’y a aucun motif de porter des accusations criminelles dans cette affaire. Le dossier est clos.

Date : 10 décembre 2025

Approuvé par voie électronique par

Joseph Martino

Directeur

Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) Sauf en cas d’indication contraire, les renseignements contenus dans cette section correspondent à ceux reçus par l’UES au moment où elle a été notifiée et ne correspondent pas nécessairement aux conclusions de l’UES à l’issue de son enquête. [Retour au texte]
  • 2) Les enregistrements en question contiennent des renseignements personnels de nature délicate et ne sont donc pas divulgués, aux termes du paragraphe 34 (2) de la Loi de 2019 sur l’Unité des enquêtes spéciales. Les parties importantes de ces enregistrements sont résumées ci-dessous. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.