Rapport du directeur de l’Unité des enquêtes spéciales - Dossier nº 16-OVI-312

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Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le rapport porte sur l’enquête menée par l’UES au sujet de la blessure grave subie par un homme de 34 ans le 13 décembre 2016 lorsqu’il a été heurté par un camion gros porteur tandis qu’il était poursuivi à pied par un agent.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 13 décembre 2016, à 16 h 20, le Service de police d’Ottawa a avisé l’UES de la blessure grave subie par le plaignant.

Le Service de police a déclaré qu’à 14 h 57 le 13 décembre 2016, deux de ses agents patrouillant à pied faisaient des vérifications auprès d’un groupe de personnes au coin des rues King Edward et Rideau lorsque l’un des hommes [maintenant identifié comme le plaignant] a pris la fuite à pied. L’agent impliqué (AI) l’a poursuivi à pied. Celui-ci a traversé une rue au milieu des voitures et il a été heurté par un camion. On l’a conduit à l’hôpital, où on a constaté une fracture de la jambe.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 4

Nombre d’enquêteurs spécialistes des sciences judiciaires de l’UES assignés : 0 [1]

Plaignant

Homme de 34 ans, qui a participé à une entrevue et dont le dossier médical a été obtenu et examiné

Témoins civils

TC no 1  A participé à une entrevue

TC no 2  A participé à une entrevue

TC no 3  A participé à une entrevue

Agent témoin

AT A participé à une entrevue

Agent impliqué

AI A refusé de se soumettre à une entrevue et de remettre ses notes, comme la loi l’y autorise en tant qu’agent impliqué

Éléments de preuve

Les lieux

L’incident a débuté derrière un immeuble de type industriel ou commercial abritant notamment le club de boxe d’Ottawa, qui est situé du côté est de la rue King Edward, à environ 75 mètres au nord de l’intersection avec la rue Rideau. La zone des quais de chargement, où l’interaction s’est produite, est à environ 20 mètres à l’est de la route.

La rue King Edward est une voie de circulation importante sur un axe nord-sud qui compte trois voies de circulation dans chaque sens ainsi qu’un trottoir pour les piétons de chaque côté. La limite de vitesse est fixée à 50 km/h.

Éléments de preuve matériels

Véhicule impliqué

Le véhicule qui a heurté le plaignant était un camion gros porteur tirant une remorque de près de 14 mètres remplie de sel de voirie. Il était doté d’un GPS qui enregistre l’heure, la vitesse et l’emplacement du véhicule. Les données indiquent que le camion roulait en direction est sur la rue Rideau et qu’il s’est arrêté à l’intersection avec la rue King Edward. Il est ensuite tourné à gauche et s’est dirigé vers le nord sur la rue King Edward en prenant de la vitesse jusqu’à atteindre au plus 26 km/h, avant d’arrêter à 14 h 57.

Éléments de preuve sous forme de vidéos, d’enregistrements audio et de photographies

Caméra de surveillance de la circulation

Une caméra de surveillance de la circulation située à l’intersection des rues Rideau et King Edward a filmé l’incident. On peut voir deux piétons [maintenant identifiés comme les TC nos 2 et 3] qui marchent en direction sud sur le trottoir du côté est. Le camion gros porteur, qui allait vers l’est sur la rue Rideau, a tourné à gauche pour se diriger vers le nord sur la rue King Edward en empruntant la voie au centre des deux autres. Un homme [maintenant identifié comme le plaignant] est arrivé soudainement en courant. Il sortait d’entre deux immeubles du côté est et il allait vers l’ouest, en passant directement devant le camion. À peu près au même moment que l’impact, un agent [maintenant identifié comme l’AI] a surgi, entre les deux mêmes immeubles du côté est de la rue, en se dirigeant vers l’ouest. L’AI était à une distance d’un peu plus d’une voie de circulation derrière le plaignant. Il n’y a eu aucun contact entre l’AI et le plaignant pendant qu’ils étaient dans le champ de la caméra.

Éléments obtenus auprès du service de police

L’UES a demandé au Service de police d’Ottawa les documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • le rapport du système de répartition assisté par ordinateur
  • la liste des témoins civils
  • le rapport d’enquête de l’AT
  • les notes de l’AT
  • le dossier personnel imprimé (intervention antérieure de la police) du plaignant
  • le cahier des photos des lieux
  • les enregistrements de la caméra de surveillance de la circulation
  • les déclarations des TC nos 1, 2 et 3

Description de l’incident

Dans l’après-midi du 13 décembre 2016, le plaignant était avec un groupe d’hommes qui se tenaient près du conduit de sortie de chauffage à l’arrière du stationnement d’un immeuble abandonné du ministère de la Défense nationale à Ottawa. L’AI et l’AT patrouillaient à pied dans le secteur lorsqu’ils ont perçu une odeur de marijuana et ont vu un homme qui fumait. Ils ont alors décidé de faire une vérification auprès du groupe. Tandis que l’AT était en train d’arrêter un des hommes, l’AI parlait au plaignant. Sans aucune raison apparente, le plaignant s’est enfui en courant dans le stationnement vers la rue King Edward et l’AI s’est mis à sa poursuite, suivi de l’AT.

Quand le plaignant a traversé le trottoir du côté est de la rue King Edward, il a croisé le TC no 2, qui marchait en direction sud vers la rue Rideau en compagnie du TC no 3. Le TC no 2 a alors attrapé le plaignant par le bras, mais celui-ci a réussi à s’échapper et il a couru directement dans les voies en direction nord de la rue King Edward. Pendant qu’il traversait la deuxième voie de la rue, il a été heurté par un camion gros porteur qui roulait vers le nord.

Une ambulance a été appelée, et le plaignant a été conduit à l’hôpital. Il avait subi des fractures du tibia et du fémur de la jambe gauche.

Analyse et décision du directeur

Le 13 décembre 2016, à environ 15 h, l’AI et l’AT, qui patrouillaient à pied, ont croisé un groupe d’hommes qui leur semblaient consommer de l’alcool ou une drogue dans un lieu public. Il ont plus précisément vu un homme qui fumait quelque chose qui ressemblait à un joint. L’AI et l’AT ont décidé d’arrêter vérifier ce qui se passait. Ils ont saisi une petite quantité de marijuana qu’un homme avait en sa possession. Celui-ci a reçu un avertissement, puis il a été relâché. Pendant ce temps, l’AI parlait à un autre homme, soit le plaignant, qui s’est soudainement mis à courir. Les deux agents sont partis à sa poursuite. Deux témoins indépendants ont vu le plaignant courir dans leur direction pendant qu’ils marchaient sur le trottoir de la rue King Edward. Le TC no 2, soit un de ces deux civils, est entré en contact avec le plaignant, mais celui-ci a continué de courir. Les deux témoins civils ainsi que les deux agents ont ensuite vu le plaignant courir directement dans la trajectoire d’un camion gros porteur et se faire heurter par le pare-chocs avant du véhicule.

Le TC no 1, soit le conducteur du camion gros porteur, a vu le plaignant arriver en courant dans sa voie de circulation pour passer juste devant son camion, mais il a été incapable d’immobiliser son véhicule avant de heurter le plaignant. Tous les témoins ont confirmé que les deux agents étaient à une bonne distance du plaignant lorsqu’il a traversé la route et qu’il a été heurté et qu’aucun des agents n’avait eu de contact physique avec le plaignant pendant qu’il courait vers la route ou juste avant. L’AT a estimé que l’AI était à environ 7,6 mètres derrière le plaignant, tandis que lui-même était encore 7,6 mètres plus loin derrière l’AI. D’après l’ensemble des éléments de preuve, tous conviennent que les agents n’ont pas eu de contact physique avec le plaignant. Il apparaît par conséquent évident que le plaignant a pris délibérément la décision de s’enfuir de la police et de traverser des voies de circulation passantes lorsqu’il a été heurté par le camion gros porteur.

Les données de GPS du camion conduit par le TC no 1 confirment qu’il roulait à 26 km/h au moment de l’impact, à 14 h 57. Il était alors en direction nord sur la rue King Edward.

La caméra de surveillance de la circulation située à l’intersection entre les rues Rideau et King Edward confirme que l’accident s’est déroulé de la manière décrite ci-dessus, c’est‐à-dire qu’on voit le plaignant arriver soudainement en courant après être passé entre deux immeubles du côté est de la rue. Il se dirige directement dans la trajectoire du camion gros porteur et est heurté par lui. La vidéo corrobore aussi le fait que l’AI était à une distance d’environ une voie derrière le plaignant et qu’il n’y a eu aucun contact physique entre l’AI et le plaignant jusqu’à ce qu’il coure dans la rue passante et soit heurté par le camion gros porteur et blessé.

D’après l’ensemble de la preuve, il ressort clairement qu’il n’y a eu aucun contact direct entre le plaignant et les agents, que le plaignant a pris en toute connaissance de cause la décision de s’enfuir de la police et qu’il a pour ce faire traversé une rue passante et qu’il a été heurté et blessé par un camion gros porteur. Puisqu’il n’y a aucune preuve que l’AI ait pu causer de quelque façon que ce soit les blessures du plaignant et qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre les blessures du plaignant et les agissements de l’AI, il n’y a pas lieu de porter des accusations.

Même s’il est vrai que, si l’AI ne s’était pas arrêté pour parler au plaignant et vérifier si des narcotiques étaient utilisés de façon illégale comme il le soupçonnait, le plaignant ne se serait pas enfui et n’aurait pas été blessé, la police ne peut pas être tenue responsable des agissements des personnes qui tentent de lui échapper. Au départ, lorsque les agents se sont arrêtés pour parler aux hommes dans le stationnement, ils avaient des motifs raisonnables de croire, compte tenu de ce qu’ils avaient observé et de l’odeur de marijuana, qu’une infraction à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances était en train d’être commise et il était de leur devoir de faire une vérification. Lorsque le plaignant s’est enfui, les agents étaient en droit de le poursuive pour procéder à une vérification légitime. C’est le plaignant qui a choisi de s’enfuir de la police, puis de traverser une rue passante et c’est donc lui qui est seul le responsable des conséquences déplorables.

Au vu du dossier, il n’existe pas de lien de cause à effet entre les agissements de la police et les blessures subies par le plaignant et il n’y a donc pas lieu de porter des accusations.

Date : 6 octobre 2017

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales

Notes

  • 1) [1] Aucun enquêteur spécialiste des sciences judiciaires de l’UES n’était libre et, comme le temps était de plus en plus maussade, on a convenu de confier aux enquêteurs spécialistes des collisions du Service de police d’Ottawa la tâche d’inspecter les lieux et de fournir les données à l’UES. [Retour au texte]

Note:

La version originale anglaise signée du rapport fait autorité. En cas de divergence entre cette version et les versions anglaise ou française en ligne, la version originale anglaise signée du rapport l’emporte.